Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Danemark (suite)

Évangélisées dès le vie s. par des moines irlandais, colonisées au IXe s. par des navigateurs norvégiens, réunies au xive s., avec la Norvège, au Danemark, les îles furent attribuées à ce dernier pays en 1814. À la suite d’un plébiscite en 1946, une Constitution fut mise en application en 1948, qui fait de l’archipel un département danois autonome avec un Parlement local qui envoie des représentants au Parlement de Copenhague. Le drapeau est une croix rouge à lisière bleue sur fond blanc. La langue est intermédiaire entre le norvégien et l’islandais.

J. G.


La littérature

V. scandinaves (littératures).


Le cinéma

C’est en 1903 qu’un photographe à la Cour, Peter Elfelt (1866-1931), réalise le premier film danois, l’Exécution capitale (Henrettelsen). Moins de neuf ans plus tard, les productions danoises conquerront le marché européen, menaçant même sérieusement l’empire des Frères Pathé. Cette soudaine et imprévisible extension est due essentiellement à l’activité débordante de la Nordisk Films Kompagni, société fondée en 1906 par Ole Olsen (1863-1943) et Arnold Richard Nielsen, qui produira dès 1907 de très nombreux documentaires romancés et des drames sociaux dont le caractère à la fois osé et pathétique attirera très rapidement les foules européennes. En 1910, les Danois non seulement dominent les marchés scandinave, allemand et russe, mais réussissent également à concurrencer en France, en Grande-Bretagne et en Italie les productions nationales. À la Nordisk s’adjoignent d’autres sociétés comme la Fotorama, la Biorama, la Kinografen, la Kosmorama. Parmi les noms des pionniers du cinéma danois, il faut citer Viggo Larsen (la Chasse au lion [Løvejagten, 1907]), Holger Rasmussen, Schnedler-Sørensen, Alfred Lind et Robert Dinesen (également acteur célèbre). Mais les quatre cinéastes qui demeurent les plus représentatifs de l’époque sont incontestablement August Blom (1869-1947), Urban Gad (1879-1947), Holger-Madsen (1878-1943) et Benjamin Christensen (1879-1959).

August Blom s’oriente vers le mélodrame, mêlant les plaidoyers les plus vibrants en faveur des suffragettes ou des filles mères à l’exploitation du pittoresque des bas-fonds. Ce romantisme de la prostitution s’accompagne tout naturellement d’un moralisme convaincu. Blom tourne la Traite des Blanches (Den Hvide Slavehandel, 1910), thème à la mode puisque, la même année, Alfred Lind tourne un autre film au titre identique, Aux portes de la prison (Ved Faengslets Port, 1911), puis la Fin du monde (Verdens Undergang, 1915). Urban Gad lance la vogue du drame mondain, de l’adultère tragique, des catastrophes engendrées par les débordements de la passion et dont l’issue est inévitablement la mort ou la déchéance. C’est à lui que l’on doit la découverte d’Asta Nielsen (1881-1972), la Duse du Nord, la Sarah Bernhardt danoise, dont il fait la vedette de l’Abîme (Afgrunden, 1910), et la propagation du mythe de la vamp, que recueilleront peu de temps après les Français (avec Musidora), les Italiens (avec Lyda Borelli) et les Américains (avec Theda Bara). Chez Holger-Madsen, on retrouve, à travers un mysticisme luthérien quelque peu morbide, la hantise du péché et des préoccupations spiritualistes et occultes : Rêves d’opium (Opiumsdrømmen, 1914), l’Evangéliste (Evangeliemandens Liv, 1914), les Spirites (Spiritisten, 1915). Quant à Benjamin Christensen, il réalise l’X mystérieux (Det Hemmelighedsfulde X, 1913) et la Nuit de la vengeance (Haevnens Nat, 1915) avant de partir en Suède tourner son film le plus célèbre, la Sorcellerie à travers les âges (Heksen, 1921). Avec environ 150 longs métrages par an, le Danemark est, de 1910 à 1916, l’un des plus importants producteurs mondiaux.

Malgré l’outrance des scénarios et le jeu théâtral des acteurs (Asta Nielsen [née en 1883], Valdemar Psilander [1884-1917], Clara Pontoppidan [1883-1975], Olaf Fønss [1882-1942], Betty Nansen [1873-1943], Carlo Wieth [1885-1943]), le cinéma danois, grâce à quelques réalisateurs inspirés, à des opérateurs de talent — le meilleur fut sans doute Johan Ankerstjerne — et à des décorateurs inventifs, a été l’un des premiers à utiliser à bon escient la puissance d’émotion et de mystère contenue dans l’image cinématographique.

L’évolution de la production danoise est freinée en 1917 par la constitution de la puissante Ufa allemande. La chute quantitative est régulière et impressionnante : 152 films en 1916, 103 en 1917, 83 en 1918, 66 en 1919, 41 en 1920, 21 en 1921, 12 en 1924, 6 en 1926 et 2 en 1930. Cette période de décadence est néanmoins compensée par l’apparition de nouveaux talents dont le plus célèbre est incontestablement Carl Dreyer*, qui débute en 1919 avec le Président (Praesidenten), suivi de Feuillets arrachés au livre de Satan (Blade af Satans Bog, 1920). Après avoir tourné en Suède et en Allemagne, Dreyer revient au Danemark et réalise notamment le Maître du logis (Du Skal aere din Hustru, 1925) avant de s’expatrier de nouveau en France (pour la Passion de Jeanne d’Arc [1928] et Vampyr [1931]). Mais, en dehors de Dreyer, d’autres cinéastes s’imposent : Anders Wilhelm Sandberg (1887-1938) [le Clown (Klovnen, 1917), une série de films inspirés par Dickens, les Grandes Espérances (Store forventninger, 1921), David Copperfield (1922), la Petite Dorrit (Lille Dorrit, 1924)] ; Lau Lauritzen Jr (né en 1910), qui, avec les acteurs Harald Madsen (1890-1940) et Carl Schenstrøm (1881-1942) [Doublepatte et Patachon], réalise plusieurs œuvres comiques dont la popularité sera même internationale. Mais en 1929 la liquidation de la Nordisk réduit le Danemark à un rôle de comparse. Comme la Suède, le pays entre dans une période de sommeil avec une diffusion limitée et étroitement nationale. Au début du parlant, Sandberg, qui a dirigé plusieurs films en Grande-Bretagne, en Italie et en France, revient dans son pays tout comme Benjamin Christensen. Mais les films en costumes de Georg Schneevoigt (1893-1961) et les comédies du tandem Lau Lauritzen Jr - Alice O’Fredericks et de Johan Jacobsen (né en 1912), influencé directement par Frank Capra, ne parviennent pas néanmoins à franchir le mur de la renommée internationale. Des documentaristes comme John Olsen et Poul Henningsen annoncent le talent d’un Jørgen Roos (né en 1922), qui se révélera quelques années plus tard. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une œuvre isolée, Jour de colère, (ou Dies irae [Vredens dag, 1943]), prouve que le talent de Dreyer n’a guère souffert de ses années d’inactivité cinématographique forcée. C’est seulement après la Libération qu’une nouvelle vague de réalisateurs tente avec des réussites diverses de rendre au Danemark une place de choix. Après La terre sera rouge (De røde Enge, 1945), de Bodil Ipsen (1889-1964) et Lau Lauritzen Jr, et l’Armée invisible (Den usynlige Haer, 1945), de Johan Jacobsen — qui réalisera, en 1947, sa meilleure œuvre : le Soldat et Jenny (Soldaten og Jenny) —, quelques noms nouveaux apparaissent sur les écrans. C’est à eux que l’on doit les films les plus intéressants des années 1945-1960 — dont la production la plus fascinante est néanmoins Ordet (1955) de Carl Dreyer, qui de plus en plus apparaît dans toute l’histoire du cinéma danois comme un phare solitaire et puissant — : Ole Palsbo (1909-1952), la Famille Schmidt (Familien Schmidt, 1950) ; Erik Balling (né en 1924), Adam et Eve (Adam og Eva, 1953), Qivitoq (1956) ; et surtout le couple Astrid et Bjarne Henning-Jensen (nés en 1914 et 1908), Ditte, fille de l’homme (Ditte Menneskebarn, 1946), Ces sacrés gosses (De Pokkers unger, 1947), Kristinus Bergman (1948), Palle seul au monde (Palle alene i verden, 1949).