Dostoïevski (Fedor Mikhaïlovitch) (suite)
Dostoïevski s’est perdu dans le labyrinthe obscur de ses contradictions, mais sa vie est une trajectoire unique sur le chemin de la souffrance. Il a engendré des démons, des fous, des illuminés ; mais sa pensée est restée vigoureuse et saine. Il a oscillé toute sa vie entre l’acceptation et le refus de Dieu, mais il a poursuivi sa méditation, agenouillé. Et la vraie foi n’est-elle pas celle-là seule qui peut assumer le doute, l’obscurité et la révolte ?
Comment les marxistes lisent Dostoïevski
Interdit pendant plus de trente ans en Union soviétique, Dostoïevski est aujourd’hui réhabilité et reconquiert la Russie. Depuis les derniers mois de 1955, ses œuvres complètes ont subitement réapparu sur le marché, en éditions populaires à gros tirages — les Soviétiques revendiquent son œuvre comme l’expression d’une « révolte contre le monde capitaliste ».
Comment les marxistes lisent-ils Dostoïevski ? « Objectivement », les romans décrivent la situation tragique de l’homme dans l’univers capitaliste de la Russie tsariste, acculé au désespoir, au crime ou au suicide, par la corruption des classes possédantes. « Subjectivement », Dostoïevski considère cette situation comme sans issue, ou, plus précisément, l’issue chrétienne qu’il propose est contraire au processus historique : il a vu dans l’Église orthodoxe « l’alliance vitale des moines et du peuple de Dieu », l’incarnation de la cité de Dieu, et il a commis l’« erreur tragique » de condamner la révolution, influencé sans doute par ses quatre années de bagne, qui le coupèrent des forces vives de la nation.
Les marxistes acceptent donc la vérité objective de l’œuvre et répudient les idées subjectives de l’auteur.
S. M.-B.
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