Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cherbourg (suite)

Sous Louis XIV, la ville est choisie par Vauban pour l’édification d’un grand port militaire. À partir de 1686, on commence à fortifier les installations portuaires. C’est le 29 mai 1692 que Tourville livre aux Anglais une grande bataille navale au large de Cherbourg ; celle-ci se termine par le désastre de La Hougue, qui consacre pour longtemps l’hégémonie maritime de l’Angleterre.

Durant la guerre de Sept Ans, les Anglais dévastent la ville ; ils commencent leur descente sur les côtes françaises en 1757 ; la Normandie et la Bretagne subissent leurs assauts en 1758. En août, ils débarquent par surprise à Querqueville et ravagent le port avant de rembarquer. À cette occasion, ils pillent la célèbre abbaye du Vœu (xiie s.), dans les faubourgs de la ville.

Se souvenant de ces incursions, Louis XVI fait construire de 1779 à 1786 les forts de l’île Pelée, du Homet et de Querqueville pour défendre la rade. En outre, il commence les premiers travaux de la digue. Mais c’est Napoléon Ier qui reprendra les projets de Vauban. L’avant-port militaire est inauguré en 1813 en présence de l’impératrice Marie-Louise, mais la chute de l’Empire empêche de plus grandes réalisations.

Les travaux sont poursuivis sous Charles X et terminés par Napoléon III en 1858. Le port de commerce a été achevé dès 1831.

Durant la Première Guerre mondiale, Cherbourg constitue une base anglaise, puis américaine. En 1944, ce sont surtout les installations du port qui ont à souffrir des combats. Libéré le 27 juin, celui-ci est rapidement remis en service et peut ainsi contribuer à acheminer une part très importante des équipements nécessaires aux armées alliées.

P. R.

➙ Manche.

Cherubini (Luigi)

Compositeur italien (Florence 1760 - Paris 1842).


En 1842, Luigi Cherubini, âgé de quatre-vingt-deux ans, mourait à Paris, où il s’était fixé depuis 1787. Il avait été tour à tour compositeur de la Cour à Londres (1784), membre fondateur de l’Institut national de musique, inspecteur du Conservatoire, surintendant de la Chapelle royale après Jean-François Lesueur et Jean-Paul Martini (1816), enfin professeur de composition, puis, de 1822 à sa mort, directeur du Conservatoire.

Pareille multiplicité dans les fonctions — assumées sous les régimes les plus opposés — n’eut d’égale que la diversité des genres, religieux et profanes, abordés par Cherubini sa vie durant à partir de 1773. Sa science était solide, sa culture étendue. Ses contemporains, et parmi eux Haydn et Beethoven, l’ont aimé et admiré. Cherubini dispensa à ses élèves, dont Auber, Halévy, Offenbach, un enseignement d’une rare qualité pour l’époque.

Contemporain de Mozart — il était son cadet de quatre ans —, il fut un collaborateur original des fêtes civiques (Hymne du Panthéon, 1794) et un heureux continuateur de Gluck (Médée, 1797). Mais il s’opposa farouchement au romantisme qu’il sentit naître chez Beethoven. Raccroché désespérément au passé, il apposa un point final à la symphonie classique française dans sa Symphonie en ré (1815). Ses derniers quatuors, postérieurs à ceux de Beethoven, sont d’une facture proche de Haydn, comme ses messes (troisième Messe solennelle en la majeur, pour le sacre de Charles X, 1825) et ses requiem, dont le second, à voix d’hommes, précède d’un an celui de Berlioz (1836).

Classique attardé, Cherubini a été naturellement la source d’inimitiés et de sarcasmes, mais aussi d’injustices. Certes, la mélodie de Cherubini est généralement terne, et l’harmonie impersonnelle ; mais l’instrumentation contient des idées dont Berlioz a pu se souvenir.

Une carrière exceptionnellement longue et féconde, un apport original bientôt suivi d’une hostilité irréductible aux courants nouveaux compensée par un enseignement bienfaisant en un temps de médiocrité, ce sont là des points communs qui rapprochent, à deux générations de distance, Cherubini et Saint-Saëns.

F. R.

➙ Italie / Messe / Révolution française (musique de la).

 D. Denne-Baron, Cherubini, sa vie, ses travaux, leur influence sur l’art (Heugel, 1862). / B. Deane, Cherubini (Londres, 1965).

Che T’ao

En pinyin Shi Tao ; nom véritable, Zhu Ruoji (Tchou Jo-tsi) ; nom monastique, Dao Ji (Tao Tsi). Peintre chinois (1641? - apr. 1717).


En révolte contre le poids de la tradition et le conformisme de son temps, Shi Tao (Che T’ao) est le plus inventif des « individualistes » du début de l’époque Qing (Ts’ing).

Né au Guangxi (Kouang-si), près de l’actuel Quanxian (K’iuan-hien), il appartenait à la lignée impériale des Ming. La chute de la dynastie, avec laquelle sa famille était étroitement liée, bouleversa sa vie. Il entra très jeune dans un monastère, moins par vocation que par convenance personnelle. La vie religieuse, d’ailleurs, n’entrava nullement sa liberté de mouvement. Il passa presque toute son existence à voyager, rendant visite à des amis ou escaladant les sommets célèbres de la Chine. Il fit plusieurs séjours à Hangzhou (Hang-tcheou), à Nankin et surtout à Yangzhou (Yang-tcheou), où il se fixa vers la fin de sa vie. Là, il se plaisait à collectionner les pierres étranges et à composer des jardins. Ce goût pour « construire » des paysages et les randonnées qui le mettaient directement en contact avec la nature stimulèrent son activité créatrice et développèrent ses dons de jeunesse pour la poésie, la calligraphie et la peinture.

Les souvenirs visuels et les croquis pris sur le vif sont à l’origine de nombreuses compositions de Shi Tao, mais, dans chaque cas, l’artiste sait dépasser l’apparence formelle des choses pour traduire avec économie le rythme intime d’un paysage. « Monts et fleuves, écrit-il, me chargent de parler d’eux ; ils sont nés en moi et moi en eux. » Shi Tao, qui avait beaucoup étudié les maîtres, retrouvait l’état de consonance absolue entre le peintre et la nature qu’avaient recherché avant lui les artistes de l’époque Song, tel Guo Xi (Kouo Hi*).