Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles-Albert (suite)

Ces succès furent les derniers de la campagne de 1848. Charles-Albert était encore plus inexpérimenté comme stratège que comme souverain, et il n’y avait parmi ses généraux aucun chef capable de le conseiller utilement, ni surtout d’imposer ses propres vues aux perpétuelles hésitations du roi. Il se contenta donc de mettre le siège devant Mantoue, place beaucoup plus forte que Peschiera et entourée de marais où les chaleurs de l’été développèrent des fièvres qui affaiblirent son armée. Au contraire, Radetzky, ayant reçu par deux fois des renforts, se retournait d’abord contre les milices formées par les Vénitiens sur leur territoire, enlevait Vicence aux Pontificaux (10-11 juin), puis la forteresse de Palmanova (25 juin) en direction de Trieste et toutes les cités du Cadore. Revenant ensuite contre Charles-Albert, dont la ligne de feu s’étendait démesurément, du nord de Vérone à la citadelle de Mantoue, il écrasa d’abord l’aile gauche des Piémontais au plateau de Rivoli (21-22 juillet), puis livra bataille au centre, à Custoza, entre le Mincio et l’Adige : il remporta une victoire décisive (23-25 juill.).

Le pape avait prononcé en consistoire, le 29 avril, une homélie inattendue de ses ministres, où il déclarait ne pouvoir désirer la guerre et unir dans une même dilection Italiens et Autrichiens. Ferdinand II n’avait jamais, quant à lui, adhéré sincèrement à l’entreprise commencée. Une manœuvre habile le mit en opposition avec le Parlement et lui offrit un prétexte pour ordonner, le 15 mai, au contingent napolitain, déjà arrivé à Ferrare, de ne pas aller plus loin. Seul le général Guglielmo Pepe (1783-1855), son chef, et quelques centaines d’hommes, désobéissant à l’ordre reçu, allèrent s’enfermer dans Venise pour participer à sa défense.

Après Custoza, Charles-Albert avait repris la route de Milan, dont la population l’insulta et où sa vie même fut en danger. Un dernier combat sous les murs de Milan, le 4 août, fut un nouvel échec, et, le lendemain, Charles-Albert dut signer la capitulation de la ville, puis ramener vers le Piémont les restes de son armée. Un armistice fut signé le 9 août.

Dès son retour à Turin, Charles-Albert avait songé à abdiquer. La majorité du Parlement subalpin appartenait alors aux démocrates, c’est-à-dire à une gauche plus violente qu’expérimentée, qui poussait à la reprise de la guerre. Le roi lui-même la désirait, surtout pour se laver des reproches, que sa conduite avait suscités durant la campagne de 1848. Il était, du reste, résolu à ne pas prendre lui-même le commandement des troupes. Des mois se passèrent en vaines recherches d’un nom prestigieux. Bugeaud, Magnan, Lamoricière furent pressentis, mais aucun ne put obtenir du gouvernement français l’autorisation d’accepter un poste aussi déplaisant à l’Autriche. On se rabattit sur un général polonais, Wojciech (Adalbert) Chrzanowski (1793-1861). Celui-ci ne connaissait ni la langue italienne, ni le territoire où il allait combattre, et on lui avait adjoint, dans un rôle subalterne, sous la pression de l’extrême gauche, ce même général Gerolamo Ramorino (1792-1849) qui avait commandé en 1834 la tentative mazzinienne d’invasion de la Savoie par la Suisse.

L’armistice fut dénoncé le 12 mars 1849 et la reprise des hostilités fixée au 20. Cette fois, la campagne ne dura pas même huit jours. Ramorino commit une première et lourde faute en n’envoyant que de faibles effectifs pour s’opposer au passage du Tessin près de Pavie par Radetzky, qui y avait rassemblé ses forces afin de livrer tout de suite une bataille décisive. Le gros des troupes, avec Chrzanowski et Charles-Albert, avait, de son côté, franchi le Tessin au pont de Buffalora et occupé Magenta sans rencontrer d’ennemis. En poursuivant sa route vers Milan, il aurait avancé au milieu de populations prêtes à le seconder, tout à l’inverse de Radetzky en territoire ennemi. Mais le général polonais, au lieu de poursuivre son plan, rebroussa chemin vers Novare, où, après deux combats plus au sud, l’un heureux à Vigevano, l’autre malheureux à Mortara, il concentra toute son armée devant Novare et y attendit le choc ennemi (23 mars). À la nuit tombante, le désastre était complet ; Charles-Albert, après avoir de nouveau vainement cherché la mort, fit demander à Radetzky un nouvel armistice, dont les clauses lui parurent inacceptables ; sur-le-champ, il décida d’abdiquer en faveur de son fils aîné Victor-Emmanuel. La nuit même, sans rentrer à Turin, et sous le nom d’emprunt de comte de Barge, il partit pour l’exil, à Porto, où il devait mourir le 28 juillet.

M. V.

➙ Italie / Piémont / Risorgimento / Savoie.

 N. Rodocoli, Carlo Alberto (Florence, 1936-1948 ; 3 vol.). / A. Omodeo, La Leggenda di Carlo Alberto nella recente storiografia (Vérone, 1957).

Charles Ier d’Anjou

Prince capétien (1226 - Foggia 1285), comte d’Anjou, du Maine, de Provence et de Forcalquier (1246-1285), roi de Sicile (1266-1285), dixième fils de Louis VIII et de Blanche de Castille.


Raimond-Béranger IV (V) de Provence ayant, le 20 juin 1238, déshérité sa fille Marguerite, femme de Louis IX, pour éviter l’annexion de la Provence à la Couronne, Blanche de Castille attend sa mort, en août 1245, pour contraindre la nouvelle héritière de la Provence. Béatrice, fille cadette du défunt, à épouser son fils Charles d’Anjou, à Aix le 31 janvier 1246, avec l’accord du pape Innocent IV. Mais la haine traditionnelle des Méridionaux à l’égard des Français du Nord se manifeste dès que le nouveau comte regagne la Cour pour être armé chevalier à Melun, le 3 juin 1246, et pour prendre possession de l’apanage d’Anjou. Ayant préparé sa participation à la septième croisade, il s’embarque le 7 août 1248 à Aigues-Mortes aux côtés de Saint Louis. Il s’illustre par son courage à Damiette en juin 1249, à Mansourah en février 1250, mais il est bientôt fait prisonnier. Libéré peu après, il se rend en Palestine, puis regagne la France, où il exerce la régence du royaume aux côtés d’Alphonse de Poitiers après la mort de Blanche de Castille le 27 novembre 1252. Il trouve la Provence en pleine révolte sous l’impulsion de Marseille, qui a constitué une ligue antiangevine, animée depuis 1249 par Barrai des Baux, et doit pacifier le comté. Avec une armée franco-provençale, il contraint Arles et Avignon à capituler les 30 avril et 8 mai 1251, et il nomme dans chacune d’elles un viguier pour les administrer. Ayant obligé par ailleurs Barrai des Baux à faire la paix le 30 octobre 1251 et à lui prêter hommage, il impose à Marseille, par la paix d’Aix du 6 juillet 1252, la présence dans ses murs d’un juge et d’un baile comtal ; enfin, par les chapitres de paix de juin 1257, il la fait renoncer à sa commune. Brisant dès lors les dernières tentatives de révolte de la cité phocéenne en 1261 et en 1263, il se préoccupe de consolider les frontières de son comté, mais il ne peut empêcher le détachement définitif du Comtat au profit du pape en 1274. Renouvelant par ailleurs le personnel administratif de la Provence en faisant appel surtout à des Français sous la haute autorité d’un sénéchal résidant à Aix, il s’assure d’importantes ressources en imposant aux propriétaires des salins de Berre un lucratif monopole du sel.