Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cromwell (Oliver) (suite)

Les débuts de la République

Le roi mort, le Parlement épuré, Cromwell semble avoir réduit toute opposition à la cause puritaine en Angleterre. Mais Charles se révèle plus dangereux mort que vivant : l’Irlande et l’Écosse se dressent contre la République.

• 1649 : arrivé en août en Irlande, Cromwell se voit obligé d’assiéger chaque petite ville. Il pense hâter le dénouement par des actes de cruauté : les 10 et 11 septembre 1649, il passe au fil de l’épée la garnison de Drogheda et fait de même peu après pour celle de Wexford. Il obtient le résultat contraire de celui qu’il recherchait, et, laissant Henry Ireton (1611-1651) continuer la lente reconquête, il revient en Angleterre (mai 1650).

• 1650 : les Écossais ont en effet perdu un temps précieux à s’entendre avec Charles II. C’est chose faite en juin 1650. Cromwell envahit alors l’Écosse, mais le général écossais David Leslie (1601-1682) tient la montagne, évitant tout combat. À la fin, épuisé, Cromwell se réfugie à Dunbar. Par une splendide victoire, il redresse la situation.

• 1651 : battus, les Écossais couronnent Charles II à Scone. Cromwell réédite alors la manœuvre qui lui a si bien réussi face à Hamilton. Leslie descend vers le sud sans rencontrer la moindre opposition. Il ne trouve aucun appui. Ses soldats traînent ou désertent. C’est une armée désorganisée que Cromwell rejoint à Worcester : les Écossais sont complètement écrasés, et Charles II ne s’enfuit que par miracle (3 sept. 1651).


Le protectorat

Alors que Cromwell veut réparer les désordres créés par la guerre civile, il se heurte au Parlement.

• 20 avril 1653 : un désaccord sur la constitution à donner à l’Angleterre marque une velléité d’indépendance du Parlement ; aussitôt, l’armée chasse les derniers membres du « Long Parliament ». Le parti républicain perd dès lors le peu de poids qu’il peut avoir : la rupture entre civils et militaires, réduisant le gouvernement de Cromwell à une dictature militaire, condamne en fait la République. Cromwell en est d’ailleurs conscient et il essaie de résoudre le problème constitutionnel qui lui est posé en désignant (juill.) le « Parlement nommé » ; mais, en décembre, effrayé par ce qui lui paraît de l’anarchisme religieux, il renvoie le « Parlement nommé ». Le 16 décembre, l’« Instruction of Government », la première Constitution écrite qu’ait eue l’Angleterre, le fait « protecteur d’Angleterre ». Il gouverne avec le Conseil des officiers en attendant que le Parlement soit élu. Si les militaires sont enthousiastes, les civils sont résignés : il faut, de toute façon, arriver à une solution rapide, car les problèmes s’amoncellent, à l’intérieur comme à l’extérieur.


La politique intérieure du protectorat


En matière religieuse

Cromwell peut enfin travailler à l’édification de cette Église nationale à laquelle il pense depuis longtemps. Il commence d’abord par faire nommer des commissaires chargés de contrôler le niveau du clergé, qui appartient soit aux presbytériens, soit aux indépendants, ou encore aux baptistes. En dehors même de cette Église nationale ainsi purifiée, la liberté de conscience est garantie. Seuls le catholicisme et l’anglicanisme en sont exclus. Il n’y a d’ailleurs pas de persécutions. De même, c’est du protectorat que date la réinstallation des juifs en Angleterre. Il faut lier à ces préoccupations religieuses le souci d’ordre moral qui anime Cromwell comme tous les puritains. Combats de coqs et musiciens des rues sont proscrits ; le dimanche doit être rigoureusement observé. C’est surtout le Parlement qui est à l’origine de cette législation bigote. Plus large d’idées, Cromwell n’en est pas moins le responsable de ce régime d’ordre moral, car il charge l’armée de surveiller la moralité dans les comtés. Ce qui est fait avec exactitude. Il convient d’y ajouter un souci constant de l’éducation, caractéristique des puritains.


En matière constitutionnelle

Les résultats sont ici moins brillants. Le Parlement élu dans l’été 1654 a une majorité presbytérienne ; il cherche à faire passer l’armée sous son contrôle. Cromwell le dissout. Le Parlement qui se réunit en septembre 1656 est plus docile, puisque l’on n’a autorisé à siéger que les membres tolérés par le Conseil de l’armée. Les Communes proposent la couronne à Cromwell, qui refuse. Une nouvelle constitution est alors proposée, mais Cromwell commet la maladresse de transférer ses meilleurs partisans à la Chambre des lords. Il se retrouve bientôt minoritaire aux Communes, qu’il préfère dissoudre (4 févr. 1658).


L’Irlande et l’Écosse

En Irlande, la spoliation des Irlandais au profit des colons anglais se poursuit. L’Écosse est unie à l’Angleterre, la liberté commerciale étant établie entre les deux pays.


La mort de Cromwell

Depuis quelque temps déjà très affaibli, attristé par la mort de sa fille préférée, Elizabeth Claypole, Cromwell s’éteint à Whitehall le 3 septembre 1658 (jour anniversaire des victoires de Dunbar et de Worcester). Jamais le protectorat n’a paru aussi fort. Mais Cromwell n’a pas réussi à donner une assise constitutionnelle à son régime, et c’est ce qui explique que celui-ci ne pourra se perpétuer.

Le génie militaire de Cromwell

L’organisateur de l’armée

Cromwell a lui-même recruté et organisé la cavalerie qu’il commande dès les premiers combats, ces « Côtes de fer », comme les a surnommés le Prince Rupert, son meilleur adversaire. Mais il joue aussi un rôle essentiel dans la constitution de l’« armée nouveau modèle », qui triomphera sur tous les champs de bataille à partir de 1645 et qui s’inspire surtout des enseignements de Gustave Adolphe.

Sur le champ de bataille

Courageux, Cromwell possède la clairvoyance et la présence d’esprit. Quant à la première qualité, la bataille de Marston Moor nous en donne l’exemple. La charge de la cavalerie de Cromwell bouscule la droite royaliste ; une violente poursuite la porte au contact de la réserve royaliste. C’est alors que Cromwell apprend que le centre des parlementaires est en difficulté et que leur droite est enfoncée. Revenant à bride abattue, il vient prendre à revers la cavalerie royaliste, qui se rabat pêle-mêle sur sa propre infanterie, dont elle débande les rangs. Par la promptitude de sa manœuvre, la sûreté de son attaque, Cromwell a redressé une situation que ses chefs paraissaient avoir compromise.