Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chant (suite)

Les principes de l’art du chant s’appliquent de la même manière au chant choral, ou chant en chœur. Cependant, le chanteur est soumis à une discipline différente, car il ne s’agit plus pour lui de s’exprimer individuellement, mais de s’intégrer dans un ensemble. Chaque participant doit donc tenir avec autant d’efficacité que de modestie le rôle qui lui est assigné, afin de mieux contribuer à la formation d’un groupe équilibré et parfaitement homogène.

On qualifie aussi de chant le ramage des oiseaux, le cri ou le gloussement de certains animaux. Des musiciens sans grand souci d’exactitude ont parfois transposé instrumentalement ou vocalement les impressions musicales que leur offrait la faune ornithologique en les prenant soit pour base d’inspiration (Janequin, le Chant des oiseaux), soit pour thème (J.-Ph. Rameau, la Poule), soit pour illustrer un bref épisode (Beethoven, Symphonie pastorale) sans compromettre la forme générale de leurs œuvres. Seul O. Messiaen, en faisant appel à des spécialistes pour guider ses recherches, s’est ingénié à dresser un catalogue de chants d’oiseaux dont il s’est inspiré dans une partie de son œuvre (le Réveil des oiseaux, 1953 ; les Oiseaux exotiques, 1956).

Le mot chant sert aussi à désigner dans une composition la partie mélodique principale, presque toujours la plus élevée. Il est alors synonyme de mélodie. D’ailleurs, dans l’enseignement de l’harmonie, on entend par chant donné une mélodie sur laquelle l’élève doit s’exercer à écrire une basse. On donne aussi souvent le titre de chant à une œuvre vocale ou instrumentale (Ch. Gounod, Soixante Chants sacrés ; F. Schmitt, Chant élégiaque pour violoncelle et piano ; Honegger, Chant de Nigamon pour orchestre ; O. Messiaen, Chants de la Terre et du Ciel pour voix et piano).

Dans la liturgie catholique, le chant farci — dont on attribue l’origine aux moines de Saint-Gall — est une pièce de plain-chant dans laquelle on intercalait de nouvelles phrases mélodiques sur de nouvelles paroles, appelées tropes. Ce sont surtout les Épîtres qui reçurent ces additions. L’Épître farcie de saint Étienne (xiiie s.) comportait des tropes en langue vulgaire, destinés à mettre le texte sacré à la portée de l’assistance. Le chant farci, interdit par l’Église en 1686, n’en est pas moins à l’origine de la poésie lyrique française et du théâtre chrétien. Il a survécu longtemps dans des chants religieux populaires (ryriolés ou criaulés). On désigna plus tard sous le nom de chant figuré le chant mesuré, qui utilisait différentes figures de notes, par opposition au chant liturgique, qui se chantait en notes égales représentées par un petit nombre de signes. Au xvie s., le chant sur le livre consistait en un contrepoint improvisé par des chanteurs et qui servait d’accompagnement à un chant liturgique exécuté à l’unisson. Il exigeait une bonne culture musicale et il fut abandonné au xviiie s.

Le chant national est un hymne qui sert d’emblème musical à chaque nation et que l’on exécute dans les cérémonies de la vie publique. Son origine remonte à la Révolution. Chaque peuple prit alors conscience de sa nationalité et de la nécessité de symboliser musicalement son idéal patriotique. Les chants nationaux, si l’on excepte l’hymne autrichien, composé par Haydn, furent souvent improvisés dans des circonstances dramatiques et n’ont pas pour auteurs des musiciens célèbres. La Marseillaise (Strasbourg, 1793), composée par Rouget de Lisle, est l’œuvre d’un amateur ; la Brabançonne (1830) est due au Belge Van Campenhout, l’hymne américain à Francis Scott Key, l’hymne de l’U. R. S. S. à Aleksandrov (1942). L’hymne anglais, God save the King (ou the Queen), date peut-être de la fin du xviie s. Sa mélodie est aussi celle de l’hymne suisse : Rufst du, mein Vaterland. La République fédérale d’Allemagne a repris le Deutschland über alles, dont la mélodie est celle de l’hymne autrichien de Haydn.

A. V.

➙ Bel canto / Chanteurs et chanteuses / Monodie / Opéra / Récif / Récitatif / Voix humaine.

 P. F. Tosi, Opinioni de cantori antichi e moderni (Bologne, 1723 ; trad. fr. l’Art du chant, opinion sur les chanteurs anciens et modernes, J. Rothschild, 1874). / M. Garcia, Traité complet de l’art du chant (Paris, chez l’auteur, 1847). / V. A. Fields, Training the Singing Voice (New York, 1947). / M. Beaufils, Musique du son, musique du verbe (P. U. F., 1954). / R. Husson, le Chant (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962). / R. Mancini, l’Art du chant (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969).

chanteurs et chanteuses

Ceux ou celles qui chantent, amateurs ou professionnels.


Introduction

Dans l’Antiquité il y avait, à côté du chœur, des chanteurs solistes qui se signalaient à l’attention des auditeurs. Il en fut ainsi en Grèce — où les traditions de l’aède remontaient au lointain mythe populaire d’Orphée — et en Orient, où se développa très tôt un genre personnel : la poésie chantée. Durant les premiers siècles de l’ère chrétienne, le chant resta surtout un art collectif au service de la foi. Mais au Moyen Âge, alors que s’édifiait dans le même esprit le motet sacré ou profane, les troubadours, les trouvères et les Minnesänger remirent en honneur la voix soliste, celle du poète musicien ou du ménestrel. Le motet était aussi exécuté parfois par une seule voix accompagnée par des instruments, mais l’écriture polyphonique ne trouvant son équilibre que dans le respect de la tessiture moyenne des voix, le chanteur isolé ne pouvait montrer son talent qu’en agrémentant la mélodie d’ornements et de fioritures. Ce n’est guère qu’au xvie s. que, sous l’influence de l’humanisme néo-platonicien, naquit un nouveau chant « orphique » : la monodie accompagnée. L’artiste, délivré des entraves du chant collectif, prit conscience de son indépendance et chercha à tirer un meilleur parti de ses ressources vocales. Au début du xviie s., sa collaboration à l’opéra naissant favorisa son essor. Il devint un professionnel auquel les compositeurs s’intéressèrent d’autant plus que son chant, bien exécuté et agrémenté de prouesses vocales, mettait en valeur leurs propres œuvres. Cette émancipation de la voix ne répondait pas seulement à une mode nouvelle, mais aussi à un réveil de la sensibilité individuelle, et partant exigeait une liberté totale de l’expression. Elle impliquait de nouveaux moyens techniques, notamment l’extension du registre de la voix vers le grave et vers l’aigu.