Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cuba (suite)

La politique économique

Elle a varié en fonction de la conjoncture politique. De 1959 à 1962, on se lance dans une politique de diversification des cultures pour échapper à la monoculture sucrière et l’on développe la production des céréales (maïs, sorgho, riz), d’autres cultures vivrières (légumes, racines), des agrumes, de plantes textiles (sisal), etc. On entreprend enfin, d’importants reboisements. On veut industrialiser le pays. Cela coïncide avec la phase d’enthousiasme révolutionnaire. Mais la diversification des cultures se révèle difficile par manque de compétence, et l’industrialisation, hypothétique, si l’on n’a pas de quoi la financer. La production sucrière tombe à 3,9 Mt en 1963 contre 6,8 Mt en 1961 ; il se produit alors une dangereuse désaffection à l’égard de la canne à sucre, et les termes de l’échange se dégradent.

À partir de 1964, on change de politique. L’établissement de relations solides avec l’U. R. S. S. permet d’envisager une politique commerciale à long terme. Priorité sera donnée à la canne à sucre et aux produits agricoles commercialisables à l’étranger, qui doivent permettre d’accumuler le capital nécessaire à l’industrialisation. Cuba conclut donc en 1964 un accord sucrier avec l’U. R. S. S., par lequel elle s’engage à fournir 24,1 Mt de sucre entre 1965 et 1970 à un prix stable ; en contrepartie, l’U. R. S. S. lui vendra les produits dont elle a besoin, car le blocus américain rend l’approvisionnement très difficile. Dans le domaine industriel, on en vient à une politique plus réaliste : on favorise les biens de consommation, et les autorités admettent la vocation agro-industrielle de Cuba.


Les activités économiques

Les résultats sont très inégaux, et il est difficile d’établir un bilan. Le secteur sucrier est dans une position difficile ; la production a oscillé :
1966-67 : 6,1 Mt
1967-68 : 5,1 Mt
1968-69 : 4,8 Mt
1969-70 : 9 Mt
1970-71 : 5,9 Mt
1971-72 : 4 Mt

Cuba a été incapable d’honorer ses engagements à l’égard de l’U. R. S. S. L’héritage d’avant 1959 et le blocus sont la cause de bien des retards. Le système latifundiaire laisse en 1958 des usines vétustés (la plus jeune a 40 ans), des plants de canne à sucre insuffisamment sélectionnés, un retard technique dans tous les domaines. Il est difficile de moderniser rapidement, car on manque de moyens de transport de la canne à sucre, d’engrais, de pièces de rechange et de techniciens. Les conditions naturelles n’ont pas été favorables (cyclones et sécheresse). Les autorités essaient de pallier ces difficultés par le développement de l’irrigation (8 p. 100 de terres irriguées en 1968-69), par l’emploi massif d’engrais importés, par la mécanisation des opérations de coupe et de transport, par la modernisation des usines et des ports d’exportation (Guayabal, Matanzas, Cienfuegos, Nuevitas, Manzanillo). Bien que la production n’ait pas atteint les 10 Mt prévues par Castro en 1970, des progrès ont été, cependant, réalisés. En 1968, 152 usines ont assuré la récolte, les 10 plus grosses centrales se trouvant dans l’Oriente et dans la province de Camagüey (autour de Ciego de Ávila, Florida, Esmeralda, Puerto Padre, Puerto Manati, Nicaro, Mayarí) ; les provinces occidentales (Pinar del Río et La Havane) sont devenues très faibles productrices, certaines usines ayant été fermées. La révolution a peu changé le dessin général des paysages sucriers, et, plus que jamais, la canne à sucre occupe les plaines argileuses du Centre et de l’Est, qui s’étendent sur plus de 1,5 Mha, l’intégration agro-industrielle et portuaire étant renforcée dans un souci de rentabilité.

Dans le secteur de l’élevage, les succès ont été plus nets. Le troupeau est passé à 7,15 millions de têtes de bovins ; on a amélioré le cheptel, développé l’élevage laitier autour des villes et une industrie frigorifique ; Cuba devient exportatrice de viande. L’aviculture a largement progressé. Le tabac, qui a conservé sa réputation, bénéficie d’une attention particulière (45 000 t) ; le café (30 000 t) est développé autour de La Havane. Les agrumes ont été plantés sur de vastes superficies (île des Pins, Las Villas, Matanzas), mais la production (184 000 t) n’est pas encore à la hauteur de l’effort réalisé. Les résultats sont plus variés en ce qui concerne les plantes vivrières. La riziculture mécanisée progresse en bordure des marais de Zapata et dans la basse vallée du Cauto (184 000 t), mais elle ne satisfait pas les besoins ; par contre, le maïs a en partie échoué. Bien que la production des légumes, des racines et tubercules, des oléagineux ait augmenté, le déficit alimentaire reste important, et le rationnement doit être maintenu. On a créé autour de La Havane (sur 340 000 ha), de Camagüey et de Santiago des zones (baptisées cordons) de polyculture vivrière et arboricole destinées, entre autres, à ravitailler ces villes et cultivées en partie par des employés urbains. Les plantes industrielles progressent ; le sisal avec succès, le coton sous la direction d’experts soviétiques. Le reboisement est activement conduit, les forêts devant recouvrir 25 p. 100 du territoire. Des problèmes considérables restent à résoudre : encadrement (beaucoup de cadres ont fui), mécanisation, agrotechnie, organisation de la main-d’œuvre.

L’agriculture devant servir de base au développement industriel, on comprend que celui-ci soit encore modeste (il ne reçoit que 16,7 p. 100 des investissements). Seule la pêche, grâce à l’aide soviétique, connaît un essor spectaculaire. On a modernisé le port de La Havane, équipé celui de Manzanillo, développé la flotte de pêche et les industries du conditionnement (80 000 t de poisson). Dans le secteur des industries lourdes, on a renforcé ce qui existait avant 1958 : énergie électrique (1958 : 2,9 TWh ; 1970 : 5,8 TWh), raffineries de pétrole près de La Havane et de Santiago, cimenteries (nouvelles usines à Nuevitas et à Siguaney), engrais (860 000 t). On compte beaucoup sur les richesses du sous-sol : hydrocarbures (les premiers puits sont en production), cuivre (dans la province de Pinar del Río, exploité avec l’aide des Roumains), manganèse, chrome, zinc, fer et surtout nickel, dont la production (42 000 t) est en plein essor (usines de Nicaro, de la baie de Moa. nouveau complexe de Levisa dans l’Oriente).