camisards (suite)
Devant l’inutilité de la répression, on décide de recourir aux grands moyens. Bâville avait un plan, la dévastation des Cévennes, c’est-à-dire la démolition et la déportation de 31 paroisses comprenant 466 villages et plus de 13 000 personnes. On voulait par là couper les insurgés de leurs bases. Le 14 octobre 1703, le « Grand Roi » autorise ce « brûlement » d’une partie de ses États. On imagine sans peine les horreurs d’une telle exécution, les massacres, les tortures exercées par une soldatesque qu’on laisse se déchaîner ; en représailles, Cavalier rase bourgs et villages catholiques. Mais tout cela échoue et ne fait qu’exaspérer les camisards. Au début de 1704, l’anarchie règne partout, et des compagnies franches de catholiques, les « Cadets de la Croix », prônés par les évêques, font régner la terreur, ce qui n’empêche pas Cavalier d’être vainqueur à Martignargues (14 mars 1704), où 300 soldats et 20 officiers généraux sont tués. Cette défaite entraîne la disgrâce de Montrevel, qui est remplacé par Villars.
La défaite, la répression
Au même moment, Cavalier est battu à Nages (16 avril), et, quelques jours après, une trahison livre aux catholiques son refuge des grottes d’Euzet, où étaient soignés les blessés et où étaient entassés les vivres et les armes. C’est une perte irréparable pour les camisards ; aussi Villars va-t-il trouver à son arrivée sa tâche facilitée. Le 16 mai 1704, Cavalier, à qui on a fait miroiter un brevet de colonel, fait sa soumission à Villars à Nîmes. Mais presque tous les camisards l’abandonnent pour suivre Roland, plus lucide, et qui comprend que l’essentiel, la liberté de conscience, n’est pas accordé.
Tandis que Cavalier passe en Suisse puis en Angleterre, où il mourra, Roland continue la lutte, mais, trahi, il est tué en août. Privés de chefs et découragés, les camisards se rendent les uns après les autres, et Villars peut quitter le Languedoc. En 1705, les intrigues anglaises vont ranimer une insurrection : quelques chefs reviennent de Genève et forment un complot qui doit leur livrer Nîmes, Montpellier et enlever Bâville et les évêques, mais le 19 avril les conjurés sont découverts puis exécutés. Ensuite, une amnistie est publiée, ce qui n’empêchera pas de nombreux camisards de périr sur les galères du roi.
Un dernier sursaut aura lieu quelques années plus tard lorsque Abraham Mazel, qui avait été le premier à prendre les armes, essaiera en 1709 de soulever le Vivarais puis, l’année d’après, stimulé par un éphémère débarquement anglais à Sète, s’emploiera une dernière fois à fomenter l’insurrection des Cévennes. Trahi, il est arrêté en octobre 1710, puis exécuté avec deux autres chefs. C’est la fin des camisards.
La résistance va prendre une autre forme, plus pacifique, et s’organiser sous l’impulsion de quelques pasteurs, dont le célèbre Antoine Court (1695-1760). Le 21 août 1715, quelques jours avant la mort de Louis XIV, se tient non loin de Nîmes le premier synode des églises du « Désert », et, lorsqu’en 1718 Bâville quitte le Languedoc, l’hérésie renaît partout. En 1788, les mentalités ayant changé, Louis XVI accordera aux protestants un édit qui met au second plan la question protestante et consacre la tolérance de fait, conforme aux tendances du siècle et à l’esprit de charité chrétienne. On semblait comprendre enfin les mots de Fénelon : « Nulle puissance humaine ne peut forcer le retranchement de la liberté du cœur. »
P. R.
➙ Louis XIV / Protestantisme / Réforme.
A. Ducasse, la Guerre des camisards (Hachette, 1946 ; nouv. éd., 1970). / C. Almeras, la Révolte des Camisards (Arthaud, 1960). / Journaux camisards (1700-1715), présentés par P. Joutard (Union gén. d’éd., 1965). / J. Cavalier, Mémoires sur la guerre des camisards (Payot, 1973).