Camargue (suite)
Sur les grandes voies de migration vers des pays chauds, la Camargue constitue une étape grâce au calme et à la nourriture abondante de ses étendues palustres ; ici nichent les flamants roses, avocettes et aigrettes, hérons et canards, laridés et échassiers. Parmi les mammifères, on peut citer les sangliers et les colonies de castors. Cette faune variée présentant des espèces en voie de disparition apporte un attrait touristique supplémentaire dans une région aux traditions folkloriques vivaces.
Ces traditions reposent sur la présence de manades de taureaux et de chevaux, qui trouvent ici de larges terrains de parcours autour des grands mas qui perpétuent la tradition des gardians ou apparaissent comme des propriétés de prestige à support publicitaire. Le pèlerinage gitan draine vers l’église des Saintes-Maries-de-la-Mer des foules nombreuses attirées par le sanctuaire, le souvenir de Van Gogh, les « ferrades » (marquage des taureaux) ou les « courses libres » (sans mise à mort).
La découverte de poteries attiques et romaines dans ce désert humain prouve une occupation fort ancienne ; l’œuvre de défrichement et de mise en valeur par les abbayes de Psalmodi et Silvéréal au Moyen Âge, la multiplication des mas à l’époque moderne témoignent d’activités agricoles importantes. Mais l’endiguement du Rhône contrariant le colmatage des bas-fonds, les remontées de sel, les fièvres, l’absence d’une politique concertée d’aménagement et de préservation des sites contribuent à faire de la Camargue une zone répulsive vouée à la chasse et à l’élevage. La véritable mise en valeur commence à la fin du xixe s. par la construction de levées le long du Rhône et de digues en front de mer. Les terres drainées et dessalées bénéficient de la descente du vignoble, car la submersion constitue un moyen de lutte contre le phylloxéra. Mais les aménagements se cantonnent à la tête du delta ; ils nécessitent la mise en œuvre de moyens puissants, tant techniques que financiers. Les capitaux marseillais affluent en Camargue. La grande propriété prédomine : à la veille de la Grande Guerre, les douze plus grands mas détiennent le cinquième des surfaces cultivées et les trois quarts des terrains incultes. Ces caractères se confirment à partir de 1942, lorsque, dans le cadre d’une économie de guerre, les roselières reculent devant les rizières. D’énormes moyens mécaniques sont mis en œuvre, seuls les travaux de repiquage sont effectués à la main par des équipes de spécialistes espagnols venus de la huerta de Valence, de Murcie, d’Albacete ou de Tarragone. Les grandes sociétés françaises investissent leurs capitaux, on construit des stations de pompage et des silos ; mais, dès 1956, les besoins nationaux sont couverts, on a de la peine à écouler les surplus.
Grâce à la sécheresse de son climat, la Camargue compte enfin les salines les plus importantes de France. De Salin-de-Giraud à Aigues-Mortes, de l’île du Plan-du-Bourg à la petite Camargue, on récolte le sel, qui est notamment utilisé dans les usines de production d’alumine voisines du Gard et des Bouches-du-Rhône (Pechiney, Solvay). Ainsi apparaissent trois zones : la Camargue traditionnelle, où la nature conserve encore tous ses droits, sur les rives du Vaccarès (Camargue des flamants et des manades) ; le secteur véritablement agricole, viticole et rizicole, au nord et à l’ouest ; enfin, le littoral, qui est en perpétuel changement.
R. D. et R. F.
➙ Arles / Bouches-du-Rhône.