Despiau (Charles) (suite)
En 1901, il se présente au Salon de la Société nationale des beaux-arts pour y rejoindre, groupés autour de Rodin*, le Belge Constantin Meunier (1831-1905), Dalou*, Bourdelle*, Lucien Schnegg (1864-1909) ; il y est élu associé en 1902, sociétaire en 1904, année de la Petite Fille des Landes, dont le style simple, naturel et délicat lui vaut de remporter son premier succès (épreuve en bronze commandée par l’État). Sa Jeune Fille lisant (1907, partie du monument à Victor Duruy, au jardin public de Mont-de-Marsan) a été conçue dans le même esprit, ainsi que sa Paulette, exposée à l’état de plâtre au Salon de la Nationale (1907). Dans le tumulte de ce Salon, a écrit Léon Deshairs, « quel timbre personnel et rare, quelle voix fraîche, juste, pure, vibrante d’émotion contenue. Cette voix, quelques-uns l’entendirent qui ne l’ont pas oubliée, et, parmi eux, le maître, Rodin, toujours attentif aux efforts des jeunes. On le vit tourner longtemps autour de Paulette, examiner avec délices les suaves passages des joues aux lèvres, aux yeux, aux tempes, la petite bouche fermée, d’une gravité enfantine, le nez gourmand. Au lendemain du vernissage, il écrivait à Despiau pour lui faire ses compliments et l’inviter à venir le voir dans son atelier du Dépôt des marbres. »
Ce fut ainsi que Charles Despiau devint, pour cinq années, le collaborateur de Rodin. C’était la vie matérielle assurée, en même temps que la liberté de continuer à travailler en toute indépendance, comme il est aisé de s’en apercevoir si l’on compare le modelé de Despiau, tout en nuances, et le modelé de Rodin, puissamment contrasté.
Auteur de plus de cent bustes, de statues, de plaquettes, de nombreux dessins particulièrement admirés, Charles Despiau n’a pas tenté d’expliquer théoriquement son art, mais il pourrait sembler que Bergson pensait à lui lorsqu’il écrivait : « L’art n’est sûrement qu’une vision plus directe de la réalité. Mais cette pureté de conception implique une rupture avec la convention utile, un désintéressement inné et spécialement localisé du sens ou de la conscience, enfin une certaine immatérialité de la vie, qui est ce qu’on a toujours appelé de l’idéalisme. De sorte qu’on pourrait dire, sans jouer aucunement sur le sens des mots, que le réalisme est dans l’œuvre quand l’idéalisme est dans l’âme, et que c’est à force d’idéalité seulement qu’on reprend contact avec la réalité. »
M. G.
L. Deshairs, Despiau (Crès, 1930). / M. Gauthier, Charles Despiau (les Gémeaux, 1949). / W. George, Despiau vivant (Fischbacher, 1953).