Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cirque (suite)

Lorsque les acrobates travaillent aux barres fixes, ils sont appelés barristes. Leur numéro est l’un des plus difficiles (les Ibarra-Matta, les Petroff, les Olivarès, les Rodriguez). À l’origine, une seule barre permettait à un seul gymnaste de démontrer sa force, sa souplesse, son agilité, notamment avec des « tourniquets » de jarrets ou de pieds et mains (figure où l’on tourne autour de la barre sur laquelle s’accrochent les mains entre les pieds), avant d’arriver au final du « grand soleil ». En Amérique, on imagina de réunir trois barres fixes. Puis le portique fut compliqué par l’adjonction de barres supérieures. Les barristes, qui savent parfois être, comme on les annonce, « sérieux et comiques », corsent souvent leurs évolutions par un très bel exercice, le « da capo », passage de la première à la troisième barre.

Les barristes d’U. R. S. S. (les Nicolaïev) nous ont apporté une autre sorte d’agrès, en forme de cerceau géant, sur lequel ils exécutent à un rythme accéléré toutes les passes connues : debout en pointe de pieds, échappement de jarret, etc.

Puis il y eut les barres aériennes accrochées sous le ciel du cirque et où furent présentés des exercices frères de ceux exécutés aux trapèzes volants, mais demandant plus de force puisque ne pouvant bénéficier de l’élan donné par le balancement du matériel.

La barre au cadre, parfois placée au-dessus d’un tremplin élastique, permet des sauts aux allures d’envols et de véritables jongleries humaines.

La jonglerie humaine se retrouve dans le numéro des jeux icariens (les Risley, les Akefs, les Bogdadis, les Rios). Pour ce faire, l’acrobate travaille couché sur une « trinka », sorte de fauteuil bas permettant, par sa structure (plan incliné surélevant la partie postérieure de l’artiste), de tenir les jambes verticalement avec le moins de fatigue possible. Sur ses pieds bondit un voltigeur qui se laisse manier comme une balle.

La trinka est également l’accessoire essentiel de l’antipodiste (les Bassi, les Castors) qui, dans la même position que l’icarien, jongle avec des objets insolites, les animant dans une ronde vertigineuse. L’antipodiste est un jongleur à l’envers.

L’art de la jonglerie fut tout d’abord l’apanage des sorciers de l’Inde, puis il se développa en Extrême-Orient avant de se populariser dans le monde entier. Les accessoires maniés sont généralement des boules, des balles, des ballons, des bâtonnets, des torches enflammées, des assiettes, des anneaux, des cerceaux, des diabolos, des boîtes à cigares et surtout des massues, ou clubs, qui tracent de fascinantes arabesques lorsque plusieurs jongleurs travaillent ensemble. Certains jongleurs recherchent la difficulté en utilisant des objets de formes et de poids différents. Le jongleur moderne le plus fréquemment cité est Rastelli, qui enthousiasma le public entre les deux guerres. Depuis furent appréciés entre autres Berny, Italo, Raspini, Rudy Horn, Ugo Garrido, Frediani, Paolo, Cardenas, Serge Lamy, El Gran Picaso, Francis Brunn.

Les illusionnistes, qui ont les gestes prestes des jongleurs, peuvent aussi faire partie d’un programme de cirque, mais ils sont moins à l’aise sur la piste que sur la scène : beaucoup de leurs tours doivent être vus de face, et la petitesse des accessoires classiques des manipulateurs — cartes, pièces de monnaie — n’est pas assez spectaculaire sous les vastes chapiteaux. Toutefois, les magiciens à gros matériel y connaissent de beaux succès, et des tours, tels l’escamotage d’une personne, l’apparition d’un animal, la femme coupée en morceaux, etc., corsent bien des programmes (Carrington, Kio, Yanko, Mireldo, Richardi Jr, Michel de La Vega).

Les fakirs, fascinateurs de fauves (Blacaman), avaleurs de sabres, cracheurs de feu sont aussi, à l’occasion, les hôtes du cirque, où sont accueillis également, en marge des numéros classiques, des « évadés perpétuels » qui brisent toutes leurs entraves, des « tireurs » à la carabine ou à l’arc, des « lanceurs » de couteaux. Et quelques artistes-phénomènes, comme cette femme sans bras, vivante Vénus de Milo, tapant à la machine, fumant, cousant avec ses pieds, des nains et des géants, sans spécialité particulière, interviennent aussi au cours des programmes.

Les vrais acrobates se retrouvent encore sous le ciel des cirques : ce sont les aériens. L’acrobatie aérienne commence à peu de mètres du sol, sur le fil des « fildeféristes », sur la corde des « danseurs de corde » pour atteindre le câble des funambules à grande hauteur et les trapèzes et autres agrès suspendus aux cintres.

Le numéro des funambules est très ancien. Les danseurs de corde, selon leurs spécialités, furent appelés neurobates, oribates, schœnobates, voire, plus simplement pour nous qui en avons adopté le terme et élargi le sens, acrobates. Les premiers funambules avaient un répertoire très varié ; ils ne se contentaient pas de marcher et de danser sur la corde tendue horizontalement ou obliquement ; ils s’y pendaient par les pieds, viraient autour d’elle, s’y dévêtaient, s’y rhabillaient, s’y couchaient à plat ventre ou sur le dos et se laissaient glisser, bravant le vertige sans aucune mesure de sécurité, jusqu’au jour où l’empereur Marc Aurèle, ayant été témoin d’une chute, ordonna de placer un matelas sous la corde, matelas qui est devenu le filet.

À travers les siècles, il y eut toujours des funambules ; leur corde semble être le lien entre le cirque antique et le cirque moderne (les Wallandas, Rover, Alzana, les Collins).

Mais il y a aussi ceux qui travaillent à faible hauteur (2 m du sol environ) : ce sont les fildeféristes. Dans cette spécialité, la grâce remplace souvent la témérité sans exclure les prouesses, car l’acrobate est parfois une jolie personne dont le balancier s’est transformé en ombrelle (Oceana Renz hier, Gipsy Bouglione ou Mimi Paolo aujourd’hui). Certains artistes ont réalisé des exercices prodigieux, et l’on citera longtemps le nom de l’Espagnol Colleano, dont le saut périlleux en avant (le plus rarement exécuté) était d’une sensationnelle beauté. Depuis, beaucoup d’acrobates se sont imposés, notamment les Arrata, les Tonytos, les Reverhos.

L’excentricité a aussi sa place sur le fil de fer avec des acrobates qui, costumés en vagabonds, feignent la maladresse et l’imprudence : Germain Aéros, Emilio Zavatta, Linon, Reco, Galetti et, à grande hauteur, Pio Nock et Karendas.

Certains funambules, détendant leurs cordes, s’aperçurent que c’était encore là un agrès autorisant de spectaculaires démonstrations gymniques.

Il y eut tout d’abord les adeptes de la corde volante, laquelle, détachée, devint corde lisse et permit d’autres exercices avant que s’imposent les anneaux et que, par voie d’évolution, l’aérien s’accroche à une « chaise », se lance sur des barres fixes à grande hauteur et enfin voltige au trapèze.

Les anneaux permettent surtout des « planches », des « croix de fer », tours de force qui semblent plutôt réservés aux athlètes masculins mais qui, pourtant, mirent en vedette une femme, l’inoubliable Lilian Leitzel.

La corde lisse ne sert souvent à l’acrobate que pour monter vers un agrès ou redescendre sur la piste ; cependant, des numéros entiers s’y produisent et c’est un festival d’élévations en équerre, de planches roulées, de descentes en ange ou en piqué (Chrysis de La Grange, Aima Païa).