Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Camargue (suite)

Sur les grandes voies de migration vers des pays chauds, la Camargue constitue une étape grâce au calme et à la nourriture abondante de ses étendues palustres ; ici nichent les flamants roses, avocettes et aigrettes, hérons et canards, laridés et échassiers. Parmi les mammifères, on peut citer les sangliers et les colonies de castors. Cette faune variée présentant des espèces en voie de disparition apporte un attrait touristique supplémentaire dans une région aux traditions folkloriques vivaces.

Ces traditions reposent sur la présence de manades de taureaux et de chevaux, qui trouvent ici de larges terrains de parcours autour des grands mas qui perpétuent la tradition des gardians ou apparaissent comme des propriétés de prestige à support publicitaire. Le pèlerinage gitan draine vers l’église des Saintes-Maries-de-la-Mer des foules nombreuses attirées par le sanctuaire, le souvenir de Van Gogh, les « ferrades » (marquage des taureaux) ou les « courses libres » (sans mise à mort).

La découverte de poteries attiques et romaines dans ce désert humain prouve une occupation fort ancienne ; l’œuvre de défrichement et de mise en valeur par les abbayes de Psalmodi et Silvéréal au Moyen Âge, la multiplication des mas à l’époque moderne témoignent d’activités agricoles importantes. Mais l’endiguement du Rhône contrariant le colmatage des bas-fonds, les remontées de sel, les fièvres, l’absence d’une politique concertée d’aménagement et de préservation des sites contribuent à faire de la Camargue une zone répulsive vouée à la chasse et à l’élevage. La véritable mise en valeur commence à la fin du xixe s. par la construction de levées le long du Rhône et de digues en front de mer. Les terres drainées et dessalées bénéficient de la descente du vignoble, car la submersion constitue un moyen de lutte contre le phylloxéra. Mais les aménagements se cantonnent à la tête du delta ; ils nécessitent la mise en œuvre de moyens puissants, tant techniques que financiers. Les capitaux marseillais affluent en Camargue. La grande propriété prédomine : à la veille de la Grande Guerre, les douze plus grands mas détiennent le cinquième des surfaces cultivées et les trois quarts des terrains incultes. Ces caractères se confirment à partir de 1942, lorsque, dans le cadre d’une économie de guerre, les roselières reculent devant les rizières. D’énormes moyens mécaniques sont mis en œuvre, seuls les travaux de repiquage sont effectués à la main par des équipes de spécialistes espagnols venus de la huerta de Valence, de Murcie, d’Albacete ou de Tarragone. Les grandes sociétés françaises investissent leurs capitaux, on construit des stations de pompage et des silos ; mais, dès 1956, les besoins nationaux sont couverts, on a de la peine à écouler les surplus.

Grâce à la sécheresse de son climat, la Camargue compte enfin les salines les plus importantes de France. De Salin-de-Giraud à Aigues-Mortes, de l’île du Plan-du-Bourg à la petite Camargue, on récolte le sel, qui est notamment utilisé dans les usines de production d’alumine voisines du Gard et des Bouches-du-Rhône (Pechiney, Solvay). Ainsi apparaissent trois zones : la Camargue traditionnelle, où la nature conserve encore tous ses droits, sur les rives du Vaccarès (Camargue des flamants et des manades) ; le secteur véritablement agricole, viticole et rizicole, au nord et à l’ouest ; enfin, le littoral, qui est en perpétuel changement.

R. D. et R. F.

➙ Arles / Bouches-du-Rhône.

Cambodge

État de l’Asie du Sud-Est ; 180 000 km2 ; 7,6 millions d’habitants (Cambodgiens). Capit. Phnom Penh.



La géographie

Le Cambodge s’ordonne autour d’une vaste zone déprimée (plaines et bas plateaux), occupée en son centre par les Lacs (Grand Lac et Petit Lac : 2 300 km2) et par les « Quatre Bras » (Mékong supérieur, Mékong inférieur, Tonlé Sap, Bassac), et accidentée de hauteurs isolées (phnom). Des reliefs encadrent cette cuvette : falaise rectiligne, encore que festonnée, des Dangrêk au nord ; plateaux des Cardamomes (1 000 mètres en moyenne) et de l’Éléphant, au sud, précédés des massifs plus vigoureux du Phnom Aural (1 813 m) et des monts de Battambang ; plateau de Mondolkiri (ou du Haut Chhlong) à l’est. Le pays est une portion du « pseudo-socle de la Sonde » : toute la zone déprimée est une pédiplaine très typique, correspondant à la présence de ce socle (ici préjurassique) sous une mince couche d’alluvions ; la plupart des phnom sont des inselbergs ; le Phnom Aural et les monts de Battambang sont des horsts de terrains du socle. Les autres reliefs sont des portions de la couverture gréseuse du « pseudo-socle », à peu près horizontale, mais fragmentée ; de même, certains phnom sont, dans la dépression, des témoins de cette couverture disparue (Phnom Kulên au nord d’Angkor).

Le climat est directement en rapport avec ce relief : les hauteurs sont très arrosées, notamment les pentes « au vent » de la mousson, du plateau de l’Éléphant (plus de 5 mètres de pluie) ; par contre, la cuvette est assez sèche (1 400 mm de pluie à Phnom Penh), et les pluies sont presque inconnues de novembre à avril. Mais cette cuvette est inondée pendant plusieurs mois en son centre par la crue du Mékong. À partir de juin, les eaux du fleuve montent, atteignent leur maximum vers le début d’octobre ; le débit dépasse alors 30 000 m3/s à Phnom Penh (pour moins de 2 000 m3/s à l’étiage), et les eaux sont à 8 mètres au-dessus du niveau de mars ; par les prek (canaux généralement creusés par l’homme), elles traversent les bourrelets du lit majeur et gonflent des étangs (beng), qui s’étalent largement ; la rivière Tonlé Sap, exutoire normal des Lacs vers le Mékong, renverse son cours et se déverse dans les Lacs, dont la superficie augmente cinq fois aux dépens de la forêt riveraine, qui se trouve ainsi « inondée » pendant plusieurs mois. Cette crue, qui transforme les Lacs en une véritable mer, est lente et assez régulière. La décrue commence à la mi-octobre. Le niveau du Mékong baisse, et les beng se vident par les prek, découvrant de vastes portions de bourrelets (« berges » et « revers de bourrelet ») où le fleuve laisse de riches alluvions ; le Tonlé Sap reprend son cours vers le sud, et les eaux quittent la « forêt inondée ». Une grande fête, d’origine lunaire, célèbre d’ailleurs l’événement. La crue annuelle du Mékong est à l’origine des deux richesses les plus typiques du Cambodge : la polyculture des berges et la pêche en eaux douces. On a pu dire que le Cambodge est un « don du Mékong ». Les « rebords » de la cuvette sont vides ; quelques milliers de « Proto-Indochinois », dits « Khmers Loeu » (Khmers des hauteurs), habitent, à l’est, des lambeaux de forêt dense, tandis que les Cardamomes et le plateau de l’Éléphant sont désertiques. Mais la plus grande partie de la cuvette, tout le nord notamment, est également vide, couverte de la forêt claire désolée. La population se groupe donc presque exclusivement autour des « Quatre Bras » et des Lacs. En dépit de la présence d’une grande ville (Phnom Penh, cité millionnaire avant 1976) et de l’existence de minorités (300 000 Chinois, 150 000 Chams, appelés aussi Khmers Islām), cette population est, pour l’essentiel, rurale et khmère, constituant une paysannerie homogène et originale. La riziculture occupe sans doute près de 2,5 Mha, fournissant environ 2,5 Mt de riz. Elle est bien adaptée à des conditions difficiles de pluviosité et de sols : les sols sableux des terres « hautes » comme les sols argileux des terres « basses » sont, en effet, très médiocres ; mais elle est typiquement une riziculture peu intensive d’autosubsistance ; un certain nombre de régions toutefois (surtout Battambang) ont une riziculture commerciale.