Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Calvados. 14 (suite)

L’évolution de la population oppose deux grandes phases totalement différentes. Depuis le début du xixe s. jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, la population ne cessa de diminuer sous l’effet conjoint de l’émigration et de la dénatalité : en un peu plus d’un siècle, de 1811 à 1921, le Calvados perdit environ 110 000 habitants, passant de 498 000 habitants à 385 000. Depuis cette date, la courbe s’est redressée, d’abord très lentement, puis avec une grande vigueur à partir de 1946 : la population du Calvados a augmenté de plus de 100 000 habitants en moins de vingt-cinq ans, dépassant les chiffres du début du xixe s. Le taux de natalité est nettement supérieur à la moyenne française (25 p. 1 000 après la guerre, 20 p. 1 000 entre 1965 et 1970) ; une légère tendance à l’immigration est même apparue depuis 1962.

L’agriculture occupait, en 1968, 23 p. 100 de la population active, mais cette proportion a beaucoup diminué, puisque, à la fin du xixe s., le Calvados ne comptait pas moins de 60 p. 100 de sa population dans le secteur agricole. L’élevage bovin, pour le lait et pour la viande, assure l’essentiel des revenus des exploitations du Bessin, du pays d’Auge et du Bocage normand. Aux fabrications fermières traditionnelles de beurre et de fromages (camembert, livarot, pont-l’évêque) se sont substituées d’importantes usines laitières autour d’Isigny-sur-Mer, de Vire, de Lisieux, de Saint-Pierre-sur-Dives. Dans le Bocage normand, les exploitations, souvent de petite taille (moins de 25 ha), ajoutent l’élevage des porcs à celui des bovins. Quelques haras élèvent des chevaux de course dans le pays d’Auge. La production de pommes, de cidre et d’alcool (le calvados) du pays d’Auge et du Bocage ne joue plus qu’un rôle d’appoint, mais la qualité tend à se substituer à la quantité. Au centre des régions herbagères, les plaines, de Caen et de Falaise se consacrent à l’agriculture mécanisée dans des exploitations d’assez grande taille (50 à 150 ha), dont certaines complètent cette activité par de grands élevages semi-industriels de bœufs et de veaux gras.

La pêche est peu développée. Elle anime surtout Port-en-Bessin (environ 10 000 t de prises par an) et accessoirement Honfleur, Trouville, Ouistreham, Courseulles-sur-Mer et enfin Grandcamp-les-Bains. L’industrie est devenue l’activité productive la plus importante (23 p. 100 des actifs, 33 p. 100 en comptant le bâtiment). Cependant, certaines vieilles entreprises du Calvados tendent à disparaître, le textile du Bocage (Vire, Aunay-sur-Odon, Condé-sur-Noireau) ou l’extraction du minerai de fer de la plaine de Caen (May-sur-Orne, Soumont, Potigny). Mais l’industrialisation de l’agglomération caennaise, fondée sur la métallurgie, les constructions mécaniques et l’électronique, ne cesse d’accroître le rôle déjà important de Caen, qui groupe maintenant près du tiers de la population du département et qui s’entoure d’une auréole semi-urbaine à forte densité.

Le secteur tertiaire occupe la plus grande partie de la population (43 p. 100) dans les activités banales de l’administration, du commerce et des services. Caen, capitale de la Basse-Normandie, tient dans ce secteur une place prééminente, que renforce encore l’activité du port, relié à la mer par le canal de Ouistreham. Dans la hiérarchie urbaine, elle est relayée par quatre petits centres régionaux de 8 000 à 30 000 habitants, qui ajoutent à quelques industries de nombreux commerces et des services : Bayeux, qui anime le Bessin ; Vire, dans le Bocage ; Falaise, dans la plaine du même nom ; Lisieux, le plus important (26 674 hab.), véritable petite capitale du pays d’Auge.

Le tourisme complète la gamme de ces activités variées. Avec ses stations de la Côte de Nacre et de la Côte fleurie, en tête desquelles se place Deauville, ses souvenirs du débarquement de 1944, ses résidences secondaires du pays d’Auge, le Calvados fait partie de la zone de « week-end » du Grand Paris.

A. F.

➙ Caen / Normandie.

Calvin (Jean)

Réformateur français (Noyon 1509 - Genève 1564).



Années d’enfance et de formation

Jean Calvin est le deuxième fils de Gérard Cauvin (comme la plupart des universitaires de son temps, Jehan n’usera de son nom que sous la forme latine, Calvinus). Destiné par son père, notable de Noyon, à la prêtrise et rompu par lui aux bonnes manières sociales, Jean jouit déjà d’une grande faveur auprès du clergé local : encore enfant, il est pourvu de bénéfices ecclésiastiques et même tonsuré. Tout laisse prévoir une brillante et très conformiste carrière.

Après avoir fréquenté dans sa ville natale le collège des Capettes, l’adolescent est envoyé à Paris, où il est inscrit comme externe au collège de la Marche, sur la montagne Sainte-Geneviève. Il y suit les cours d’un remarquable pédagogue, Mathurin Cordier, qui éveille en lui la joie du travail intellectuel et la curiosité pour les innombrables enseignements de l’histoire. C’est à son école qu’il développe l’élégance, la concision et la précision d’un style qui fera de lui l’un des grands écrivains français de tous les temps.

Mais on redoute l’influence de cet humaniste libéral et, dès 1524, le jeune Jean devient interne au collège de Montaigu. On le met en garde contre les idées modernes tant sur le plan intellectuel que sur le plan théologique, et, pendant que flambent en France les premiers bûchers sur lesquels meurent des luthériens, Jean Calvin, apparemment indifférent aux troubles qui commencent à secouer à son tour l’Église en France, étudie les Pères de l’Église, notamment saint Jean Chrysostome et saint Augustin — dont il ne tarde pas à acquérir une connaissance exceptionnelle — ainsi que les théologiens et philosophes de la scolastique.

Formé à l’art de la dialectique, il devient un disputeur redoutable. L’église de Noyon, attentive à son évolution, lui décerne, en 1527, un nouveau bénéfice ecclésiastique. En 1528, il obtient le grade de maître es arts. S’il fréquente parfois des milieux plus ouverts, et notamment le cercle de ceux qui touchent de près à Guillaume Budé, il n’est pas entamé par leurs audaces, sinon qu’il n’arrive pas à calmer en lui — il le dira beaucoup plus tard — l’inquiétude qui fut aussi, mais combien plus tragiquement, celle de Luther : comment avoir « une certaine tranquillité de conscience », tant que, pour se présenter devant le Juge suprême, on n’a que la misère des bonnes œuvres et l’assurance contenue dans l’absolution ecclésiastique, répondant à la contrition de l’homme ? L’ascèse, qu’il pratiquera toute sa vie, n’est que la contrepartie de cette inquiétude existentielle.