Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Le paysan fume sa terre, mais deux types d’engrais, typiques du Sud, ne sont pas employés, l’engrais humain et surtout l’engrais vert. Les derniers mois d’hiver et les premiers mois de printemps sont trop secs pour qu’on puisse retourner en terre un engrais vert au printemps. La quantité d’engrais disponible, compte tenu de la plus grande superficie des exploitations, est plus faible à la surface cultivée que dans le Sud, et la fertilisation du sol est moins bien assurée. Mais les sols sont naturellement beaucoup plus fertiles. La Chine du Nord est très largement le pays du lœss. Le lœss en place et surtout les alluvions lœssiques transportées par les fleuves donnent des sols minces ; pauvres en humus, mais très riches en carbonate de calcium, ces sols, bruns, sont généralement très fertiles. Sur les plateaux de lœss, ces sols souffrent de l’érosion, éolienne ou fluviale, et de la sécheresse, mais en plaine, notamment à l’est, ils sont souvent exceptionnellement favorables ; dans les zones littorales, mal drainées, subsistent de grands espaces aux sols alcalins et salins, cependant qu’au sud de la Grande Plaine, entre le Huanghe et la Huai, d’anciens lits du fleuve Jaune présentent des épanchements de graviers et de sables. Cependant, les rendements étaient relativement modestes, notamment en blé.

Plusieurs types d’agriculture peuvent être distingués. Dans la Grande Plaine règne une polyculture très variée et intensive. Le paysan fait souvent trois récoltes en deux ans : kaoliang la première année ; blé en hiver, soja et millets en été la deuxième année. Mais les combinaisons sont généralement plus variées : à Xinzheng (Sin-tcheng), au Henan, 23 p. 100 des terres ne portent qu’une récolte d’été (essentiellement du kaoliang), mais 70 p. 100 donnent deux récoltes annuelles : blé et orge en hiver ; millets, soja, maïs, patates douces, haricots, sésame en été ; le sorgho est donc cultivé en culture unique d’été, tandis que les millets, le soja, le maïs, les patates succèdent au blé. Dans le Henan, 40 p. 100 des terres portent une double récolte annuelle. Finalement, il y a une très grande variété de plantes cultivées : parfois de douze à quinze plantes récoltées dans certaines localités (il faut, par exemple, ajouter aux cultures d’hiver le colza, la pomme de terre, la luzerne, et aux cultures d’été les différents légumes). Cette polyculture semble systématique : elle diminue les risques de mauvaise récolte, assure une bonne répartition du travail par la multiplication des travaux, limite l’épuisement des sols. Cependant, les cultures d’hiver, et surtout celle du blé, sont en partie irriguées. Cette irrigation intéressait autrefois environ 10 p. 100 de la superficie cultivée. Elle a été considérablement étendue par la construction de petits barrages et surtout par le creusement de milliers de puits, souvent équipés de pompes : 1 million de puits permettant d’irriguer 900 000 ha, et cela sans parler des grands travaux d’aménagement hydraulique sur le Haihe (Hai-ho), le Huanghe et la Huaihe (Houai-ho). Par ailleurs, les conditions topographiques et pédologiques amènent certaines spécialisations. La plaine du bas fleuve Jaune est la zone essentielle du blé ; le sud-ouest du Henan est la première région chinoise productrice de tabac ; le coton en culture d’été couvre 2 millions d’hectares. Au Shandong, dans la Grande Plaine ou dans les dépressions, la rotation est plutôt blé-soja avec d’importantes superficies consacrées au coton, à l’arachide, au tabac ; par contre, les pentes des collines sont aménagées en terrasses ou couvertes de pommiers, de poiriers (poires de Laiyang), de pêchers (pêches de Feicheng [Fei-tch’eng]), de vigne et de quercus, pour l’élevage du ver à soie.

Les conditions de l’agriculture sont plus difficiles sur les plateaux de lœss, du Shānxi, du Shănxi et du Gansu. Deux types y sont en présence : une agriculture sèche et une agriculture irriguée. L’agriculture sèche intéresse les plateaux et surtout les versants aménagés en terrasses, en légère pente, au prix d’un travail considérable ; il n’y a généralement qu’une seule récolte annuelle, celle de l’été, sorgho et millets étant largement prépondérants ; dans le nord du Shānxi, en altitude, on trouve blé de printemps, avoine, pomme de terre. Les conditions naturelles sont peu favorables (pluies peu abondantes, érosion des sols, vents de sable), et les rendements médiocres. Au contraire, bassins et vallées, bien irrigués, ont une agriculture prospère : bassins de la Fen (blé, coton) et de Taiyuan (T’ai-yuan) [blé, kaoliang, soja, coton, riz, vigne « fen-chin »], au Shānxi ; vallées du Jing (King), du Lo (40 000 ha irrigués) et surtout de la Wei (blé, maïs et récemment coton), au Shănxi ; corridor du Hexi (Ho-si) [40 000 ha irrigués], au Gansu.

Les grands traits agricoles de la Chine du Nord se retrouvent dans la plaine du Nord-Est, mais, cette fois, il s’agit d’une agriculture pionnière, mise en place dans un pays encore à peu près vide au début du siècle, peuplé grâce aux voies ferrées russes et japonaises. Les sols sont, en partie au moins, des sols de prairie, noirs, du type tchernoziom, d’une très grande valeur ; leur richesse en matière organique (due à la décomposition des racines des herbes) et en calcium leur donne une excellente structure grenue ; cependant, des sols moins favorables (sierozioms) occupent la vallée du Liaohe (Leao-ho), des sols salés (solontchaks) des dépressions septentrionales, et des sables une grande partie des lisières occidentales. Le climat, d’autre part, interdit toute culture d’hiver, mais l’été est chaud et pluvieux. L’association typique est celle du soja, du kaoliang et des millets, souvent en assolement triennal ; le Nord-Est est le plus grand producteur chinois de soja, concentré surtout dans la plaine centrale ; au soja et au kaoliang s’ajoutent dans la plaine du Liaohe le maïs et même le coton et le tabac, dans la plaine de la Soungari le blé de printemps et la betterave à sucre ; il y a quelques cultures de riz dans le Centre, notamment dans le « District autonome coréen ». Le Nord-Est n’a encore qu’une faible densité de population. De là l’importance exceptionnelle des fermes d’État, de très grandes dimensions (ainsi la ferme d’État « Amitié », qui travaille 32 000 ha) et pourvues d’un important matériel.

J. D.