Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

catholicisme social (suite)

Grave lacune : malgré l’existence d’un syndicalisme chrétien né en 1887, le catholicisme social, atteint par la lutte antimoderniste et plus particulièrement par la condamnation du Sillon (1910), insuffisamment étayé sur le plan doctrinal et par ailleurs divisé et compartimenté, manquait de cadres proprement ouvriers. En 1914, en France notamment, il apparaissait encore comme adolescent.

En Belgique, l’« école de Liège », qui réclamait l’intervention de l’État et de la législation dans le règlement de la question sociale, eut comme animateurs Mgr Victor Joseph Doutreloux (1837-1901), évêque de Liège, Mgr Antoine Pottier (1849-1923), professeur au grand séminaire de Liège, et l’historien Godefroid Kurth (1847-1916) ; le syndicalisme chrétien ouvrier eut parmi ses principaux propagandistes Gustave Eylenbosch et Léo Bruggeman. Parallèlement à la ligue des paysans, ou Boerenbond, fondée en 1890 par l’abbé Jacobus Ferdinand Mellaerts (1845-1925), Joris Helleputte (1852-1925) et Frans Victor Schollaert (1851-1917), se développèrent la Ligue nationale des travailleurs chrétiens et la Ligue ouvrière féminine.

En Autriche, les chrétiens-sociaux entrèrent dans la politique avec Karl Lueger (1844-1910), le bourgmestre de Vienne, puis avec Mgr Ignaz Seipel (1876-1932).

Tandis qu’en Grande-Bretagne des rapports se nouaient entre les ouvriers catholiques, les trade-unions et le mouvement travailliste, des évêques américains tels que Mgr John Ireland (1838-1918), évêque de Saint Paul, couvraient de leur autorité le syndicalisme naissant.

Après la Première Guerre mondiale, le catholicisme social s’épanouit en France.

Sur le plan doctrinal, les Semaines sociales jouèrent un rôle décisif, chaque session rassemblant un nombre grossissant de participants attirés par les cours et les débats organisés autour d’un thème social étudié à la lumière de la doctrine catholique. La formule des Semaines sociales s’était d’ailleurs répandue dans dix-sept pays.

Trois foyers de doctrine et d’action sociale

« La Chronique sociale »

Cette revue, qui s’intitula d’abord Chronique des comités du Sud-Est, fut créée à Lyon, en 1892, par deux catholiques sociaux : Victor Berne et Marius Gonin. En 1907, elle devint la Chronique du Sud-Est et en 1909 la Chronique sociale de France : elle se fondit alors avec la Démocratie chrétienne créée dans le Nord par l’abbé Paul Six. Elle reflète depuis son origine l’enseignement des Semaines sociales. Diffusée dans toute la France et au-delà, elle reste cependant l’expression de l’école lyonnaise du catholicisme social, la plus ancienne et la plus dynamique.

L’Action populaire

À la fois centre intellectuel et foyer de propagande sociale, elle fut créée à Lille en 1903, par un jésuite, le P. Leroy, qui, devant l’attitude défiante du patronat du Nord, s’installa dès 1904 à Reims avec le P. Desbuquois, qui succéda au P. Leroy († 1917) à la tête de l’Action populaire et installa celle-ci à Vanves, où elle est encore.

L’activité de cet organisme — essentiellement animé par les jésuites — s’est exercée par de nombreuses publications : Revue de l’Action populaire (devenue Projet en 1966), le Mouvement social, les Dossiers de l’Action populaire, auxquels succédèrent, en 1945, les Travaux de l’Action populaire, les Cahiers d’action religieuse et sociale, etc.

En 1923, le P. Desbuquois fonda, à l’Institut catholique de Paris, l’Institut d’études sociales, où les pères de Vanves assurent un enseignement éclairé par la doctrine sociale de l’Église et fondé sur les méthodes utilisées dans les sciences sociales.

En 1928, l’Action populaire suscita les Éditions Spes, qui publièrent longtemps d’importants ouvrages doctrinaux et méthodologiques.

Économie et humanisme

Ce centre de recherches, d’enquêtes et de formation fut fondé, à la fin de 1940, par un dominicain, le P. Louis Joseph Lebret (1897-1965), qui l’installa au couvent de la Tourette, près de Lyon. En vue d’établir, dans un monde en pleine mutation, une économie au service de l’homme, les animateurs, religieux et laïcs, d’Economie et humanisme, et notamment le P. Lebret, ont multiplié dans le monde les enquêtes démographiques, économiques et sociales. Des sessions internationales sont organisées par le centre, qui assure la rédaction de différentes revues, notamment du mensuel Économie et humanisme.

La publication en est assurée par les Éditions ouvrières (Paris).


La maturité (depuis 1919)

Le syndicalisme chrétien trouva décidément son assiette lors de la formation de la Confédération française des travailleurs chrétiens (C. F. T. C.), en 1919, et plus encore, en 1920, avec la fondation à Paris de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C. I. S. C.), qui prit la suite du Secrétariat international des syndicats chrétiens, formé à Zurich en 1908. Par la suite, le siège de la C. I. S. C. se fixa à Paris.

L’événement essentiel de l’entre-deux-guerres reste cependant la rencontre du catholicisme social et de l’Action* catholique spécialisée, dont beaucoup de militants se recrutèrent en France dans les rangs de l’Association catholique de la jeunesse française (A. C. J. F., 1886).

Le mouvement le plus spécifiquement social reste le premier en date : la Jeunesse ouvrière chrétienne (J. O. C.), fondée en 1925 par un vicaire de la banlieue de Bruxelles, l’abbé Cardijn, s’implanta en 1927 dans la région parisienne et de là dans toute la France ; depuis, la J. O. C. — et l’A. C. O. (Action catholique ouvrière), son prolongement chez les adultes, ainsi que la J. O. C. F., sa forme féminine — est installée dans le monde entier. Il en est de même de la J. A. C. (Jeunesse agricole chrétienne), fondée en 1929 (devenue en 1964 Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, M. R. J. C.), et qui a fourni de nombreux dirigeants et militants aux grandes organisations paysannes.

Pape de l’Action catholique, Pie XI donna, par l’encyclique Quadragesimo anno (15 mai 1931), un prolongement à l’enseignement social donné quarante ans auparavant par Rerum novarum.