Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

agriculture (suite)

Pour éviter que la terre ne s’appauvrisse trop, les solutions sont diverses. La plus simple consiste, après une période de culture où les équilibres ont été détruits, à laisser reposer le sol : la végétation naturelle se reconstitue et la terre retrouve progressivement sa fertilité. Jusqu’à la fin du Moyen Âge en Europe, dans la plus grande partie du monde tropical aujourd’hui, les techniques de l’agriculture sur brûlis assurent un équilibre entre l’homme et le sol. On incendie la végétation naturelle, on tire de la terre enrichie par les cendres deux ou trois récoltes, puis on va plus loin brûler de nouveaux lopins. Les parcelles sont soumises à une jachère très longue, de sept ou huit ans au minimum, et quelquefois bien davantage : si l’on descend au-dessous, les sols n’ont pas le temps de retrouver leur équilibre et le système conduit à une érosion généralisée ou à une perte de fertilité catastrophique, comme on l’observe dans les pays où la surpopulation entraîne un raccourcissement des périodes de repos.

Lorsque l’élevage se trouve associé à la culture, il est plus facile de reconstituer les sols : les bêtes pâturent sur les terres en jachère et contribuent à en assurer la fertilité. Les agriculteurs sont partout ou presque conscients de la chose. Dans les pays africains, où le travail des animaux n’est pas utilisé et où les régimes alimentaires ne comportent guère de produits carnés, il arrive fréquemment que les paysans s’associent à des groupes de pasteurs, dont les bêtes, en pâturant, contribuent à rétablir l’équilibre. Dans le monde tempéré, ces pratiques ont été systématiquement utilisées : en combinant élevage et culture, on est arrivé très tôt à réduire la jachère à un an sur deux, ou à un an sur trois. Mais cela a imposé une organisation des terroirs qui permette à la fois le développement de la culture et l’épanouissement de l’élevage ; elle se traduit par les paysages ordonnés d’openfield ou, ailleurs, par la multiplication des clôtures du bocage.

Dans le monde chinois, la pression humaine interdit l’élevage de troupeaux nombreux : l’équilibre est assuré par la récupération attentive de toute la matière organique qui peut enrichir la terre et par la fabrication de composts ou l’utilisation d’engrais verts.

La révolution agricole, qui prend naissance en Europe au xviiie s., élimine la jachère. Les agronomes anglais, comme « Turnip » Townshend, introduisent dans l’assolement des racines, le navet d’abord, la betterave plus tard. L’année de repos est supprimée, l’élevage est intensifié, la production de viande augmente, comme les rendements céréaliers, cependant que le sol bénéficie de restitutions plus copieuses. Les légumineuses fourragères jouent ailleurs le même rôle.

Aujourd’hui, l’utilisation des engrais chimiques permet de rendre au sol ce que la culture lui enlève, sans que l’élevage soit indispensable. On peut cependant craindre, à la longue, une diminution de la teneur en matière organique, qui nuirait à l’équilibre des sols.

Les contrastes les plus importants qui existent aujourd’hui dans le monde en matière agricole tiennent à la diversité des systèmes qui permettent d’utiliser la terre tout en assurant sa fécondité renouvelée. Les solutions proposées réussissent ici mieux qu’ailleurs en fonction du milieu naturel, du climat et des habitudes sociales : cela contribue à modeler la répartition des systèmes de culture sur les grands ensembles physiques et les aires de civilisation qui se partagent le monde.


Les systèmes de culture

Le monde tropical demeure partagé entre l’agriculture sur brûlis et la riziculture irriguée. La première correspond à une utilisation extrêmement peu efficace de terres non irrigables. Il est possible de passer, dans ces milieux, à une culture continue qui autorise des densités beaucoup plus élevées : mais la productivité du travail diminue, ce qui freine évidemment la généralisation des solutions les plus intéressantes sur le plan agronomique. La riziculture ne peut s’installer dans tous les environnements ; l’augmentation des rendements ne s’accompagne pas nécessairement d’un gain par rapport au travail fourni.

Dans les zones arides du monde, les conditions se prêtent généralement à la mise en place de systèmes très intensifs. Les conditions de sols sont bonnes, l’élevage existe souvent. On arrive à pratiquer des cultures continues à rendements élevés, depuis un passé très reculé, dans les oasis du Moyen-Orient comme sur certaines terres du Mexique.

Le monde tempéré associe généralement la culture à l’élevage. Les systèmes extensifs anciens, à jachère, disparaissent. Ils sont remplacés, là où les densités sont fortes, par des rotations savantes inspirées de celles imaginées en Europe du Nord-Ouest dans le courant du xixe s. Dans les régions tempérées du Nouveau Monde et de l’hémisphère Sud, les conditions n’imposent pas une intensification analogue, si bien que l’accent est mis sur l’augmentation de la productivité du travail. On laisse subsister la jachère pour des raisons économiques : elle n’a de justification agronomique que dans les zones de climat déjà sec, car elle permet alors de pratiquer une céréaliculture efficace jusque dans des zones très marginales.

La plupart des systèmes agraires associent dans leurs champs et dans leurs rotations de nombreuses plantes. Les cas de monocultures exclusives sont rares et le plus souvent tardifs ; ils sont généralement apparus à la suite de l’élargissement du commerce international à la fin du siècle dernier. Dans les civilisations primitives, lorsque les communications sont difficiles, on est au contraire étonné de l’extraordinaire variété des espèces connues, cueillies et cultivées. Dès que les échanges s’organisent, un tri s’opère : la plupart des espèces ne satisfont qu’imparfaitement les besoins humains ; elles manquent souvent de la souplesse qui rend leur culture facile. Et dans les civilisations agraires avancées, même lorsque les productions sont destinées à la consommation locale, les cultures sont standardisées. Quelques plantes nourricières fournissent l’essentiel de ce qui est nécessaire à la vie. Dans la plus grande partie des cas, c’est aux céréales que se trouve dévolu ce rôle stratégique. Dans certaines zones, l’alimentation dépend en revanche beaucoup de racines ou des fruits de certains arbres.