Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

courants océaniques (suite)

Les modalités d’écoulement

Au sein de la masse d’eau ainsi mise en mouvement se produisent un certain nombre de phénomènes singuliers qui viennent en compliquer le dynamisme.


Les phénomènes de convection

Il s’agit de phénomènes associés au mouvement de brassage d’origine thermique ou dynamique, qui peut revêtir deux formes.

• La convergence. Elle se manifeste par la concentration des courants vers une ligne ou vers un point (fig. 7) où les eaux tendent à s’enfoncer, comme l’exprime l’approfondissement des isothermes. La convergence se produit sous l’effet de phénomènes dynamiques lorsque deux ou plusieurs courants sont déviés l’un vers l’autre ; ou bien encore quand, en bordure d’un continent, l’eau accumulée par un vent soufflant parallèlement au rivage ne peut que s’écouler en profondeur (fig. 8). C’est le cas de la ligne de convergence située contre le continent antarctique. Mais il existe également des convergences d’origine thermique : c’est le cas lorsque l’eau subit un refroidissement superficiel tel qu’elle devient plus lourde que l’eau voisine, au contact de laquelle elle s’enfonce. C’est le phénomène appelé cascading, qui a été décrit en mer de Weddell, en mer Celte et dans le golfe du Lion (fig. 9).

• La divergence. C’est le mouvement inverse amenant un écartement des courants à partir d’une ligne ou d’un point (fig. 10). Ce mouvement est exprimé par une remontée des isothermes. Son origine est essentiellement dynamique. Sous l’effet du vent, qui agit par sa permanence ou sa force, l’eau superficielle et légère est entraînée et se voit remplacée en compensation par des montées d’eau profonde, ordinairement froide et lourde. Cette ascendance, qui est appelée upwelling, se manifeste en plein océan, comme dans le cas de la divergence sud-équatoriale qui intéresse la masse d’eau située au centre des océans. Mais elle est le plus fréquemment observée en bordure des continents : ce ne sont pas les vents perpendiculaires à la côte qui provoquent les plus intenses remontées, mais ceux qui soufflent parallèlement (fig. 11) ou, mieux, ceux qui font avec la côte un angle de 21° 30′ (selon les calculs théoriques de K. Hidaka). L’exemple le mieux caractérisé est fourni par l’upwelling au large des côtes du Pérou (fig. 12).

Les courants superficiels et subsuperficiels établis entre une convergence et une divergence décrivent un mouvement cellulaire représenté sur la figure 13 (cas de l’hémisphère Nord) ; en dessous, on constate un sensible approfondissement de la thermocline. L’ensemble du système peut être animé d’un mouvement de translation. La couche intéressée par de tels brassages n’excède pas quelques centaines de mètres ; elle joue cependant un rôle considérable en océanographie en raison des phénomènes biochimiques qui s’y développent. Le mouvement d’upwelling favorise le renouvellement en sels nutritifs, nécessaires au développement de la productivité végétale au sein de la couche éclairée ; le mouvement de cascading provoque une réalimentation des eaux profondes en oxygène venu de la surface.


Les phénomènes frontaux

Au contact de masses d’eau différenciées et s’écoulant parallèlement s’installe une ligne de discontinuité, ou front, exprimée en coupe et en plan par un resserrement des courbes isothermes et isohalines. Le front le mieux marqué est celui qui est situé dans le nord-ouest de l’Atlantique, appelé cold wall (mur froid). Souvent, cette ligne de démarcation est si nette qu’elle se trouve matérialisée par la différence de coloration des eaux ; un navire traversant le cold wall peut avoir son étrave dans les eaux verdâtres, froides et peu salées venues de l’Arctique et son hélice dans les eaux atlantiques bleues, chaudes et salées. Ce plan de contact a une inclinaison qui varie depuis la verticalité (dans les régions où la force de Coriolis est grande, comme sous les hautes latitudes) jusqu’à l’horizontalité (comme dans les régions tropicales). Dans les cas les plus simples, l’eau dense s’enfonce sous l’eau légère (fig. 14), comme l’eau polaire sous l’eau centrale le long du front subtropical. Mais, selon le dynamisme propre des masses d’eau affrontées, le contact peut fonctionner comme une divergence ou une convergence suivant des modalités multiples reportées sur la figure 15. C’est le cas du front polaire austral, séparant les eaux antarctiques froides et peu salées et les eaux plus chaudes venues du nord, qui fonctionne différemment selon les types de temps (v. Antarctique).

• En haute mer. Le mouvement de turbulence engendré au contact des masses d’eau donne naissance, par mélange latéral, à une eau intermédiaire. C’est ainsi que, dans le Pacifique, entre le Kuroshio (chaud) et l’Oyashio (froid), une eau de mélange se forme et chemine sous le premier en décrivant un grand circuit tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, dessinant en fin de parcours une protubérance qui oblige le Kuro-shio à se détourner vers le sud en un mouvement bouclé et de durée variable, dont l’influence climatique et biologique est grande. Pareillement, dans l’Atlantique, le long du front hydrologique établi entre le Gulf Stream et les eaux dérivant du pôle Nord, se constitue une « eau de pente » qui possède sa circulation propre (v. Atlantique).

Dans les cas où le front est parfaitement marqué, il peut être affecté de sinuosités et même de contre-courants ; l’amplitude des déformations peut grandir jusqu’à donner naissance à de véritables méandres comme ceux que décrit le cours du Gulf Stream, où leur longueur d’onde peut atteindre 200 km ; comme les méandres de fleuve, ils ont tendance à migrer dans le sens du courant. Si leur taille excède une valeur critique, l’évolution aboutit à une occlusion par coupure de la tête du méandre, isolant un tourbillon cyclonique qui peut persister ou s’évanouir par mélange latéral. L’exemple le plus célèbre d’une telle évolution est celle du méandre « Edgar » (Gulf Stream), que l’on a pu suivre au mois de juin 1950 jusqu’à son complet isolement (fig. 16).