Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cuba (suite)

L’effort a porté sur les industries différenciées, et l’on s’est attaché avec succès à localiser les nouvelles usines dans les villes provinciales (Santa Clara, Camagüey, nouveau complexe industriel de Nuevitas, Santiago, Guantánamo, Matanzas). Les textiles et l’habillement, l’alimentation, les appareillages mécaniques se développent, mais de nombreuses usines montées grâce à l’aide des pays socialistes ne tournent pas à pleine capacité, car on manque de personnel qualifié et de matières premières. La pénurie est générale, les transports étant sans doute le secteur le plus déficitaire. Il a fallu rééquiper les chemins de fer, faire un gros effort pour les transports maritimes, si essentiels à la vie de Cuba et qui doivent s’effectuer sur une distance beaucoup plus longue qu’avant 1959. Les principaux ports sont La Havane (87 p. 100 des importations, 25 p. 100 des exportations), Santiago de Cuba, Cienfuegos. Leur capacité de manutention et d’accueil a été augmentée.

Si la révolution cubaine a entraîné des changements sociaux considérables (son succès dans le domaine de l’éducation est spectaculaire), la rupture avec les États-Unis et la presque totalité du continent américain, la mise en place de nouveaux rapports de production, l’intégration au bloc socialiste, dans lequel le commerce extérieur joue un rôle faible, posent de difficiles problèmes d’adaptation à Cuba qui ne peut justement vivre que d’échanges actifs dans une économie largement ouverte. Le niveau de vie et la production n’ont guère augmenté depuis 1958 ; il est certain qu’ils sont liés à l’activité économique du monde socialiste et à la capacité que ce dernier offre pour intégrer cette île lointaine. Dans cette optique, la fin du blocus américain faciliterait beaucoup la tâche des dirigeants cubains et soviétiques.

J.-C. G.

➙ Amérique latine / Castro (Fidel) / Guevara (Che) / La Havane.

 H. P. Vila, Historia de Cuba en sus relaciones con las Estados Unidos y España (La Havane, 1938). / L. Nelson, Rural Cuba (Minneapolis, 1950 ; nouv. éd., 1970). / D. Angulo, Historia del arte hispanoamericano, vol. III (Barcelone, 1956). / L. Cabrera, Cuba (Hartmann, 1958). / J. Lanzmann, Viva Castro (Fasquelle, 1959). / L. Huberman et P. M. Sweezy, Cuba, Anatomy of a Revolution (New York, 1961) ; Socialism in Cuba (New York, 1969 ; trad. fr. le Socialisme cubain, Anthropos, 1970). / C. Julien, la Révolution cubaine (Julliard, 1961). / J. Arnault, Cuba et le marxisme (Éd. sociales, 1962). / W. A. Williams, United States, Cuba and Castro (New York, 1962). / F. Castro, Cuba et la crise des Caraïbes (trad. de l’esp., Maspéro, 1963) ; les Étapes de la révolution cubaine (trad. de l’esp., Maspéro, 1964). / A. J. Valdés, Historia de la isla de Cuba y en especial de La Habana (La Havane, 1964). / R. Merle, Moncada (Laffont, 1965). / E. Che Guevara, le Socialisme et l’homme à Cuba (trad. de l’esp., Maspéro, 1966) ; Souvenirs de la guerre révolutionnaire (trad. de l’esp., Maspéro, 1967). / M. Gutelman, l’Agriculture socialisée à Cuba (Maspéro, 1967). / A. Nunez Jimenez, Geografia de Cuba (La Havane, 1967). / Cuba et le castrisme en Amérique latine, numéro spécial de Partisans (Maspéro, 1967). / S. Aranda, La revolucion agraria en Cuba (Mexico, 1968). / R. Dumont, Cuba est-il socialiste ? (Éd. du Seuil, 1970)./ K. S. Karol, les Guérilleros au pouvoir, l’itinéraire politique de la révolution cubaine (Laffont, 1970). / J. Lamore, Cuba (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970 ; 2e éd., 1973). / J. J. Alphandéry, Cuba, l’autre révolution. Douze ans d’économie socialiste (Éd. sociales, 1972). / C. Auroi, l’Agriculture cubaine (Anthropos, 1976).


L’art à Cuba

Le développement tardif de l’art colonial cubain par rapport à celui du Mexique est dû en grande partie au manque de main-d’œuvre indigène et au manque de bons matériaux, à l’exception du bois qui favorisera l’adoption de techniques et de formes mudéjares (plafonds, grilles de fenêtres, balcons). Après une période d’essor au xviiie s., on doit attendre la révolution socialiste, qui veut démontrer « l’aptitude créatrice implicite du peuple en action » (Segre), pour voir l’architecture cubaine retrouver une place de choix au sein du monde hispano-américain.


Architecture

Parmi les rares témoins du style dit « sans ornement » (D. Angulo) antérieurs à 1763, il faut citer les églises havanaises de San Francisco de Asis et de San Francisco de Paula, qui semblent un reflet tardif de l’architecture « sévère » d’un Juan de Herrera en Espagne. Des rapports existent entre l’art colonial cubain et celui du Mexique : ainsi dans l’utilisation d’arcs polygonaux (collège des Jésuites), dans l’évocation de monuments mayas (tour de San Agustín), dans la construction de tours octogonales (Santo Cristo del Buen Viaje), etc. Une question reste sans réponse, celle de l’attribution des grands monuments du xviiie s. à La Havane : cathédrale, palais du gouvernement et hôtel des postes, à la construction desquels contribua Pedro de Médina. La cathédrale offre une certaine ressemblance avec celles de Guadix ou de Cadix en Espagne et, pour tel ou tel détail rappelant le gothique, avec celle de Mexico. Quant aux façades de l’hôtel des postes (v. 1770-1792) et du palais du gouvernement, elles semblent jumelles malgré leurs différences : la première avec des détails dans le goût de Borromini, la seconde avec de forts contrastes d’ombre et de lumière.

L’architecture cubaine n’a retrouvé de vitalité qu’à l’époque actuelle, sous l’impulsion révolutionnaire, encore que l’on puisse constater un certain décalage entre les projets et la réalité socio-économique du pays. La dictature esthétique du communisme ne s’est pas toujours bien accordée avec l’improvisation latine. Néanmoins, il faut citer l’ensemble des écoles d’art de La Havane, œuvre des architectes Ricardo Porro, Vittorio Garatti et Roberto Gottardi, qui ont procédé à une désintégration spatiale et à l’exaltation de certaines valeurs symboliques : ainsi aux coupoles de l’École des arts plastiques, empreintes d’allusions érotiques ; en général, cependant, la libre invention de la forme reste l’élément prédominant. La cité universitaire, construite sous la direction de José Fernandez, semble indiquer que ce « néo-expressionnisme » a été dépassé. Cela est également perceptible dans l’ensemble résidentiel de Manicaragua, où Fernando Salinas a eu recours à différents types d’éléments préfabriqués. Garatti est la plus haute figure du panorama cubain. Dans son pavillon de l’Exposition internationale de Montréal, la géométrie acquiert un rôle décisif pour la compréhension des nouveaux moyens de communication de masses.

Traduit d’après S. S.