chapelle musicale (suite)
Ainsi dans les pays germaniques, où les conditions difficiles dues à la guerre de Trente Ans n’empêchent pas certaines chapelles, comme celle de Dresde sous la direction de Heinrich Schütz, de briller et de continuer, tout en s’alimentant aux sources vénitiennes, la belle tradition des chapelles bavaroises. Cependant, l’institution prend, dès la fin du xvie s., un aspect particulier. En effet, la chapelle (Kapelle) tend à devenir un ensemble vocal et instrumental destiné à rehausser toutes les manifestations de la vie de cour, d’ordre religieux ou profane, d’où les sens très divers du mot Kapelle, qui peut désigner soit des chanteurs et un organiste, soit des chanteurs et un groupe d’instruments, avant tout des trompettes, soit, au xviie s., un orchestre. Le titre de Kapellmeister peut désigner le directeur de la musique ou le chef d’orchestre.
Évoquons deux chapelles royales qui, face au morcellement musical italien et allemand, semblent avoir eu pour mission de résumer un moment de la vie musicale de leur pays. La Chapel Royal anglaise, après la remarquable période élisabéthaine et son prolongement sous Jacques Ier, disparaît en 1649 et réapparaît au moment du rétablissement de la monarchie. Réorganisée par Henry Cooke (v. 1616-1672), elle reprend vie en quelques années et voit sortir de ses rangs une nouvelle génération de compositeurs, dont John Blow (1649-1708) et Henry Purcell, qui jettent un dernier éclat avant l’invasion des Italiens. Cette Chapel Royal subsiste encore actuellement : les gentilshommes et les enfants de la chapelle chantent deux fois l’office chaque dimanche à Saint Jame’s Palace.
En France, la Chapelle de musique des rois, instrument de l’absolutisme, est génératrice à son apogée d’une littérature musicale propre dont l’élément essentiel est le grand motet concertant versaillais. Dès la fin du xvie s., le corps de la musique de la Chapelle est distinct de ceux de l’Écurie et de la Chambre. Il participe au complet ou avec un effectif réduit aux offices qui marquent la journée du Roi Très Chrétien. La Chapelle suit le roi dans ses déplacements, à Paris, ou, à la fin du xviie s., dans ses résidences de Saint-Germain-en-Laye, Marly, Fontainebleau, Versailles. À Versailles, il faut attendre 1710 et l’inauguration de la chapelle de Hardouin-Mansart pour que la Chapelle-Musique trouve un cadre fixe à ses activités. Le maître de la Chapelle est un haut dignitaire ecclésiastique ; la direction musicale est dévolue aux sous-maîtres de la Chapelle, deux sous Louis XIII, quatre après 1683, tour à tour en fonction. Ils ont à leur charge les enfants de chœur de la Chapelle (6 à 10), qui tiennent dans le chœur la partie de dessus. L’effectif évolue beaucoup au cours du xviie s. En 1595, la Chapelle compte cinquante et une personnes, dont vingt-huit musiciens (vingt-six chanteurs et deux joueurs de cornet), partagés en deux groupes servant chacun un semestre. En cas de cérémonie solennelle, on y adjoint des instrumentistes de la Chambre et de l’Écurie. Vers 1683 se situe la révolution dont on attribue la responsabilité à Lully : l’introduction à la Chapelle de violons et de voix de femmes. En 1693, l’ensemble se compose d’environ quatre-vingt-dix exécutants, dont un orchestre de quinze instrumentistes. Après l’apogée de l’institution, sous la direction de Delalande, dans les dernières années du règne de Louis XIV, la Chapelle commence une longue décadence due aux difficultés financières, à la désaffection du roi pour sa musique, aux querelles de personnes entre sous-maîtres de la Chapelle et surintendants de la Chambre, au déplacement de l’intérêt vers Paris et le Concert spirituel. Cela trouve une conclusion dans l’ordonnance royale de 1761, qui fait fusionner la Chapelle et la Chambre en un seul corps de musique. La Chapelle de musique, supprimée à la chute de la royauté, renaît sous Napoléon Ier et poursuit ses activités jusqu’en 1830. Elle comprend alors un orchestre symphonique et accueille, à partir de 1815, des chanteurs de l’Opéra.
Les aspects religieux et politiques de ces institutions ont conditionné leur maintien ou leur disparition, alors même que l’intérêt du public se tournait vers les scènes d’opéra et les salles de concert.
C. M.
➙ Chœur.
G. Du Peyrat, Histoire ecclésiastique de la cour ou les Antiquitez et recherches de la chapelle et oratoire du roy de France, depuis Clovis Ier jusques à notre temps (H. Sara, 1645). / L. Archon, Histoire de la chapelle des rois de France (Le Clerc, 1704-1711 ; 2 vol.). / E. Oroux, Histoire ecclésiastique de la cour de France, où l’on trouve tout ce qui concerne l’histoire de la Chapelle et des principaux offices ecclésiastiques de nos rois (Impr. royale, 1776 ; 2 vol.). / F. H. Castil-Blaze, Chapelle-Musique des rois de France (Paulin, 1832). / E. Thoinan, les Origines de la Chapelle-Musique des souverains de France (Claudin, 1864). / F. Charrier, l’Ancien Chapitre de Notre-Dame et sa maîtrise (Perrin, 1897). / C. Pierre, Notes inédites sur la musique de la Chapelle royale : 1532-1790 (Schola cantorum, 1899). / M. Brenet, les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais (Picard, 1910). / M.-T. Bouquet, Musique et musiciens à Turin de 1648 à 1750 (Picard, 1969).