Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

construction navale (suite)

De l’avant vers l’arrière, la mâture comprend le mât de beaupré, qui porte deux voiles basses carrées, la civadière, la contre-civadière et plusieurs voiles hautes triangulaires, les focs. Le mât de misaine, composé du bas-mât de misaine, du petit mât de hune et du mât de petit perroquet, porte de bas en haut la voile de misaine, le petit hunier et le petit perroquet. Le mât d’artimon, situé sur l’arrière du grand mât, composé du bas-mât d’artimon, du mât de perroquet de fougue et du mât de perruche, porte de bas en haut la voile d’ourse (que remplace la brigantine après 1770), le perroquet de fougue et la perruche (ces deux derniers étant des voiles carrées). La voile d’ourse est une voile triangulaire qui peut être bordée dans l’axe du vaisseau.

Les bonnettes sont des voiles de beau temps qui s’ajoutent aux voiles carrées en abord extérieur de celles-ci, grâce à des vergues coulissantes qui doublent les vergues ordinaires à raison de deux pour une. Le grand hunier, par exemple, est prolongé par deux bonnettes extérieures (une à tribord, l’autre à bâbord), qui en augmentent la surface d’à peu près 50 p. 100.

Sur les grands voiliers à cinq mâts de la fin du xixe s., on trouve le mât de misaine, le grand mât avant, le grand mât arrière, l’artimon et le contre-artimon. Les voiles, faites de laizes de toile de Bretagne assemblées à l’aiguille, sont orientées grâce à des cordages qui passent dans des poulies frappées en bout de vergue et qui sont appelées bras. Manœuvrées du pont, ces poulies permettent de « brasser » les voiles suivant la direction du vent et la route du voilier afin d’en tirer le meilleur rendement propulsif ou évolutif.

Les bois de construction

Les essences principalement utilisées — le chêne, le frêne, l’orme, le teck et les bois du Nord (sapin, spruce, pin) — sont connues dans la construction mondiale depuis le xviie s. On se servit aussi en Amérique latine du bois de balsa pour construire des radeaux solides et légers. Le chêne est employé principalement pour la membrure. Dès Colbert, les forêts royales sont réservées aux maîtres constructeurs, qui vont y repérer les « bois tords » pour les formes galbées des couples. Parcourant les forêts, ils font marquer et abattre les arbres qui leur conviennent. Une fois transportées par flottage, les billes de bois sont immergées dans la vase pendant une vingtaine d’années avant d’être rassemblées dans les parcs à bois des arsenaux. Elles sont alors taillées et disposées pour l’assemblage. Le chêne, qui a une forte densité, ne peut entrer seul dans la construction du navire ; celui-ci serait trop lourd. Les ponts et les bordés seront donc en pin ou en sapin. Les chevilles d’assemblage sont en bois ou en cuivre. L’emploi des chevilles de fer est strictement prohibé, ce qui n’empêche pas certains constructeurs, surtout en Angleterre, de les utiliser. Il s’agit là de malfaçons dont les conséquences peuvent être graves et entraîner la perte du navire. On a vu des coques chevillées en fer se délier à la mer, la rouille ayant rongé les chevilles. L’orme est réservé aux affûts de canons, dont la solidité doit étaler les réactions brutales des bouches à feu au tir. Il fallait des quantités énormes de bois pour construire un bâtiment : plus de 4 000 chênes pour un vaisseau de 120 canons !

A. L.


Transformation de la construction navale au xixe siècle

Au début du xixe s., on construit toujours de petits bateaux pour le cabotage et la pêche, mais les dimensions des long-courriers et des vaisseaux de guerre augmentent autant que le permet la longueur des plus grands troncs d’arbre. Pendant ce temps s’amorce la progression simultanée des deux inventions qui vont révolutionner l’art naval : la propulsion mécanique à vapeur et la construction métallique des coques de navires.

Les premiers vapeurs sont des voiliers classiques en bois, et le propulseur, roue ou hélice, n’est d’abord que l’auxiliaire de la voile. Dès 1819, un trois-mâts mixte américain à roues, le Savannah, traverse l’Atlantique en partie à la voile, en partie à la vapeur, et c’est en 1838, par le Sirius et le Great Western, tous deux également à roues, que cette traversée est réussie au moyen de la vapeur seule. En 1842, le Napoléon, premier navire français à hélice et premier bâtiment pourvu d’une hélice à ailes séparées, est construit par Augustin Normand (1792-1871) avec l’aide de l’ingénieur anglais Barnes. Il assure d’abord le service postal de la Corse et est utilisé plus tard comme aviso de la marine nationale sous le nom de Corse.

La construction en fer naît en Grande-Bretagne, dont l’avance industrielle est importante. Après divers petits bateaux utilisés surtout sur les cours d’eau, dont le premier fut l’Aaron Manby (1822), apparaissent les premiers navires de haute mer en fer : le Queen of East en 1839, et le Great Britain en 1843, paquebot à hélice, gréé en six-mâts, de dimensions considérables pour son temps (près de 100 m de longueur), dû, comme le Great Western, au célèbre constructeur britannique Isambard Kingdom Brunel (1806-1859).

Cependant, le bois servira encore longtemps à la construction des coques des navires à vapeur, surtout dans la marine de guerre, et particulièrement en France, où les ressources en bois sont importantes et l’industrie encore peu développée. Le premier bâtiment à vapeur de la flotte militaire française avait été la corvette en bois et à roues Sphinx (1830). En 1850 est lancé le vaisseau de ligne Napoléon, en bois, à vapeur et à hélice (celle-ci préférée pour les vaisseaux de guerre à la roue, trop fragile), dû au grand architecte naval Henri Dupuy de Lôme (1816-1885). Le Napoléon est construit comme un vaisseau traditionnel à deux ponts ; toutes voiles dehors et sa machine en route, il atteint 14 nœuds, alors que les grands voiliers contemporains ne dépassent pas 10 nœuds. C’est encore Dupuy de Lôme qui conçoit la Gloire (1859), également en bois et à hélice, premier navire de guerre pourvu d’une cuirasse en fer, dont la mise en service marque une étape décisive dans la construction des vaisseaux de guerre et qui fut suivi de onze unités analogues. De 1854 à 1859, la construction en fer permet la réalisation du paquebot à vapeur Great Eastern, propulsé par deux roues et une hélice (longueur : 210 m ; puissance propulsive : 3 400 ch ; 5 000 passagers). Cette audacieuse réalisation, techniquement valable, est encore due à Isambard Kingdom Brunel, mais son exploitation financière est désastreuse, et il faudra attendre la fin du siècle pour que les plus grands paquebots atteignent la même taille. En France, pour comparer les deux systèmes de construction, est construite la Couronne (1861), de 6 400 t de déplacement, la première frégate cuirassée en fer et à hélice, de caractéristiques très voisines de la Gloire. Peu après, réagissant contre l’avance prise par la France, les Anglais construisent les « Warrior » et « Black Prince », frégates cuirassées en fer de 8 800 t, qui seront suivies, à partir de 1867, de la série des « Minotaur », de 10 700 t. Dans la marine marchande, plusieurs paquebots de ligne en fer sont construits vers le milieu du siècle, notamment en Grande-Bretagne, parmi lesquels la Floride et la Louisiane (1862), qui sont exploités en France. En 1864 et 1865, huit paquebots transatlantiques, dont le prototype est le Washington, sont mis en service en France. Trois ont été construits en Écosse et les cinq autres à Saint-Nazaire. Tous, sauf un, sont initialement équipés de roues, mais ils seront ultérieurement transformés et pourvus d’une hélice. Un peu plus tard, l’acier commence à être employé, notamment en France sur le cuirassé Redoutable (1876), pour toute la charpente, sur les quatre paquebots transatlantiques type Bourgogne (1885), à hélice, mais gréé en quatre-mâts, construits entièrement en acier, et sur le Brennus (1891), le premier cuirassé totalement réalisé en acier.

Des navires de charge uniquement à voiles sont également construits avec une coque en fer ou en acier. En France, où leur commande est favorisée par les lois de l’époque, plus de 150 voiliers en acier, dont une douzaine subsistaient encore vers 1930, sont mis en service entre 1896 et 1904, tel le cinq-mâts France, de plus de 5 000 tonneaux.

À la fin du siècle, la métamorphose de la construction navale, principalement par l’introduction de la propulsion mécanique et de la construction métallique, est achevée. Toutefois, le bois ne sera pas complètement abandonné, et l’on construit encore de nos jours des bateaux en bois, principalement pour la pêche.