Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

christianisme (suite)

Il fallut un demi-siècle pour triompher des cathares, dont les derniers périrent sur le bûcher de Montségur en 1244. Cependant, le triomphe était plus apparent que réel pour l’Église. La lutte contre l’hérésie n’avait triomphé qu’avec le secours du bras séculier et du régime de terreur de l’Inquisition. Deux très lourdes hypothèques à la fois pour l’indépendance spirituelle et pour le niveau moral du christianisme.

D’ailleurs, avec l’attentat d’Anagni (1303), commence pour l’Église une période sombre. Le pontificat de Boniface VIII, pape de 1294 à 1303, marque la fin de sa suprématie sur le pouvoir temporel, puis l’exil d’Avignon accentue sa dépendance en face des princes, qui, de plus en plus, mettent sa puissance au service de leurs ambitions. C’est le temps de la papauté d’Avignon* (1305-1377), puis celui du grand schisme* d’Occident (1378-1417), où deux ou parfois trois papes se partagent la chrétienté.

Ce long épisode a affaibli la papauté, inquiété les fidèles et fait souhaiter de profondes réformes. En Bohême, un prêtre professeur d’université, Jan Hus* (1369-1416), dénonce les abus et fait le procès de l’Église. Sa mort sur le bûcher à Constance fait de lui un héros national. Après lui, ses disciples, les « utraquistes », appelés ainsi parce qu’ils communiaient sous les deux espèces comme dans la primitive Église, furent partout vainqueurs, si bien que l’empereur Sigismond de Luxembourg (1433-1437) dut, en 1436, s’incliner en signant les accords (compactata) de Jihlava.

Pour la première fois, le pouvoir temporel, malgré l’opposition de la papauté, était obligé de s’incliner devant l’hérésie. Le fait que l’utraquisme disparut peu à peu à la fin du xve s. ne dissimule pas l’importance de ce fait nouveau et capital, annonciateur de la réforme luthérienne, la reconnaissance de l’hérésie.


Le christianisme des xvie et xviie siècles, le temps des réformes

C’est donc dans cette atmosphère de luttes religieuses, de doutes sur la légitimité des papes et sur la limite de leurs pouvoirs, de désagrégation des grandes synthèses théologiques du xiiie s. que se termine le Moyen Âge.

Entre une théologie de plus en plus sclérosée dans des disputes scolastiques stériles et une science jeune qui puise aux sources païennes de l’Antiquité la lutte était inévitable, comme elle l’était aussi entre des forces spirituelles profondes et exigeantes et une papauté qui, à partir de 1471, se déconsidérait par ses chefs trop uniquement politiques, comme Sixte IV (1471-1484) et Innocent VIII (1484-1492), ou scandaleux, tel Alexandre VI (1492-1503).

La vente des indulgences par Jules II (1503-1513), puis par Léon X (1513-1521) pour achever la construction de Saint-Pierre de Rome est l’étincelle qui met le feu aux poudres. Un moine allemand, Martin Luther* (1483-1546), hanté à la fois par le problème de la grâce et celui du péché, mais aussi soucieux d’édifier une nouvelle ecclésiologie en s’inspirant en cela des problèmes posés par Jan Hus, réclame une Église rénovée et, le 31 octobre 1517, à Wittenberg, affiche ses thèses contre les indulgences.

Sommé en 1520 par le pape Léon X de se soumettre, il répond par trois traités où il refuse la distinction entre les prêtres et les laïcs, et où il rejette le septénaire des sacrements. Enfin, il oppose à l’autorité de l’Église celle de l’Écriture seule. Si Luther conserve trois sacrements, il est dépassé par Zwingli* (1484-1531), qui réduit le culte à la lecture de l’Écriture et aux sermons et préconise une piété surtout sociale.

Calvin* (1509-1564), lui, accentue les positions de Luther. Il proclame et maintient contre lui la primauté de la justification par la foi sur les œuvres, et la prédestination. Pour lui, les sacrements — le baptême et la communion — ne sont que des symboles. Contrairement à Luther, qui n’a plus à affranchir les Églises de l’État, Calvin réclame pour elles le droit de contraindre l’État à servir l’Évangile.

Ainsi, par la force révolutionnaire que le calvinisme applique à la réforme de la société et par son ardente mystique du salut, s’explique la puissance de sa propagande. Alors que le luthéranisme a déjà atteint ses limites dans la première moitié du xvie s. (Allemagne et Scandinavie), le calvinisme va représenter la réforme militante, nourrir la vie des sectes anglo-saxonnes durant deux siècles et exercer une grande influence sur l’évolution des doctrines qui, durant les siècles suivants, se réclameront de lui.

Alors que le luthéranisme, partout où il n’a pu constituer des Églises d’État, reste débile, le calvinisme voit tous les protestants se tourner vers la nouvelle Rome que Jean Calvin a fondée à Genève ; il en est ainsi de l’Écosse, des Provinces-Unies, de la France et de l’Angleterre. Au cours du xvie s., une Église originale qui essaiera de concilier la hiérarchie catholique et l’esprit protestant, l’anglicane, se constituera en Angleterre. La doctrine de Calvin, plus systématique que celle de Luther, s’est finalement imposée à la plus grande partie du monde protestant. Elle est condensée dans un traité clair et précis, l’Institution chrétienne. Toutefois, il est important de remarquer, à propos de la justification par la foi, que Calvin distingue entre l’homme pécheur et l’homme justifié. Ce dernier doit, selon Calvin, mener une vie de sanctification par les œuvres, et c’est là le secret du dynamisme du calvinisme dans le monde.

La réponse des catholiques à la réforme protestante, ce fut le concile de Trente* (1545-1563). Celui-ci s’efforça de définir la théologie catholique sur les points centraux attaqués par la Réforme. Les sources de la Révélation sont maintenues (Écriture et Tradition), et l’Église seule, proclame-t-on, a le droit d’interpréter l’Écriture.

On définit aussi que, si l’on reçoit la grâce par la foi, on est justifié par les œuvres et que l’homme doit coopérer à l’impulsion de la grâce pour arriver à la justification. Pour l’eucharistie, on affirme la présence réelle et la transsubstantiation, et l’on condamne l’impanation protestante.