Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cybèle

Divinité d’origine phrygienne, dont le culte eut un grand succès dans l’Empire romain.


Cybèle est un nom rituel signifiant « caverne » en phrygien. En réalité, c’était la Grande Mère (Magna Mater), déesse d’origine phrygienne qui s’était assimilé Kubaba, déesse anatolienne très primitive. On l’appelait aussi la déesse du mont Ida, ou l’Idéenne ou la Mère des dieux, en vertu de son assimilation à Rhéa, la Terre divinisée.

Cybèle était à l’origine la divinité des cimes boisées. Son culte était empreint de sauvagerie, mais déesse et culte différaient selon le pays et même selon les sanctuaires. En Crète minoenne, Cybèle était honorée sur le mont Ida, où son histoire se mêlait à celle de Zeus. Elle était accompagnée par le cortège des courètes. Son culte se maintint dans le Péloponnèse. En Phrygie, les pratiques cultuelles étaient à la fois plus populaires et plus rustiques. Midas avait élevé un temple à Pessinonte. C’est là qu’avait pris naissance la légende du berger Attis, dont la déesse s’était éprise, qui avait sombré dans la folie, s’était émasculé, était mort, puis avait ressuscité et avait été emmené par Cybèle dans son char traîné par des lions. Ce mythe, symbole de la nature qui meurt et renaît avec les saisons, donnait prétexte à des cérémonies à la fois mystiques et barbares, évoquant la danse et la musique des corybantes, qui, comme les courètes, accompagnaient Cybèle dans ses courses à travers les forêts. Celle-ci était honorée aussi en Lydie, sur le mont Tmolos, en tant que mère de Zeus, et en Troade, sur un autre mont Ida, où elle était escortée des Dactyles, réputés inventeurs de la métallurgie et de la musique. Enfin, son culte s’attachait à divers sommets d’Asie : le Sipyle, le Dindyme, les Bérécynthes. De là, le culte asiatique passa en Grèce, où sa sauvagerie ne lui valut qu’un succès limité. Toutefois, Athènes avait un metrôon (« temple de la Mère ») doté d’une statue due à Phidias ; mais le culte n’était pas officiel.

Enfin, Rome l’adopta, et même officiellement : en 204 av. J.-C., les Livres sibyllins persuadèrent les Romains de faire venir de Pessinonte la pierre noire, le bétyle, qui tenait lieu d’effigie de la déesse, pour bénéficier de son pouvoir en une époque difficile de la guerre contre Hannibal. Les Romains, choqués par la barbarie du rituel, le romanisèrent autant que possible, évitèrent que le culte ne s’égarât trop loin du temple du mont Palatin et réservèrent longtemps les fonctions religieuses aux Phrygiens. Mais le culte se développa sous l’Empire en tant que premier culte oriental arrivé à Rome et grâce au patronage impérial : Auguste lui témoigna sa sympathie, et Claude et Antonin organisèrent les pratiques. Aux fêtes des mégalésies (4-10 avr.) s’ajoutèrent des festivités printanières (15-27 mars) d’un style assez inédit à Rome, où processions, sacrifices, temps d’abstinence et de jeûne, libations de sang, danses extatiques et réjouissances bien arrosées commémoraient l’histoire dramatique d’Attis. Derrière ces aspects spectaculaires se cachaient les croyances d’une religion à tendance monothéiste, où Cybèle était la maîtresse du monde et la salvatrice des hommes. Le culte comportait d’ailleurs de nombreux rites d’initiation de divers degrés et de diverses forces, qui comprenaient notamment le baptême par le sang d’un taureau (taurobole), la consommation des mets sacrés (et rustiques) à la table divine et peut-être une stigmatisation. On a retrouvé une salle d’initiation à Antioche de Pisidie et conservé quelques formules rituelles : « j’ai mangé au tympanon, j’ai bu au cymbalon, je suis devenu un myste d’Attis..., j’ai évité le mal, j’ai trouvé ce qui est mieux ». Quant au clergé, il s’accoutrait à la manière orientale, avec robes, diadèmes et colliers. Outre les archigalles romains, hauts dignitaires, il y avait des galles, prêtres-eunuques, et des métragyrtes, prêtres mendiants, charlatans, qui se flagellaient, se mutilaient et avaient droit au mépris des honnêtes gens. Des confréries de cannophores et de dendrophores prenaient part aux processions, mais se signalaient aussi par d’autres activités : les dendrophores étaient pompiers.

Ainsi, édulcorée lors de son introduction à Rome, la religion de Cybèle avait repris certains aspects du culte primitif au profit du mysticisme de l’époque impériale. Parallèlement, l’iconographie de la déesse s’était radicalement transformée : partie du bétyle primitif, elle avait adopté le type athénien de la femme assise entre deux lions, puis avait reçu maints attributs : calathos, corne d’abondance, sceptre, couronne crénelée, symboles sidéraux.

R. H.

 G. Radet, Cybébé (Féret, Bordeaux, 1909). / H. Graillot, le Culte de Cybèle (De Boccard, 1912). / P. Lambrechts, Attis, Van Herdersknaap tot god (Bruxelles, 1962). / A. Dupont-Sommer et L. Robert, la Déesse de Hiérapolis Castabala (A. Maisonneuve, 1964).

cybernétique

Méthodologie interdisciplinaire consacrée aux problèmes de l’antihasard.


Il convient d’une part de ne pas intégrer dans la cybernétique des disciplines ou des techniques qui se développent en dehors d’elle, mais qui sont indispensables à son propre développement (théorie des servomécanismes, informatique, recherche opérationnelle, programmation dynamique) ; d’autre part de bien définir son domaine propre, dont l’essentiel est celui des phénomènes finalisés.


Historique

L’acte de naissance véritable de la cybernétique est constitué par le livre de Norbert Wiener (1894-1964) intitulé Cybernetics, dans lequel il définit un domaine de connaissances dont les limites ne sont pas tracées et dont l’exploration reste à faire. Toutefois, certains précurseurs ont eu conscience de l’existence d’un processus à la fois technique et réflexif original. Entre 1935 et 1939, Oscar Schmidt, ingénieur allemand, exprime le premier les principes généraux des mécanismes autorégulés. D’autre part, Louis Couffignal, à côté de son apport indiscutable à l’informatique, notamment l’utilisation du calcul binaire pur, a très nettement la prescience du phénomène cybernétique. Parmi les premiers cybernéticiens figurent également Grey Walter, W. S. McCulloch et surtout William Ross Ashby (1903-1972), qui, entre 1945 et 1950, conçoit l’appareil cybernétique le plus remarquable : l’homéostat. Platon et André-Marie Ampère (1775-1836) ont, eux, effectivement employé le terme de cybernétique, mais il ne s’agit ici que de simples convergences sémantiques.