Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

courants océaniques (suite)

a) La plus importante est représentée par la force centrifuge composée, connue sous le nom de force de Coriolis, qui est un effet de la rotation terrestre. Elle est faible, certes, mais son intervention est importante dans des mouvements de grande amplitude comme les courants océaniques. Nulle à l’équateur, elle est maximale aux pôles. Dans notre hémisphère, elle produit une déviation des courants vers la droite, vers la gauche dans l’hémisphère austral. Aux latitudes équatoriales, on ne peut observer un renversement brutal de direction des courants puisque la force déviante y est inopérante. Cette déviation se manifeste à deux échelles.
— À l’échelle d’un courant. Dans un océan hétérogène, le courant ne se dirige pas vers les points bas de la topographie isobarique, mais parallèlement au mouvement des isolignes, comme on le constate pour les courants atmosphériques. Le courant océanique s’écoule donc perpendiculairement au gradient. Dans l’hémisphère Nord, l’observateur regardant dans le sens du courant aura donc les eaux légères à sa droite (fig. 1b) ; elles seront à sa gauche dans l’autre hémisphère. Dans un océan homogène, où, donc, la force d’entraînement est d’origine externe (vent), la déviation est donnée par la loi d’Ekman (du nom de V. W. Ekman, 1874-1954). En surface, le courant est dirigé à 45° par rapport au vent, à droite dans l’hémisphère Nord, à gauche dans l’hémisphère Sud. En profondeur, la force de Coriolis, continuant à se faire sentir, dévie de plus en plus le courant au fur et à mesure que l’on s’enfonce, jusqu’à finalement produire une inversion totale de la direction.
— À l’échelle d’un océan. H. Stommel a montré que la force de Coriolis est responsable d’une disposition dissymétrique de la distribution des vitesses de courants. En effet, dans un océan fixe, ou tournant à des vitesses partout identiques, les courants dessinent un mouvement circulaire, comme celui figuré sur la figure 2a. Mais, dans un océan réel, l’influence de la rotation terrestre, croissant avec la latitude, ne se manifeste que tardivement pour les déplacements dirigés vers les pôles, tandis que les eaux poussées par les vents d’ouest sont aussitôt infléchies vers leur droite. La circulation est donc excentrée et intensifiée vers l’ouest, comme le resserrement des lignes de flux l’exprime sur la figure 2b. C’est pourquoi le Gulf Stream et le Kuroshio sont plus forts que les courants des Canaries et de Californie.

b) Les forces de frottement interne (dites « de viscosité ») transmettent le mouvement mais le freinent en absorbant une quantité croissante d’énergie.

Tout d’abord, elles le réduisent à mesure qu’il se propage. Dans le cas de l’impulsion d’origine mécanique, le courant s’annule à une certaine profondeur, dite « de frottement », quand la direction est à 180° de ce qu’elle est en surface. La figure 3 illustre l’action combinée de la déviation et du freinage sous la forme d’une spirale dite « d’Ekman ». Cette profondeur de frottement croît directement avec la vitesse du vent, mais inversement avec la latitude (fig. 4). Aux latitudes moyennes, elle atteint environ 100 m par vent moyen, et 200 m et plus dans les régions tropicales. Comparée à celle des cuvettes océaniques, la profondeur de frottement demeure faible : les courants de vents sont des phénomènes superficiels et observés surtout dans les eaux tropicales.

Par ailleurs, les efforts tangentiels qui s’exercent entre deux masses d’eau mises en contact provoquent une turbulence qui établit entre elles un mouvement d’échanges ; les propriétés des liquides se diffusent de l’une à l’autre, et les mouvements se transmettent de proche en proche. De ce fait, les courants océaniques ont fréquemment un écoulement tourbillonnaire. La « diffusion turbulente » joue donc un rôle déterminant dans les fluctuations des courants ; mais, en assurant un mélange entre les masses d’eau, elle participe à l’atténuation des contrastes initiaux, au ralentissement, voire à la cessation des courants.

• Les forces de frottement externe sont exercées par les obstacles que le milieu morphologique peut opposer aux courants.

aÀ grande échelle. La forme du vase océanique intervient en produisant une partition des courants contre les caps : c’est ce qui se produit dans l’Atlantique central, où le courant sud-équatorial se trouve divisé en deux branches devant le cap São Roque : le courant des Guyanes vers le nord, le courant du Brésil vers le sud (v. Atlantique). En outre, contre certaines pentes continentales, on observe un plongement des courants affluents ou leur réflexion.

bÀ l’échelle régionale. L’influence du relief local agit par sa profondeur et sa forme. Dans les régions précontinentales où la couche d’eau est inférieure à la profondeur de frottement, la déviation d’Ekman est plus faible et plus difficilement transmissible vers le bas. En eau peu profonde, le courant finit même par s’écouler parallèlement au vent et à tous les niveaux. En passant au-dessus d’un haut-fond, le courant subit une déviation locale qui épouse la forme du relief (fig. 5a). Au-dessus d’une vallée ou d’une dépression, une partie des eaux de fond est entraînée par un mouvement tourbillonnaire (fig. 5b). Dans les deux cas, la déviation se fait en respectant la force de Coriolis. En certains cas, la bathymétrie impose véritablement un parcours au courant. Par exemple, au sortir du détroit de Gibraltar, les eaux méditerranéennes s’écoulent vers l’Atlantique en profondeur tout en longeant la pente continentale du golfe de Cadix et en empruntant les cañons qui l’entaillent (fig. 6). Les seuils sous-marins, jusqu’aux plus grandes profondeurs, parviennent à bloquer la progression des eaux de fond, qui ne les franchissent qu’à certaines occasions, sous la forme de courants de débordement ; c’est encore le cas de l’eau de la mer de Norvège, qui déborde dans l’Atlantique central au-dessus du seuil Écosse-Islande-Groenland (v. Atlantique).