Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chamberlain (suite)

1903 : c’est le moment où, parvenu au faîte de sa carrière, de son prestige et de son pouvoir, Chamberlain se lance dans une nouvelle entreprise qui brise l’unité du parti unioniste, le rejette lui-même dans l’isolement politique et ramène triomphalement au pouvoir les libéraux. Peu à peu, en effet, il s’est ancré dans une conviction dont il ne démordra plus : l’avenir de l’Empire réside dans une réforme du système douanier et dans l’établissement d’un régime de préférence impériale, qui resserrera les liens politiques et économiques entre la métropole, les dominions et les colonies, tout en procurant les ressources nécessaires à une politique hardie de réformes sociales en faveur des ouvriers. C’est chez lui la vieille alliance du patriotisme et du radicalisme, le rêve de la synthèse entre l’impérialisme et la démocratie.

Cet abandon du libre-échange et ce retour au protectionnisme sont annoncés en mai 1903 par un discours à Birmingham qui fait l’effet d’une bombe. Bientôt, Chamberlain doit démissionner du gouvernement Balfour, pour défendre seul, en toute indépendance et avec passion, son idée de la préférence impériale. Pendant deux ans, il bataille sans convaincre du bien-fondé de sa thèse ni les leaders unionistes, ni moins encore l’opinion populaire, épouvantée par le spectre du « pain cher ». Le résultat, c’est la démission à la fin de 1905 du gouvernement Balfour et la débâcle des unionistes, divisés et affaiblis par l’initiative de Chamberlain, aux élections législatives de janvier 1906. Chamberlain ne devait guère survivre politiquement à la catastrophe dans laquelle pour la seconde fois, à vingt ans d’intervalle, il avait entraîné son parti.


Austen Chamberlain
(Birmingham 1863 - Londres 1937)

Fils de Joseph Chamberlain et de sa première femme Harriet, Austen Chamberlain reçoit, à la différence de son père et de son demi-frère Neville, une éducation soignée qui le destine directement à une carrière politique. Après avoir passé par l’université de Cambridge, il est envoyé en France poursuivre une année d’études à l’École des sciences politiques ; il conçoit alors pour la France un vif attachement, qu’il gardera toute sa vie. Il séjourne ensuite en Allemagne. Élu en 1892 au Parlement, il se fait remarquer par un esprit clair et méthodique et par une parole élégante. Favorisé par le nom qu’il porte, il participe aux gouvernements Salisbury (1895-1902) et Balfour (1902-1905). En 1903, il devient chancelier de l’Échiquier ; il essaie alors de défendre à l’intérieur du cabinet les positions protectionnistes soutenues par son père au-dehors. Dans l’opposition à partir de 1906, il revient au pouvoir comme ministre des Indes dans le cabinet de coalition formé par Asquith (1915-16). Après l’armistice, on le retrouve à l’Échiquier, où il s’emploie à défendre la livre et à restaurer les finances britanniques durement atteintes par la guerre. Réaliste et conciliant, il appuie la politique irlandaise de Lloyd George et approuve la création de l’État libre d’Irlande en 1921, malgré les critiques de certains de ses amis unionistes. Jusqu’au bout, il reste fidèle à l’idée d’un cabinet de coalition. Malgré son prestige personnel et ses qualités d’homme d’État, Austen Chamberlain manque à deux reprises sa chance d’être élu leader du parti conservateur, et donc de devenir Premier ministre : en 1922, comme en 1911, la droite conservatrice lui préfère Bonar Law.

Dans le gouvernement formé par Baldwin en 1924, le Foreign Office lui est confié. C’est la période la plus brillante de la carrière d’Austen Chamberlain (1924-1929). Sa diplomatie de réconciliation internationale, dans le cadre de la Société des Nations, aboutit à la signature des accords de Locarno en octobre 1925 (ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix). Chaud partisan de l’entente étroite avec la France, convaincu de la possibilité d’une paix durable, il devient une des grandes figures de la Société des Nations et incarne avec Briand et Stresemann l’ « esprit de Genève ». On le voit alors dans toutes les réunions internationales, toujours impeccablement élégant, inséparable de son monocle, l’air affable et réservé, prêchant le désarmement et l’arbitrage. Il contribue à la signature du pacte Briand-Kellogg de renonciation à la guerre. L’arrivée au pouvoir des travaillistes (1929), puis l’écroulement des espoirs de la Société des Nations, sans mettre un terme à sa carrière politique, ne lui permettront plus de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. Il se cantonne désormais dans le rôle de « sage » au sein du parti conservateur.


Neville Chamberlain
(Birmingham 1869 - Heckfield, Hampshire, 1940)

Si la carrière politique de Neville Chamberlain s’était arrêtée à la fin de l’année 1937, elle constituerait une suite remarquable de succès : des réformes sociales importantes, conduites avec habileté et efficacité par un administrateur hors de pair ; une contribution décisive à la reconversion de l’économie britannique après la grande crise de 1929-1931, en particulier par le retour au protectionnisme et l’instauration de la préférence impériale (les accords d’Ottawa de 1932 auraient comblé de joie Joseph Chamberlain). Et, par-dessus tout, Neville est le seul membre de la famille Chamberlain à accéder au poste de Premier ministre, qu’avaient tant convoité, sans jamais y parvenir, son père, puis son demi-frère.

Pourtant, rien ne semblait vouer Neville Chamberlain à un brillant destin politique. Né du second mariage de Joseph Chamberlain, il était promis à l’existence d’un grand bourgeois de Birmingham. Il avait fait des études moyennes, et son père, qui le destinait aux affaires, n’avait pas jugé utile de l’envoyer à l’Université. Joseph Chamberlain l’avait au contraire expédié pendant une douzaine d’années diriger une plantation aux Bahamas.

C’est seulement en 1918, à l’âge de quarante-neuf ans, que Neville Chamberlain entre au Parlement en tant que député de Birmingham. Esprit avant tout pratique, rompu aux affaires, organisateur-né, énergique et souple, il effectue une rapide ascension politique. Malgré son air gauche et timide, derrière le masque maigre et tendu se cachent sous d’épais sourcils noirs des yeux brillants qui témoignent d’une grande volonté et d’une flamme intérieure. Malheureusement pour lui, ce passionné de réformes et de paix va avoir à affronter un monde pour lequel il est mal préparé.