Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alaska (suite)

Quoique l’Alaska soit situé à la même latitude que la Fennoscandie, on ne peut comparer ni leurs conditions naturelles ni leur développement économique actuel ou potentiel. En effet, à l’exception de la côte du Pacifique, la nature est plus hostile à l’homme en Alaska que dans le Nord européen. Le littoral de l’océan Arctique et de la mer de Béring possède un climat polaire. L’hiver est long, froid (température moyenne inférieure à – 18 °C pendant 170 à 180 jours, minimale de – 40 à – 50 °C) et relativement sec. L’été est court, sans chaleur (moyenne inférieure à 10 °C) et reçoit quelques précipitations. Dans les vallées intérieures (Yukon, Tanana) règne le climat subarctique, avec des minimums encore plus bas que ceux de la région arctique (minimum absolu de – 60 °C à Tanana), mais avec un moins grand nombre de jours très froids ; les précipitations sont plus abondantes, surtout en été ; un ou deux mois d’été ont une moyenne dépassant 10 °C et occasionnellement des températures de 25 °C, voire 30 °C. Seule la côte du Pacifique est tempérée, sans hiver marqué (– 2 °C en janvier à Sitka), ni été accusé (11 °C en août) ; les précipitations dépassent partout 2 500 mm, 4 000 mm sur la côte même (4 500 mm à Ketchikan) et beaucoup plus encore dans les montagnes littorales.

Sur la façade arctique, le pergélisol (sol gelé permanent) est continu ; en été, une mince couche dégèle, et la région se transforme en une toundra tachetée de marais infranchissables et percée d’une myriade de lacs. Dans l’intérieur, le pergélisol, discontinu ou plus profond en été, permet la croissance de la toundra boisée ou d’une forêt de petits conifères. La côte du Pacifique doit à l’absence de pergélisol, aux températures modérées et aux précipitations abondantes une belle forêt de grands conifères, comparable parfois à celle de la Colombie-Britannique.

Les montagnes entourant le golfe d’Alaska forment une barrière qui a isolé très longtemps l’intérieur, à peine exploré, des côtes du Pacifique, fréquentées depuis le xviiie s. par les Russes. Elles atteignent de 2 000 à 3 000 m dans la péninsule d’Alaska ; la chaîne d’Alaska porte les plus hauts sommets d’Amérique du Nord (McKinley, 6 187 m) ; les monts Saint-Élie forment un autre ensemble de hauts sommets nord-américains (plus de 5 000 m). Entre les monts de Brooks, qui dominent la plaine arctique, et les chaînes pacifiques se situe une région intérieure qui comprend des montagnes, des plateaux, des collines et des plaines fluviales (du Yukon et de ses affluents, du Kuskokwim), parfois séparées par des vallées en gorge (cañon de Rampart sur le Yukon). L’histoire du relief, qui date du milieu et de la fin du Tertiaire, n’est pas achevée : on compte trente-cinq volcans actifs (sur une centaine), et les failles jouent encore, ainsi qu’en témoigne la fréquence des séismes ; un des plus forts jamais enregistrés a ravagé le sud de l’Alaska en 1964, détruisant notamment Anchorage, la principale ville.

P. B.


L’histoire


L’Amérique russe (1741-1867)

Au cours de sa deuxième expédition, en 1741, le Danois Béring mit pied à terre en Alaska. Sur l’ordre de Saint-Pétersbourg, il venait chercher des fourrures, poursuivre la colonisation de la Sibérie, constater que l’Amérique et l’Asie ne sont pas rattachées, et surtout affirmer la puissance de l’Empire russe.

Les Russes surent préserver leur conquête, malgré l’arrivée d’explorateurs espagnols, anglais (Cook), français (La Pérouse en 1786) et de commerçants américains. Au cours du xviiie s., les pionniers de Sibérie chassèrent les animaux à fourrure en détruisant certaines espèces et maltraitèrent les indigènes (Aléoutes, Esquimaux, Indiens). En 1799, le marchand Nikolaï Petrovitch Rezanov, réalisant le programme de son beau-père Grigori Ivanovitch Chelikhov, obtint du tsar le monopole de l’exploitation de l’Alaska pour la Compagnie russo-américaine.

Son « manager », Aleksandr Baranov, installa son quartier général à Kodiak, puis à Sitka (1804), vendit des fourrures et des poissons, établit un séminaire orthodoxe et tenta, en vain, d’implanter une colonie au nord de San Francisco (Fort Ross) et dans les Hawaii. Lorsqu’il fut relevé de ses fonctions en 1818, la Russie dut composer avec les ambitions américaines (1824) et britanniques (1825) : elle s’engagea à laisser à la Compagnie de la baie d’Hudson la mise en valeur de la Colombie-Britannique et de l’Oregon Country.

La guerre de Crimée accentua la faiblesse de l’Amérique russe : la flotte impériale ne pouvait plus la protéger, les bénéfices de la Compagnie s’amenuisaient ; enfin les colons russes s’intéressaient davantage au bassin de l’Amour. Les diplomates de Saint-Pétersbourg, qui rêvaient d’opposer les Anglais aux États-Unis, proposèrent à ces derniers de leur vendre l’Alaska.


L’Alaska devient américain (1867-1896)

Les États-Unis venaient d’acquérir, entre 1845 et 1848, la Californie, l’Oregon Country et les montagnes Rocheuses : leur « destinée manifeste » n’était-elle pas de dominer tout le continent nord-américain et les Antilles ? Pourtant, la guerre de Sécession les empêcha de répondre à l’offre russe. La paix rétablie, le représentant russe s’entendit aisément avec le secrétaire d’État, William Seward ; le prix de la cession fut fixé à 7 200 000 dollars (traité du 30 mars 1867). Seward convainquit les sénateurs hésitants en évoquant les richesses potentielles de l’Alaska et en versant d’abondants bakchichs. L’opinion fut plus réticente : elle jugea que l’Alaska ne valait pas son prix, que c’était la « folie », la « glacière de Seward », voire l’« Icebergia » ou « Polaria ».

Aussi, ce vaste pays fut-il laissé à l’abandon. Le département de la Guerre l’administra jusqu’à 1877, puis transmit ses pouvoirs au Trésor. En 1884, un premier acte organique établit une administration civile, judiciaire et foncière. En 1890, la population (environ 35 000 habitants, dont les neuf dixièmes d’indigènes) chassait le phoque, la baleine et les animaux à fourrure (loutres, martres, rats musqués, etc.), pêchait le saumon autour de Kodiak, exploitait des mines d’or près de Juneau. De cette expansion limitée, le principal bénéficiaire était la Compagnie commerciale de l’Alaska, qui, en 1890, céda la place à la Compagnie commerciale nord-américaine.