Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

commerce international (suite)

L’Europe du Nord-Ouest est composée d’États de petite ou de moyenne dimension, auxquels il est apparu nécessaire, depuis longtemps, de se spécialiser pour être compétitifs. Bien avant la mode des marchés communs, les échanges internes à cette zone étaient particulièrement actifs. Ceux avec le reste du monde l’étaient plus encore : l’Europe des mercantilistes, celle des libéraux au xixe s. liaient enrichissement et essor du commerce international. Ainsi, dans le domaine des relations intercontinentales, l’Europe garde aujourd’hui la première place. L’Europe de l’Est est restée longtemps dans une position dépendante. La structure de ses relations extérieures se rapproche de nos jours de celle de l’Europe occidentale, mais le niveau demeure beaucoup plus faible.

Entre les grands pôles du commerce international se développent des courants d’échanges très denses : la route de l’Atlantique Nord et celle du Pacifique Nord sont les plus animées du monde actuel. Cela traduit le rôle de pivot du monde développé que jouent les États-Unis. Les relations entre le Japon et l’Europe occidentale se développent rapidement depuis une dizaine d’années, mais elles demeurent moins importantes.

Si nous avons employé l’expression de « pôle » pour désigner les grands foyers du commerce mondial, cela tient à la configuration des flux : ils convergent tous vers ces trois foyers. Nous avons déjà noté l’importance des relations qu’ils nourrissent entre eux. Les importations qu’ils reçoivent du monde tropical ou de l’hémisphère Sud, les exportations qu’ils leur destinent sont beaucoup plus importantes que les flux qui unissent ces pays entre eux. Cela ne doit guère étonner. On a déjà dit combien étaient faibles les relations entre les économies du tiers monde. Les pays tempérés de l’hémisphère Sud sont trop isolés les uns des autres pour que naissent entre eux des solidarités, pour que se créent, à leur niveau, des marchés communs aux échanges actifs. Malgré les progrès rapides de leur industrie, ils n’ont pas une dimension assez grande pour offrir toute la gamme des biens de consommation ni une économie assez complexe pour se lancer dans la fabrication de certains biens d’équipement : ils continuent à dépendre dans ces domaines de l’Europe, des États-Unis et, de plus en plus, du Japon.

Les relations qu’entretiennent les grands foyers du commerce mondial avec les pays du tiers monde et l’hémisphère Sud sont complexes. Les flux se recoupent, se chevauchent, mais quelques traits dominants apparaissent. Autour de chaque pôle se dessinent des zones plus particulièrement dominées par les nations industrielles voisines. L’Europe pèse très lourd sur les pays méditerranéens et sur l’ensemble de l’Afrique septentrionale et du Moyen-Orient (dans ce dernier domaine, l’Europe occidentale tend à se laisser rattraper par les pays de l’Est). Le monde caraïbe subit encore plus fortement l’attraction américaine que ce n’est le cas du bassin méditerranéen pour l’Europe. Vingt-cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la sphère d’influence prépondérante du Japon s’est reconstituée en Extrême-Orient : toute l’Asie du Sud-Est, à l’exception des nations socialistes, dépend de lui.

À des distances plus importantes des grands foyers mondiaux, les dominations sont plus partagées : l’Afrique demeure tournée vers l’Europe, mais les États-Unis y jouent désormais un grand rôle, et les Japonais y accentuent leur pénétration. L’Amérique du Sud dépend des États-Unis, mais l’influence plus ancienne de l’Europe y demeure partout présente ; le Japon est devenu le débouché le plus intéressant pour bon nombre de matières premières, les minerais en particulier. Cela lui permet de pousser de vigoureuses offensives commerciales.

L’ordonnance générale du commerce mondial apparaît ainsi assez simple : trois grands faisceaux de flux, relativement indépendants entre eux et disposés en gros selon un axe méridien, convergent vers les trois pôles de développement des pays d’Amérique du Nord, d’Europe et du Japon. Entre eux, ces foyers entretiennent des échanges très actifs : c’est à leur niveau que s’établit réellement la solidarité de l’économie planétaire.

L’échange international est le résultat d’une évolution dont nous avons souligné la rapidité récente. Pour comprendre les problèmes contemporains et les raisons des déséquilibres qui semblent se creuser, il est bon de s’attarder un peu sur l’analyse du fonctionnement des échanges.


L’organisation de l’échange des biens primaires : des grands marchés aux négociations entre États

Lorsqu’il est difficile de mesurer le volume et d’apprécier la qualité des biens, il convient de concentrer leurs transactions sur un marché unique : c’est la meilleure manière de faciliter l’ajustement des offres et des demandes. On voit l’inconvénient qui résulte de ce système : au lieu de livrer directement l’article du producteur au consommateur, on le fait transiter par une place de commerce, ce qui alourdit les charges de transport. Mais les parties y trouvent un avantage car elles sont assurées de bénéficier ainsi d’un plus juste prix.

Dans le domaine des transactions internationales, les denrées alimentaires, les minerais et les matières premières industrielles s’échangent traditionnellement sur des marchés spécialisés. Ceux-ci sont nés en grande partie au xviiie s. L’Europe était le grand foyer d’importation : les épices, les produits des Îles, les étoffes d’Orient, les porcelaines de Chine, les blés et bois de la Baltique et d’Amérique y étaient très recherchés. Les grands ports de la mer du Nord ou de l’Atlantique, Amsterdam, Hambourg, Liverpool, étaient bien placés pour attirer les transactions : ils évitaient de multiplier à l’excès le détour de marché.

L’amélioration des techniques commerciales dans le courant du xixe s. fit disparaître le défaut majeur des grands marchés : on apprit à mesurer précisément la qualité et la quantité de biens offerts, ce qui permit de dénouer les transactions sans que la marchandise soit présente : le marché est devenu abstrait. Les places de l’Europe du Nord-Ouest, New York, plus tard, ont ainsi gardé leur rôle alors même que les courants commerciaux ne les traversaient plus.