Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

courants océaniques (suite)

Sa direction méridienne : elle assure les échanges entre hémisphères ; ceux-ci se localisent en bordure des marges occidentales, mais n’ont pas la même intensité dans tous les océans. Dans l’Atlantique, il s’agit d’une circulation complète établie entre les deux pôles ; mais dans les autres océans, privés partiellement ou totalement d’accès polaires, cette circulation demeure embryonnaire, voire absente.

Sa stratification : elle est régie par les différences de densité des eaux.

Dans le cas de l’Atlantique, où les courants sont les mieux connus, on observe la disposition suivante (fig. 20) :
— des courants « intermédiaires » ; au contact des fronts polaires (arctique et antarctique), les eaux superficielles refroidies donnent, par mélange occasionné par les vents d’ouest, une eau dite « intermédiaire » qui se déplace vers les profondeurs situées entre 1 000 et 3 000 m, jusqu’à des latitudes dépassant sensiblement l’équateur. Les eaux originaires de l’Arctique sont plus lourdes et se glissent sous celles provenant de l’Antarctique ; en fin de parcours, les premières remontent pour donner naissance au courant circumpolaire antarctique précédemment décrit ;
— des courants de fond ; en bordure de l’Antarctique, dans les mers de Weddell et de Ross, se forme l’eau la plus dense du monde par sa température et occasionnellement par sa salinité (ségrégation de l’eau douce lors de la croissance de la banquise). Dès sa formation, elle dévale par cascading et progresse sur les plaines abyssales jusqu’au-delà de 20° de lat. N. Dans l’Atlantique, ce courant antarctique de fond est couvert par les eaux arctiques qui ont franchi le seuil unissant le Groenland à la Scandinavie ;
— des courants abyssaux ; pour les parties les plus profondes des océans, les courants sont encore peu connus en raison de la rareté des observations directes. Ce qu’on peut en dire est inféré à partir de l’étude des fonds (photographies, prélèvements). Hormis quelques fosses où la stagnation des eaux et leur caractère euxinique (v. océan) ont été mis en évidence, l’oxygénation et l’existence d’êtres vivants jusqu’aux plus grandes profondeurs donnent à penser qu’un renouvellement s’y produit sous l’effet de courants encore peu explicités, parfois de turbidité en bordure des continents.

La description détaillée des systèmes de courants est délicate, car ils sont soumis à d’amples fluctuations, encore inexpliquées mais que des études plus fines de la structure hydrologique de quelques-uns ont permis de mettre en évidence. La constitution d’un réseau de stations hydrologiques fonctionnant en permanence comme celui des stations météorologiques devrait permettre de résoudre le problème de la circulation océanique : un tel effort caractérisera la recherche océanographique au cours des prochaines décennies.

Comment étudier les courants

Deux séries de méthodes sont utilisées.

Les méthodes directes. Elles consistent à suivre le déplacement de l’eau ou à le mesurer en un point.

• La reconstitution de la trajectoire se fait à l’aide de traceurs, objets ou substances libérés dans l’eau, tels que :

a) des corps mobiles.

Les flotteurs (les plus anciennement et les plus fréquemment utilisés) sont des objets lestés (jadis des bouteilles, de nos jours des cartes sous double enveloppe plastique), abandonnés au large puis recueillis à la côte au bout d’un temps plus ou moins long. Une telle méthode, encore utilisée pour reconstituer les dérives des produits polluants, a fourni une masse considérable de renseignements.

Pour les régions d’accès difficile, les épaves et les icebergs sont largements utilisés. Dans le cas des courants profonds, on emploie des flotteurs immergés à la profondeur voulue, dont les trajectoires sont suivies grâce à leurs impulsions sonores. Celles-ci sont captées par deux hydrophones installés à bord d’un navire (fig. 1).

Les bouées dérivantes, de types très variés, sont équipées de réflecteurs radar ou d’émetteurs radio permettant leur repérage et leur poursuite.

Les substances colorantes (rhodamine-B, fluorescéine, etc.) ou radioactives (naturelles et artificielles) sont également utilisées ; leur progression est reconstituée à l’aide de prélèvements d’eau ou de sédiments.

Les drogues, enfin (ou dragues à courants), immergées sur un câble à une profondeur déterminée (ce sont des panneaux entoilés, des parachutes, etc.), sont suivies au moyen de bouées (fig. 2) ;

b) des engins habités.

Les navires : depuis le milieu du siècle dernier, on procède au dépouillement systématique des journaux de bord sur lesquels sont consignés le point d’estime (compte tenu du cap et de la vitesse du bâtiment) et le point d’observation. On constate sur la figure 3 que l’écart entre b et c permet de déduire la direction et la vitesse moyennes d’un courant responsable de la dérive du navire. Cette méthode empirique ne fournit que les caractères statistiques d’un courant et n’est applicable qu’aux régions couvertes par un bon réseau de radionavigation ; mais elle a fourni l’essentiel de nos connaissances sur les courants superficiels généraux ; elle a été employée avec satisfaction au large de la côte atlantique des États-Unis dans le but de choisir la route la plus économique pour les grands pétroliers.

Les stations dérivantes, comme celles installées sur les morceaux de la banquise arctique (v. Arctique).

Les submersibles, enfin, comme le Ben Franklin, qui, en été 1969, s’est laissé dériver pendant tout un mois par 300 m de fond sous les eaux du Gulf Stream.

• L’analyse du mouvement en un point donné (supposé fixe) et à différentes immersions se fait à l’aide de mesureurs qui donnent la vitesse et la direction du courant. Les types en sont nombreux et adaptés à la nature des recherches entreprises : ils peuvent être étanches ou non, utilisables en surface, à différentes immersions ou au voisinage du fond, fournir des valeurs instantanées (courantomètres) ou enregistrées (courantographes). Pareillement divers sont les principes utilisés : la rotation d’une hélice (à axe horizontal ou vertical) ; l’inclinaison par rapport au fond ; la mesure de la force électromotrice produite par le déplacement de l’eau dans un champ magnétique ; le taux de refroidissement d’un thermistor ; la photographie des suspensions, etc. Lorsque la mesure est réalisée à bord d’une embarcation, le principal problème qui se pose est celui de la fixité au mouillage : il convient d’éviter que le navire, jouant ou chassant autour de son point d’amarrage, ne provoque des vitesses supérieures à celle du courant que l’on se propose d’enregistrer. Aussi s’efforce-t-on d’utiliser de plus en plus des plates-formes ancrées ou des bouées fixes automatisées.