Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chapelle musicale (suite)

Ainsi dans les pays germaniques, où les conditions difficiles dues à la guerre de Trente Ans n’empêchent pas certaines chapelles, comme celle de Dresde sous la direction de Heinrich Schütz, de briller et de continuer, tout en s’alimentant aux sources vénitiennes, la belle tradition des chapelles bavaroises. Cependant, l’institution prend, dès la fin du xvie s., un aspect particulier. En effet, la chapelle (Kapelle) tend à devenir un ensemble vocal et instrumental destiné à rehausser toutes les manifestations de la vie de cour, d’ordre religieux ou profane, d’où les sens très divers du mot Kapelle, qui peut désigner soit des chanteurs et un organiste, soit des chanteurs et un groupe d’instruments, avant tout des trompettes, soit, au xviie s., un orchestre. Le titre de Kapellmeister peut désigner le directeur de la musique ou le chef d’orchestre.

Évoquons deux chapelles royales qui, face au morcellement musical italien et allemand, semblent avoir eu pour mission de résumer un moment de la vie musicale de leur pays. La Chapel Royal anglaise, après la remarquable période élisabéthaine et son prolongement sous Jacques Ier, disparaît en 1649 et réapparaît au moment du rétablissement de la monarchie. Réorganisée par Henry Cooke (v. 1616-1672), elle reprend vie en quelques années et voit sortir de ses rangs une nouvelle génération de compositeurs, dont John Blow (1649-1708) et Henry Purcell, qui jettent un dernier éclat avant l’invasion des Italiens. Cette Chapel Royal subsiste encore actuellement : les gentilshommes et les enfants de la chapelle chantent deux fois l’office chaque dimanche à Saint Jame’s Palace.

En France, la Chapelle de musique des rois, instrument de l’absolutisme, est génératrice à son apogée d’une littérature musicale propre dont l’élément essentiel est le grand motet concertant versaillais. Dès la fin du xvie s., le corps de la musique de la Chapelle est distinct de ceux de l’Écurie et de la Chambre. Il participe au complet ou avec un effectif réduit aux offices qui marquent la journée du Roi Très Chrétien. La Chapelle suit le roi dans ses déplacements, à Paris, ou, à la fin du xviie s., dans ses résidences de Saint-Germain-en-Laye, Marly, Fontainebleau, Versailles. À Versailles, il faut attendre 1710 et l’inauguration de la chapelle de Hardouin-Mansart pour que la Chapelle-Musique trouve un cadre fixe à ses activités. Le maître de la Chapelle est un haut dignitaire ecclésiastique ; la direction musicale est dévolue aux sous-maîtres de la Chapelle, deux sous Louis XIII, quatre après 1683, tour à tour en fonction. Ils ont à leur charge les enfants de chœur de la Chapelle (6 à 10), qui tiennent dans le chœur la partie de dessus. L’effectif évolue beaucoup au cours du xviie s. En 1595, la Chapelle compte cinquante et une personnes, dont vingt-huit musiciens (vingt-six chanteurs et deux joueurs de cornet), partagés en deux groupes servant chacun un semestre. En cas de cérémonie solennelle, on y adjoint des instrumentistes de la Chambre et de l’Écurie. Vers 1683 se situe la révolution dont on attribue la responsabilité à Lully : l’introduction à la Chapelle de violons et de voix de femmes. En 1693, l’ensemble se compose d’environ quatre-vingt-dix exécutants, dont un orchestre de quinze instrumentistes. Après l’apogée de l’institution, sous la direction de Delalande, dans les dernières années du règne de Louis XIV, la Chapelle commence une longue décadence due aux difficultés financières, à la désaffection du roi pour sa musique, aux querelles de personnes entre sous-maîtres de la Chapelle et surintendants de la Chambre, au déplacement de l’intérêt vers Paris et le Concert spirituel. Cela trouve une conclusion dans l’ordonnance royale de 1761, qui fait fusionner la Chapelle et la Chambre en un seul corps de musique. La Chapelle de musique, supprimée à la chute de la royauté, renaît sous Napoléon Ier et poursuit ses activités jusqu’en 1830. Elle comprend alors un orchestre symphonique et accueille, à partir de 1815, des chanteurs de l’Opéra.

Les aspects religieux et politiques de ces institutions ont conditionné leur maintien ou leur disparition, alors même que l’intérêt du public se tournait vers les scènes d’opéra et les salles de concert.

C. M.

➙ Chœur.

 G. Du Peyrat, Histoire ecclésiastique de la cour ou les Antiquitez et recherches de la chapelle et oratoire du roy de France, depuis Clovis Ier jusques à notre temps (H. Sara, 1645). / L. Archon, Histoire de la chapelle des rois de France (Le Clerc, 1704-1711 ; 2 vol.). / E. Oroux, Histoire ecclésiastique de la cour de France, où l’on trouve tout ce qui concerne l’histoire de la Chapelle et des principaux offices ecclésiastiques de nos rois (Impr. royale, 1776 ; 2 vol.). / F. H. Castil-Blaze, Chapelle-Musique des rois de France (Paulin, 1832). / E. Thoinan, les Origines de la Chapelle-Musique des souverains de France (Claudin, 1864). / F. Charrier, l’Ancien Chapitre de Notre-Dame et sa maîtrise (Perrin, 1897). / C. Pierre, Notes inédites sur la musique de la Chapelle royale : 1532-1790 (Schola cantorum, 1899). / M. Brenet, les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais (Picard, 1910). / M.-T. Bouquet, Musique et musiciens à Turin de 1648 à 1750 (Picard, 1969).

Chaplin (sir Charles Spencer)

Acteur et cinéaste britannique (Londres 1889 - Corsier-sur-Vevey 1977).


Lorsque Charles Spencer Chaplin quitte sa Grande-Bretagne natale, où il a connu une enfance plutôt misérable — son père est mort à trente-sept ans, emporté par l’alcoolisme, sa mère a sombré peu à peu dans la folie —, il fait partie de ces cohortes d’émigrants venus tenter leur chance aux États-Unis. La déception attend un bon nombre de ceux qui ont poussé le cri d’espoir America ! America ! Mais d’autres connaissent des réussites spectaculaires. Le modeste acteur de la troupe de Fred Karno est de ceux-là. En trois ans, de 1914 à 1917, sa célébrité s’est étendue bien au-delà des frontières américaines, ce qui n’est pas une modeste victoire, le comique étant l’un des genres qui s’expatrient le plus difficilement. Cette soudaine renommée, Chaplin la doit à son double, ce personnage de « Charlot », qui, en une soixantaine de petits films burlesques, va s’imposer comme le plus populaire des « types » comiques de l’écran. Pendant les deux années passées à la Keystone et à la Mutual, Chaplin crée le « mythe Charlot », amalgame parfait du Juif errant et de don Quichotte, selon l’excellente formule du critique Marcel Martin. Quand il débute au cinéma, il a déjà derrière lui une longue expérience, celle d’un petit acteur de music-hall habitué à la pantomime, mais il n’a pas encore trouvé cette célèbre silhouette reconnaissable du premier coup d’œil par les spectateurs du monde entier. Quand Mack Sennett l’engage pour son premier film, il se fourvoie en adoptant le costume d’un lord anglais portant redingote, huit-reflets, guêtres et monocle. Très vite cependant, il parvient à faire accepter son nouveau personnage, celui d’un « tramp » (vagabond), frère spirituel de tous ces émigrants qui instinctivement se reconnaîtront en lui et partageront les aventures d’un pantin qui joue avec une égale conviction les Guignols et les Pierrots. La légende rapporte qu’il constitua sa silhouette à partir d’éléments divers empruntés à la troupe de la Keystone : le pantalon appartenait au gros Fatty, les souliers taille 45 à Ford Sterling, le veston étriqué à Billy Gilbert et le melon trop petit au père de Minta Durfee. La moustache et la canne de bambou flexible complétèrent cet accoutrement, auquel Chariot devait rester longtemps fidèle. « Ce costume m’aide à exprimer ma conception de l’homme de la rue, de presque n’importe quel homme, de moi-même. Le melon est un effort pour paraître digne. La moustache est vanité, le veston boutonné, la canne et toutes ces manières tendent à donner une impression de galanterie, de brio, d’effronterie. [Charlot] essaie de faire bravement face au monde, de bluffer et il le sait, il le sait tellement bien qu’il peut se moquer de lui-même et s’apitoyer un peu sur son sort. »

À l’époque de ses débuts, Charlot « le paria misérable » ne peut manquer de susciter la sympathie des simples gens qui reconnaissent en lui l’image de ce que la société leur a fait. Pas étonnant alors qu’il soit devenu l’idole des masses » (Hannah Arendt).