Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Che T’ao (suite)

Sa règle suprême est l’absence de règles. Aussi, ses peintures portent-elles l’empreinte unique de sa personnalité et de sa maîtrise parfaite du pinceau et de l’encre. Sa spontanéité se révèle en particulier dans ses feuilles d’album. Grâce à un coup de pinceau libre, mais non gratuit, Shi Tao capte l’individualité d’une plante ou l’atmosphère humide d’un site. Son encre, posée en nappes plus ou moins épaisses, traduit des effets de densité ou de profondeur. Sur les coulées d’encre légère sont éparpillés des points (« dian » [tien]) de couleur bleu pâle ou brun-rouge, dont le rôle est purement plastique.

Peintre, poète et calligraphe, Shi Tao est aussi philosophe. Dans ses Propos sur la peinture, il définit le concept de l’« unique trait de pinceau », source de toute création. Sa théorie picturale prend la forme d’une synthèse originale puisant aux différentes sources de la pensée chinoise, et en particulier du bouddhisme chan (tch’an*). Certains passages témoignent de son désir d’indépendance, ainsi lorsqu’il affirme : « Quant à moi, j’existe par moi-même et pour moi-même. Les barbes et les sourcils des anciens ne peuvent pas pousser sur ma figure, ni leurs entrailles s’installer dans mon ventre ; j’ai mes propres entrailles et ma barbe à moi. Et s’il arrive que mon œuvre se rencontre avec celle de tel autre maître, c’est lui qui me suit et non moi qui l’ai cherché » (chap. iii).

À Yangzhou, la présence de Shi Tao eut une influence directe sur les peintres « excentriques » qui séjournèrent dans cette ville au xviiie s., et, jusqu’à l’époque contemporaine, son art suscita chez bon nombre d’artistes et de critiques une admiration passionnée.

F. D.

➙ Kong Hien / Kouen Ts’an / Pa-ta Chan-jen / Ts’ing (époque).

 P. Ryckmans, les Propos sur la peinture de Shi Tao (Bruxelles, 1970).

chevalerie

Institution qui, à l’origine, rassemble les combattants à cheval et à laquelle on accède par une cérémonie d’initiation dont l’adoubement représente le type achevé dans la société féodale.


On peut considérer qu’elle existait déjà en Iran et chez les anciens Germains, où la remise des armes (framée et bouclier rond) au jeune guerrier était, selon Tacite, pratiquée. Mais, alors qu’au sein de ce type de société tous les hommes libres étaient admis par initiation au sein du groupe des guerriers au sortir de l’adolescence, seule la petite minorité des combattants professionnels put y accéder dans le monde féodal.

Que la chevalerie n’ait représenté qu’une faible fraction des laïcs s’explique en grande partie par l’évolution des méthodes de combat, qui assurèrent le triomphe du cavalier sur le fantassin et entraînèrent par contrecoup la quasi-disparition de l’infanterie. De ce fait, le terme de soldat (lat. miles) s’identifia désormais totalement à celui de chevalier, et celui-ci avec le vocable de noble (lat. nobilis), auquel il se substitua vers l’an 1000. La chevalerie formait, selon Édouard Perroy, « un groupe sans limites fixes, sans privilèges, sans titres », qui comprenait pour l’essentiel une grande partie de l’aristocratie de l’argent, de la terre et de la fonction. Pour être chevalier, il fallait en effet d’abord être riche, en raison du coût relativement élevé des chevaux de guerre (un ou deux) et d’un matériel de plus en plus diversifié du fait du perfectionnement des méthodes de combat, nécessitant l’achat d’une lance portée le long du corps, d’une selle à pommeau et à arçon et d’étriers. Mais il fallait, en outre, disposer de loisirs à la fois pour pouvoir assurer les divers services militaires exigés par l’activité guerrière (garde du château, expéditions militaires) et pour se préparer au combat par l’exercice de sports violents tels que les tournois ou la chasse, qui fournissait en outre à ces hommes la nourriture riche et abondante indispensable au maintien de leur forme physique.

On comprend que, dans ces conditions, le recrutement de la chevalerie ait été limité soit aux descendants des grandes familles nobles du haut Moyen Âge, soit à des hommes nouveaux dont les revenus étaient suffisants pour qu’ils puissent abandonner à un intendant disposant d’un important personnel domestique la surveillance de l’exploitation de leur réserve domaniale, soit à des aventuriers pris entièrement à charge par les chefs des grandes familles nobles désireuses d’augmenter leur puissance militaire.

Ainsi vers l’an 1000, au terme d’une évolution commencée au moins en l’an 700, l’ensemble des milites avait fini par constituer un groupe social dont les membres, plus ou moins riches, étaient la plupart du temps d’origine aristocratique et qui trouvaient dans la pratique du métier des armes l’occasion de manifester leur supériorité sociale. Celle-ci, qui tenait à ce que « tout chevalier (passait) pour noble » même « si tout noble (n’était) pas chevalier », se traduisit naturellement par le fait que ce groupe social s’inséra harmonieusement dans la structure tripartite, qui se substitua vers l’an 1000 à la structure dualiste du haut Moyen Âge, opposant les puissants aux faibles, les riches aux pauvres, les libres aux non-libres. Dans le cadre défini par la vieille théorie des ordines, habilement modifiée par saint Bernard au xiie s., ceux qui priaient (oratores) et ceux qui travaillaient (laboratores) s’opposaient en effet désormais à ceux qui combattaient (bellatores), c’est-à-dire aux chevaliers ; le métier des armes apparaissait comme un office (ministerium) rempli pour le bien de la communauté tout entière dont les chevaliers assuraient en effet la défense avec, pour contrepartie, l’exemption des charges en argent, en nature et en travail qui pesaient sur ses autres membres ; cette exemption se transforma progressivement en privilège coutumier, qui survécut à la disparition des conditions politiques qui avaient justifié son octroi ainsi qu’à l’affaiblissement du service rendu.