Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Celtes (suite)

Les techniques

Politiquement et militairement, l’histoire des Celtes est médiocrement reluisante. Ceux-ci n’ont pas su s’unir, ni constituer un empire, ni opposer à l’adversaire romain une résistance séculaire. En revanche, dans leurs activités quotidiennes et pacifiques, ils se sont montrés d’étonnants techniciens. Vivant dans et par la forêt, contrairement aux peuples méditerranéens, ils n’ont guère utilisé la pierre, mais ils ont tiré grand parti du bois, soit comme matériau, soit comme combustible (métallurgie). Déjà, les sépultures de La Tène recèlent un mobilier funéraire métallique abondant : le torque, collier interrompu et boulé, le casque, la très grande épée, le bouclier. Progressivement, les Celtes sont passés du bronze au fer, dont ils ont propagé la technique, rapportée d’Orient. Ils fabriquaient des cottes de mailles, des chenets, des fers à cheval, des éperons, toutes choses pratiquement inconnues hors de chez eux. Ils utilisaient des procédés de décor du métal : émaillerie, étamage, dorure, argenture, gravure à l’eau-forte. Charrons, ils furent les créateurs de la charrue à roues (carruca) et de divers véhicules à deux ou à quatre roues, dont les types furent adoptés dans l’Empire romain. Buveurs de cervoise et d’autres boissons apparentées à la bière et à l’hydromel, très amateurs de vins, ils inventèrent la tonnellerie et firent des seaux et des puits de bois suivant la même technique. Ils ont excellé dans la sellerie, la cordonnerie, le matelassage. Leur métallurgie leur procurait tout l’outillage voulu, et ils apparaissent ainsi comme un peuple d’artisans. Aussi, quand les relations commerciales avec les Grecs, sur la vallée du Danube et par Marseille, leur firent, au iiie s. av. J.-C., découvrir l’usage de la monnaie, ils ne tardèrent pas à copier celle des Grecs, dont ils déformèrent progressivement les symboles pour les rapprocher de leurs motifs ornementaux favoris.


Persistance des Celtes

Soumis à Rome, les Celtes ont adopté la civilisation romaine, principalement dans les villes, tout en conservant leur part d’originalité : cultes traditionnels assimilés au panthéon romain, survivances linguistiques jusqu’au Bas-Empire, communication au monde méditerranéen des techniques inventées en pays celte, part considérable prise à l’activité économique. Mais ils se sont aussi regroupés dans les « finistères » de l’Europe occidentale, où ils ont reflué, poussés par d’autres peuples : Bretagne française, pays de Galles, Écosse et surtout Irlande, qui n’a jamais été touchée par Rome et où la civilisation celtique a pu demeurer vivace, sinon tout à fait intacte, pendant le Moyen Âge, après que ce pays eut été, dès l’Antiquité, avec l’archipel britannique dans son ensemble, considéré comme le pays par excellence de la sagesse druidique. L’Irlande possédait alors les structures celtes, qu’elle conserva ensuite : la division en tribus et clans, la clientèle, enfin le druide, qui laissa sa place au barde avec les progrès du christianisme.

L’évangélisation par saint Patrick, au ve s., allait ouvrir la voie à une chrétienté originale, qui eut un certain mal à vaincre les druides, mais qui s’installa dans le monde celtique : l’abbé, devenu le chef d’un clan monastique, se recrutait souvent dans le même clan que son prédécesseur. On lui accordait une autorité considérable, auprès de laquelle l’évêque avait peu de poids. Les monastères étaient bâtis en pans de bois, dans la meilleure tradition technique celte. La tonsure des moines celtes était en demi-lune, d’oreille à oreille : les gens du continent lui reprochaient d’être une tonsure druidique ! Erudits, ces moines copièrent d’admirables manuscrits, comme le Livre de Kells (viie s.), dont les miniatures à entrelacs évoquent à la fois les stylisations des monnaies gauloises et une manière orientalisante introduite avec le monachisme lui-même. Enfin, ce furent des apôtres actifs et voyageurs qui allèrent évangéliser le continent : parmi eux, saint Brendan et ses compagnons, et surtout saint Colomban, dont les fondations monastiques (Luxeuil, Bobbio) devinrent des foyers de christianisme fervent.

La population celte d’Armorique reçut vers le même temps un contingent de fuyards de Bretagne insulaire, « formant le mélange le plus celtique qu’il soit possible de concevoir » (A. Rivoallan).

Quant aux langues celtiques, elles ont subsisté sous la forme du gaélique, du gallois et du breton.

R. H.

➙ Bronze (âge du) / Gaule / Irlande.

 H. Hubert, les Celtes et l’expansion celtique jusqu’à l’époque de la Tène ; les Celtes depuis l’époque de la Tène et la civilisation celtique (la Renaissance du Livre, coll. « Évol. de l’humanité », 1932 ; 2e éd., A. Michel, 1950 ; 2 vol.). / P. Jacobsthal, Early Celtic Art (Oxford, 1944 ; 2 vol.). / A. Rivoallan, Présence des Celtes (Nouvelle Librairie celtique, 1957). / J. Moreau, Die Welt der Kelten (Stuttgart, 1958). / T. G. E. Powell, The Celts (Londres, 1958 ; trad. fr. les Celtes, Arthaud, 1962). / J. Marx, les Littératures celtiques (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1959 ; 2e éd., 1967). / J. De Vries, Kelten und Germanen (Berne, 1960) ; Keltische Religion (Stuttgart, 1961 ; trad. fr. la Religion des Celtes, Payot, 1963). / J. Filip, Die keltische Civilisation und ihre Erbe (Prague, 1961). / O. Loyer, les Chrétientés celtiques (P. U. F., 1965). / S. Pigott, Ancient Europe from the Beginnings of Agriculture to Classical Antiquity (Edimbourg, 1965). / A. Varagnac et R. Derolez, les Celtes et les Germains (Bloud et Gay, 1966). / L. Lengyel, le Secret des Celtes (Robert Morel, 1969). / J. Markale, les Celtes et la civilisation celtique (Payot, 1969) ; la Femme celte (Payot, 1972). / J. J. Hatt, Celtes et Gallo-Romains (Nagel, 1970). / M. Dillon, N. Chadwick et C. Guyonvarc’h, les Royaumes celtiques (Fayard, 1974).