Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chang-hai (suite)

Shanghai constitue une municipalité directement subordonnée au gouvernement central et est l’une des plus grandes villes du monde (la quatrième, sans doute), sa population dépassant 7 millions d’habitants dès 1957. C’est aussi une des plus récentes villes chinoises : village au xiiie s., petite cité fortifiée édifiée au milieu du xvie contre les attaques des pirates japonais, Shanghai n’est qu’un simple chef-lieu de district avant 1842, année de l’ouverture au commerce européen et de l’installation des étrangers à la suite du traité de Nankin. La ville, dès lors, se développe rapidement autour de la cité chinoise, dans la « Concession internationale » et dans la « Concession française », ainsi que dans les faubourgs. La révolte des Taiping (T’ai-p’ing), en particulier, fait affluer la population des campagnes. Dès 1863, le commerce de Shanghai égale en importance celui de Canton. En 1871, il le dépasse. En 1937, Shanghai devient le huitième port mondial et le premier centre bancaire et industriel chinois. L’industrie cotonnière surtout (plus de 3 millions de broches et 27 000 métiers) se développe, grâce notamment au capital étranger et aussi à une active bourgeoisie d’affaires chinoise. Cependant, cette activité économique considérable ne suffit pas à faire vivre l’énorme population (4 500 000 hab.) et la misère est alors souvent très grande.

Shanghai a valorisé une situation exceptionnelle. Le port est au débouché de la plus belle voie d’eau du monde, le Yangzi, qui, avec ses affluents, draine une superficie de près de 2 millions de kilomètres carrés (trois fois et demie la France) parmi les régions les plus densément peuplées et les plus riches du pays. La navigation maritime peut remonter jusqu’à Wuhan (Wou-han), à 2 850 km de l’embouchure, et des navires spécialement aménagés de 5 000 t peuvent atteindre Yibin (Yi-pin), au confluent du Minjiang (Min-kiang), dans le Bassin Rouge, au Sichuan (Sseu-tch’ouan). De plus, le delta du Yangzi se situe à peu près au centre de la façade maritime chinoise, pas très éloigné du Japon. Enfin, depuis 1908, Shanghai est relié par le rail à Pékin et à Nankin, et, plus récemment, à Xiangtan (Siang-t’an), sur la voie ferrée de Canton à Wuhan.

La ville est établie non sur le Yangzi, mais sur la rive gauche du Huangpu (Houang-p’ou), qui se jette dans l’estuaire du Yangzi, à près de 20 km de là. Émissaire du lac Taihu (T’ai-hou), le Huangpu est remonté par une marée dont le marnage dépasse 3 m. Il a une largeur de l’ordre de 700 m et des fonds stables. Le site portuaire est donc tout à fait classique : près du Yangzi, mais suffisamment en dehors pour éviter l’alluvionnement. Toutefois, les alluvions du Yangzi ont construit au confluent du Huangpu un seuil qui gêne la navigation, cependant qu’elles se déposent dans le bras sud du fleuve (au sud de l’île de Chongming [Tch’ong-ming]), le plus profond et par lequel s’engagent les navires. On ne peut ainsi éviter le recours à des dragages permanents.

Le port n’a pas retrouvé son trafic d’avant 1937. Il a cessé d’être un des grands ports internationaux, le commerce extérieur de la République populaire de Chine étant assez réduit. Par ailleurs, la ville, très occidentalisée, avait été longtemps suspecte aux autorités gouvernementales, et il semble que celles-ci aient songé, vers 1950, à réduire son rôle. Cependant, Shanghai est encore la plus grande ville industrielle de la Chine. Les industries lourdes sont récentes : aciérie de plus d’un million de tonnes de capacité (numéro 1 Iron and Steel Plant) ; engrais chimiques (usine de Wujing [Wou-king], qui produit du sulfate d’ammonium) ; centrale thermique Yangshupu (Yang-chou-p’ou) ; chantiers navals. Mais les industries de transformation sont plus importantes encore : industrie textile (soie, laine, jute et surtout coton), constructions mécaniques (machines textiles, machines-outils, la plus grande usine au monde de montage de bicyclettes), matériel électrique, industries du caoutchouc, industries alimentaires. Shanghai possède encore le Centre de recherches des industries artisanales, qui tente d’unifier et de rationaliser la production artisanale chinoise, qui fournit encore une très grande partie des objets de consommation courante.

Shanghai présente un paysage urbain très occidental, si l’on excepte la ville chinoise ancienne, aux rues étroites. Le Huangpu est bordé d’un ample boulevard, appelé autrefois le Bund, aujourd’hui Zhongshan lu (Tchong-chan lou), avec d’imposants édifices qui abritent de grands hôtels, le Foyer des marins, le Comité populaire. Derrière cette façade monumentale, entre la vieille ville (au sud) et un affluent modeste du Huangpu, la Wusong (Wou-song) ou rivière de Suzhou (Sou-tcheou), de part et d’autre de Nanjing lu (Nan-king-lou [la rue de Nankin]), très animée, se trouve le centre de la ville, aux larges avenues, aux vastes places (place du Peuple), d’aspect moderne mais froid. Usines et quartiers ouvriers, ces derniers constitués de grands immeubles modernes, se localisent au sud-ouest (Minhang, au-delà du terrain d’aviation de Longhua [Long-houa]), à l’ouest (cité Zaoyang [Tsao-yang]) et surtout au nord (cité Gongjiang [Kong-kiang], cité Changpai [Tch’ang-p’ai], quartier industriel de Wusong), où se trouve aussi l’université Fudan (Fou-tan). La municipalité de Shanghai a annexé dix cantons ruraux, où se sont développés la production maraîchère, l’élevage des vaches laitières, des porcs et des canards, et cela dans le cadre de la politique d’union des villes et des campagnes.

Un effort de construction considérable a été fait. Entre 1950 et 1956, la ville a doublé sa surface habitable. Depuis 1949, 150 000 logements ont été construits, et 70 quartiers « rénovés », tel le quartier de Geyan (Koyen), qui abrite 13 000 familles et dispose de 8 écoles et de 8 crèches. Une des réalisations les plus remarquables est la cité satellite de Minhang (Min-hang), construite depuis 1958 à 30 km au sud-ouest de la ville, où vivent 60 000 habitants, en grande partie des familles d’ouvriers employés dans l’industrie des roulements à billes ; cette cité a ses magasins, 7 écoles primaires, 3 établissements secondaires, 5 collèges techniques, un hôpital de 300 lits, un théâtre, un stade, un parc des loisirs ; un service d’autobus vers Shanghai fonctionne à raison d’un véhicule toutes les quinze minutes. Cependant, le problème du logement, comme dans toutes les villes chinoises, reste préoccupant : les 60 000 habitants de Minhang ne disposent que de 5 000 logements, soit 400 000 m2, et la plupart de ces logements sont des dortoirs. Ce problème est aggravé à l’échelle de la ville entière par une immigration continue, en dépit des efforts gouvernementaux.

J. D.