Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

courants océaniques (suite)

• Dans les détroits. Lorsqu’ils séparent des domaines océaniques dont les bilans hydrologiques diffèrent, la discontinuité frontale qui s’y établit gouverne tout le régime des courants. Le front, dont l’immersion croît vers les eaux de forte densité, sépare des courants superposés et de sens inverses : en surface, l’eau légère s’écoule vers l’eau dense selon un cheminement qui peut être rendu complexe par la configuration des baies et l’action contraire ou favorable des vents locaux ; en profondeur, un échange s’établit en direction opposée (vers le bassin où l’eau est la plus légère) avec une intensité qui varie selon la profondeur du seuil et les détails de la morphologie sous-marine.

• Deux types de circulation peuvent être réalisés.

aPremier type : une eau dense se forme dans le bassin amont (partie droite des croquis de la figure 17) et est exportée au niveau du seuil ; au-dessus du front incliné vers l’aval (partie gauche des croquis de la figure 17), un courant d’entrée vient rétablir le niveau. Une telle disposition courantologique se réalise lorsque se produit soit un important refroidissement des eaux du bassin amont, comme dans le nord de l’Atlantique, où les eaux descendues vers le fond franchissent le seuil du Groenland par cascading (fig. 17a), soit une augmentation de salinité par évaporation dans le bassin amont, qui présente un déficit hydrologique (abaissement de la surface) ; c’est ce qui est observé dans le détroit de Gibraltar, où les eaux méditerranéennes plus salées plongent sous les eaux atlantiques pénétrant en surface (fig. 17b). Ce premier type de circulation se solde par un renouvellement des eaux profondes du bassin aval, qui sont enrichies en oxygène.

bSecond type : l’eau superficielle du bassin amont conserve une faible densité et est exportée vers l’aval ; entre le front incliné vers l’amont et le seuil, l’eau du large parvient à se glisser. Cela se produit : 1o si, au niveau du seuil, une eau plus dense pénètre vers le bassin amont ; c’est le cas de l’eau atlantique introduite dans la « Méditerranée » américaine sous l’eau de surface partiellement dessalée (fig. 17c) ; 2o si des pluies abondantes ou des apports fluviaux volumineux créent un bilan hydrologique positif dans le bassin amont (surélévation de la surface) ; c’est ce qui se produit dans les détroits danois entre les eaux de la mer du Nord et celles de la Baltique, fortement dessalées (fig. 17d). Dans ce second type de circulation, les eaux du bassin amont se stratifient selon la densité et interdisent ou entravent tout mouvement de brassage. Les eaux de fond ont donc tendance à stagner et, faiblement renouvelées, sont appauvries en oxygène. Dans les cas extrêmes, la matière provenant des organismes vivant dans l’eau superficielle s’accumule sur le fond et engendre des conditions réductrices : l’hydrogène sulfuré y remplace alors l’oxygène dissous. Le bassin amont est alors euxinique, comme certaines dépressions de la mer Noire.

L’importance des courants

À l’échelle de la planète, les courants océaniques ont des vitesses faibles, comparées à celle de la rotation terrestre ; mais ils ont une influence déterminante sur tous les aspects du milieu physique.

Ils assurent un renouvellement des eaux et sont responsables de la répartition des substances nutritives ; ils conditionnent la fertilité du milieu marin et l’activité des pêcheries à tel point que certaines discontinuités frontales apparaissent comme de véritables frontières pour certaines espèces.

Transporteurs de chaleur sur des distances parfois considérables, les courants superficiels jouent un rôle essentiel dans la répartition des climats, la succession des types de temps et l’équilibre énergétique de l’atmosphère. Chaque fluctuation du Gulf Stream se répercute à plus ou moins brève échéance sur la météorologie de l’Europe tempérée, et il suffit d’un léger fléchissement de la terminaison du courant du Pérou pour que des pluies torrentielles se déclenchent en des régions ordinairement désertiques.

En dépit de leur lenteur, les courants, au voisinage du fond, sont directement responsables du modelé des sédiments et surtout de leur transport sur de grands parcours (courants de turbidité).

Les courants étant susceptibles de provoquer la dérive des bâtiments, leur connaissance parfaite pourrait permettre une réduction appréciable des coûts des traversées océaniques. Des cartes mensuelles et hebdomadaires sont publiées afin de donner aux navigateurs le tracé des courants qui leur sont le plus favorables.

Enfin, tout le monde est directement concerné par la migration des polluants de toute nature transportés par les courants océaniques.


Les systèmes de courants

La carte des courants océaniques superficiels (fig. 18) présente un plan simple qui se calque en partie sur les grands mouvements de la circulation atmosphérique. Ils décrivent d’amples mouvements cellulaires associant des déplacements zonaux, vers l’est sous les hautes latitudes et vers l’ouest sous les basses, à des mouvements méridiens en bordure des continents. En profondeur, l’échange compensateur qui s’établit entre les hémisphères est plus difficile à mettre en évidence en raison de la lenteur du mouvement.


Les courants zonaux

• Dans les eaux tropicales. Les vents alizés, attirés par les zones dépressionnaires des calmes équatoriaux, provoquent la formation de deux puissants courants nord- et sud-équatoriaux coulant vers l’ouest (vitesse moyenne : 60 km par jour). Ils constituent la pièce maîtresse de toute la circulation océanique, dont l’axe est décalé vers l’hémisphère Nord. Entre eux, et encadré par deux étroites divergences, s’écoule en sens inverse un contre-courant de compensation produit par l’accumulation des eaux dans l’ouest des océans ; cette dissymétrie est encore accentuée par le transfert d’une partie du courant sud-équatorial dans l’hémisphère boréal, comme cela est particulièrement net dans l’Atlantique. Comme le contre-courant n’a qu’un faible débit, la fonction compensatrice est doublée par un volumineux courant de subsurface qui lui est parallèle et qui est situé sous le courant sud-équatorial : ce sous-courant comporte trois veines dans l’Atlantique (courant de Lomonossov) et le Pacifique (courant de Cromwell), mais seulement deux dans l’océan Indien.