Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chapelle musicale (suite)

À l’imitation des papes, les rois entretenaient eux aussi une chapelle. Les renseignements sont peu nombreux sur les plus anciennes et ne nous permettent guère de savoir ce qu’étaient les chapelles de Charlemagne, qui avait fait venir des chantres de Rome pour enseigner aux siens les raffinements du chant romain, ou de Robert le Pieux, qui pourtant composait des hymnes. Nous savons qu’au xiiie s. Julien de Spire, dit Teutonicus, fut, sous Philippe-Auguste, préchantre de la chapelle royale ; que sous Charles V l’effectif se montait à 5 chapelains et 8 choristes ; que sous Charles VII c’est Ockeghem qui assura la direction d’une quinzaine de chanteurs ; et que, sous Louis XII, Josquin Des Prés en fut le premier chantre.

Quelles que soient les chapelles, entre le xive et le xvie s., le nombre normal des chantres est à peu près de 18, ainsi répartis : 6 enfants de chœur, comme discanti (on dit aujourd’hui soprani), et 12 hommes (4 contraltos, 4 ténors, 4 basses). Mais au fur et à mesure que l’autorité et le prestige des rois s’affirmaient, les besoins en musiciens pouvaient grandir. C’est ainsi que la cour de François Ier comporte une cinquantaine de musiciens formant la grande chapelle où se trouvent réunies pour certaines solennités la chapelle de musique et la chapelle de plain-chant. La situation était la même à la cour de Marguerite d’Autriche entre 1512 et 1520 (la grande chapelle comptait 27 ou 29 membres, et la petite de 7 à 9) et à la cour de Charles Quint (8 enfants et 24 chantres constituaient la grande chapelle).

Tous les princes d’une quelconque importance, a fortiori les rois, avaient à honneur d’entretenir une telle institution, où, du reste, se concentrait le plus souvent la vie musicale. Pourvus de gages intéressants, les musiciens avaient trouvé là une situation sociale assez sûre et surtout des occasions de composer des œuvres nouvelles. Au xve s., la chapelle des ducs de Bourgogne brilla d’un vif éclat et put s’enorgueillir d’avoir attiré des compositeurs de premier plan comme Dufay et Binchois. C’est la chapelle impériale qui, au xvie s., prit le relais de la cour de Bourgogne. En 1568, on y trouvait 29 chantres adultes sous la direction de Philippus de Monte (1521-1603). Les rois d’Espagne, eux, se firent fort, dès le début du xve s., d’entretenir une chapelle parfois plus brillante même que la chapelle pontificale (26 membres en 1404). Les effectifs augmentèrent jusqu’à 41 avant de baisser sous le règne de Charles Quint. Quant à la Chapel Royal d’Angleterre, fort ancienne puisqu’on en mentionne l’existence avant le xiiie s., elle comprenait à la fin du xve s., sous le règne d’Édouard IV, 24 chapelains et clercs et 10 enfants. Le nombre s’éleva sous Henri VIII jusqu’à 79 et sous Édouard VI à 114. Son apogée fut la période élisabéthaine ; la plupart des grands compositeurs de cette époque figurent sur les listes de la chapelle (William Byrd, Thomas Morley, Orlando Gibbons, etc.).

Faut-il croire, comme on le dit souvent, que les autorités n’admettaient pas d’instruments autres que l’orgue ? Si en théorie cette affirmation est partiellement vérifiée, il en va tout autrement dans la pratique. Des preuves existent que, dès le xiiie s., on les introduisait à l’église, et qu’il fallait sans cesse réitérer les interdictions. D’autre part, l’iconographie est parfaitement explicite. Enfin, quelques renseignements d’archives, permettent même de préciser la nature et le nombre des instruments : en 1569, la chapelle d’Albert V de Bavière, dit le Magnanime, en plus de 35 chantres, enfants et adultes, employait 9 violes, 7 cornets et trombones ainsi que 2 orgues.

B. G.


Les chapelles musicales de 1600 à nos jours

Les chapelles musicales conservent au xviie s. un grand rayonnement avant que l’opéra ne devienne le centre des passions. Mais, en fonction des directions nouvelles que prend l’expression musicale, cristallisées dans l’œuvre de Monteverdi, le mot chapelle acquiert des significations différentes. La plupart des compositeurs de cette période doivent à cette institution leur formation et les charges qu’ils occupent. Sous la direction d’un maître de musique, ou « maître des enfants de chœur », et d’un maître de grammaire, les enfants de chœur, à charge pour eux de tenir la partie de soprano pendant les offices, reçoivent un enseignement musical et général. Une telle institution reste vivante en France au xviie et au xviiie s. dans les maîtrises des cathédrales de province ainsi qu’à Paris, à la Sainte-Chapelle du Palais et à la maîtrise de Notre-Dame, où elle subsiste encore de nos jours. Les exigences croissantes de la technique instrumentale et de la technique vocale impliquent cependant, à la fin du xviie s., une autre forme d’enseignement, donné en Italie par les « conservatoires » de Naples et de Venise.

L’organisation interne des chapelles musicales ne présente pas d’unité ; elle varie selon la confession qu’elles servent, selon la fortune politique du prince dont elles dépendent, selon qu’elles sont attachées à une institution séculière ou ecclésiastique.

En Italie, l’intérêt se déplace des chapelles de cours princières, en déclin, vers les chapelles musicales des centres urbains. Dans la Rome du xviie s., la Cappella Giulia à Saint-Pierre, la Cappella Pia à Saint-Jean-de-Latran et la Cappella Liberiana à Sainte-Marie-Majeure, ainsi que les chapelles des autres églises, prennent une part importante à la vie musicale de la ville. Elles sont plus ouvertes aux innovations que la chapelle Sixtine. Celle-ci, réformée en 1586, compte de trente à trente-cinq « cantori cappellani », dont l’engagement est soumis à des règles sévères. La partie de soprano est tenue par des castrats. Les cachets très élevés qu’offriront à ces chanteurs les directeurs d’opéra à la fin du xviie s. en rendront le recrutement difficile. Les chantres élisent chaque année l’un des leurs comme « maestro di cappella ». Beaucoup se distinguent comme les compositeurs d’une école postpalestrinienne qui, vers le milieu du xviie s., s’oriente vers le grandiose de vastes compositions chorales destinées aux cérémonies solennelles du culte. L’ensemble de ces œuvres écrites dans le « stile antico » formera la base du répertoire de la chapelle Sixtine, que redécouvrira le xixe s. Dans les autres grandes chapelles de la péninsule, celle de Saint-Marc à Venise, celle de San Petronio à Bologne, le « stile moderno », d’esprit concertant, s’impose, mais coexiste avec le « stile antico ».

L’influence de ces chapelles à l’étranger est considérable. Elles essaiment par divers moyens : soit par exportation directe de leurs éléments, et l’on assiste dans ce cas à la création de chapelles italiennes à Dresde, à Cracovie, à Saint-Pétersbourg en 1731, soit par la diffusion de leur musique.