Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

La situation est alors propice à l’action. Sur le plan économique, la disparité entre le niveau de vie des Européens et celui des musulmans s’aggrave. La mécanisation de plus en plus grande de l’agriculture se traduit par une augmentation de profit pour les colons et par une réduction d’emplois pour les Algériens. À une époque où la main-d’œuvre est particulièrement pléthorique, la situation des musulmans paraît alarmante. Au surplus, les mesures sociales restent rudimentaires : les allocations familiales ne s’appliquent pas à l’agriculture, c’est-à-dire aux musulmans les plus nombreux et les plus déshérités. La Sécurité sociale ne concerne que les ouvriers permanents de l’agriculture, en nombre relativement peu important. D’autre part, plus de 80 p. 100 des enfants ne sont pas scolarisés.

La conjoncture internationale favorise la prise de conscience et la mobilisation de la population. La Tunisie et le Maroc sont en pleine insurrection ; et le régime égyptien issu du coup d’État de juillet 1952 promet toute l’aide possible à un mouvement identique en Algérie.

Mais le mouvement national traverse une crise. En 1953, le M. T. L. D. se scinde en deux fractions rivales : d’un côté, les « centralistes », ou partisans du Comité central issu du congrès d’avril 1953, tenu clandestinement en l’absence de Messali, alors interdit de séjour en Algérie ; de l’autre, les partisans de Messali, qui, en Belgique, réunit en juillet 1954 un congrès de ses fidèles et proclame la dissolution du Comité central. En septembre 1954, divers heurts se produisent à Alger entre messalistes et centralistes.

• Le C. R. U. A. Au mois d’avril 1954, neuf militaires du M. T. L. D., pour une bonne part anciens membres de l’O. S., constituent un groupement : le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (C. R. U. A.). Après avoir tenté vainement de réconcilier les « frères ennemis » pour agir le plus tôt possible contre le colonialisme français, les « neuf chefs historiques » décident de passer à l’action. Ils réunissent les militants les plus résolus du M. T. L. D. comme les anciens de l’O. S., et fixent, en dehors du parti, le début de l’insurrection en Algérie pour le 1er novembre 1954.

• Le F. L. N. et la révolution algérienne. Se plaçant au-dessus des clans, ils fondent un parti révolutionnaire dont l’action, déclarent-ils, est dirigée « uniquement contre le colonialisme, seul ennemi obstiné et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique ». Cette nouvelle formation, dénommée « Front de libération nationale » (F. L. N.), « offre la possibilité à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens de s’intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération ». Son but est l’indépendance nationale par « la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques et le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions ».

• L’A. L. N. Pour atteindre cet objectif, le F. L. N. appelle le peuple algérien à la lutte armée contre le colonialisme. Une organisation militaire est mise sur pied dès juillet 1954.

Groupées d’abord en une « Armée révolutionnaire algérienne », avant de devenir en novembre 1954 l’« Armée de libération nationale » (A. L. N.), les troupes du F. L. N. agissent dans le cadre de cinq provinces ou willaya : 1. Aurès-Nemencha (où naît l’insurrection) ; 2. Nord-Constantinois (de la frontière tunisienne à Sétif) ; 3. Kabylie (de Sétif à l’oued Isser) ; 4. Algérois (de l’oued Isser aux contreforts de l’Ouarsenis) ; 5. Oranie. Chaque willaya est divisée en zones (mintaka), elles-mêmes subdivisées en régions (nahia) et secteurs (kism). À chaque échelon, le commandement est exercé par un responsable politico-militaire assisté de deux adjoints, un militaire et un politique, qui s’efforcent d’implanter une Organisation politico-administrative (O. P. A.) destinée à se substituer à l’Administration française. L’A. L. N., dont l’état-major sera dirigé à partir de janvier 1960 par le colonel Boumediene, groupe des unités régulières de combattants en uniforme (moudjahidines), divisées en équipes (faoudj, 11 hommes), sections (ferka, 35 hommes), compagnies (katiba, 110 hommes) et bataillons (faïlek, 350 hommes). Cette armée compte aussi de nombreux partisans sans uniforme (moussebilines et fidayans), dont l’activité se manifestera surtout sur le plan de la guérilla (sabotages, incendies, explosions, etc.). Son rôle consistera à définir la politique du mouvement et à obtenir des pays arabes le plus d’armes possible et à les introduire en Algérie.


La lutte pour l’indépendance


Extension et consolidation de la révolution

L’insurrection du 1er novembre 1954 est déclenchée avec des moyens rudimentaires : des fusils de chasse et quelques armes automatiques provenant, pour la plupart, des champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale. Au début, elle ne s’implante réellement que dans la willaya de l’Aurès, grâce aux traditions de lutte de la population de cette région et au dynamisme de son chef, Mustafa Ben Boulaïd. Mais, très vite, le mouvement rayonne sur le reste de l’Algérie. En très peu de temps, le F. L. N. s’impose comme la seule force politique de l’Algérie révolutionnaire. Il commence d’abord par élargir son audience internationale. En avril 1955, la conférence afro-asiatique de Bandung l’invite en qualité d’observateur. Au mois de septembre suivant, les Nations unies sont saisies de la question algérienne par treize nations africaines et asiatiques. Fort de ce soutien international, le F. L. N. accentue le combat à l’intérieur.

Pour affirmer sa présence parmi la population, il met sur pied une administration comprenant trois commissaires politiques, des collecteurs de taxes ainsi que des juges et des arbitres. Son rôle consiste à détacher la population de l’Administration française, à dicter aux musulmans leur comportement politique, à collecter les fonds nécessaires au financement de la révolution et à trancher les différends entre les habitants.