Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Callot (Jacques)

Graveur et dessinateur français (Nancy 1592 - id. 1635).


Le goût du pittoresque, l’humour et un sens impitoyable de la vérité ont fait apprécier les œuvres de Callot comme témoignages de son temps et comme morceaux de virtuosité. De récentes études ont montré que son art dépassait l’anecdote, qu’il a sans doute influencé profondément la façon de voir de ceux qui l’ont suivi.

Selon la légende, Callot se serait sauvé de sa ville natale à l’âge de douze ans, en compagnie de bohémiens, pour gagner l’Italie, où les Grands auraient immédiatement reconnu en lui l’enfant prodige. Si la réalité est moins romanesque, il est vrai qu’il montra pour le dessin des aptitudes précoces, encouragées par son père, héraut d’armes à la cour de Nancy et chargé comme tel de composer les blasons. Il est vrai aussi qu’il fit deux fugues en Italie, avant de s’y établir à l’âge de seize ans. À Rome, sa première résidence italienne, il entra chez le graveur champenois Philippe Thomassin (1562-1622) et se forma auprès de lui en copiant les artistes du Nord et les Italiens, classiques comme maniéristes. Il travaillait alors surtout au burin. On a conservé de ses débuts des dessins d’académies faits à l’aide de différentes techniques, sanguine, pierre noire, plume, dont il se servit tour à tour ou simultanément.

Chargé de graver, d’après les dessins d’Antonio Tempesta (1555-1630), la pompe funèbre de la reine d’Espagne, qui avait eu lieu à Florence, il s’y installa, sans doute en 1611. Après des débuts difficiles, il reçut un logement et un atelier pour graver les Batailles des Médicis (la vie de Ferdinand Ier de Toscane). Ami de Giulio Parigi († 1635), architecte et ordonnateur des fêtes de la Cour, Callot composa, d’après ses modèles de décors et de machines, la Guerre d’amour, la Guerre de beauté et les Intermèdes, suites retraçant les fêtes données pour des entrées de grands personnages à Florence.

De 1617 datent les Caprices et la vraie célébrité de Callot, qui en fut la conséquence. Ce recueil de cinquante petites gravures aux sujets variés — paysages, personnages, scènes de la vie urbaine — révéla deux trouvailles qui firent beaucoup progresser la technique de l’eau-forte : la taille simple et le vernis dur. La taille simple est l’indication du modelé par des hachures parallèles allant dans le sens de la forme : on évite ainsi l’effet de surcharge provoqué par les hachures croisées, généralement employées au xvie s. Le vernis dur, vernis de menuisier, permet de travailler avec des pointes très fines, de multiplier les plans en indiquant très légèrement les lointains et de figurer un grand nombre de personnages sur la même scène. Mettant à profit ces nouveautés, Soliman (scènes de tragédies), la Foire d’Impruneta, le Massacre des Innocents expriment une vision de l’espace très proche de celle du théâtre de l’époque, faisant une grande place à l’illusion.

Congédié de Florence, dont la cour était en difficulté financière, Callot revint à Nancy en 1621. Il y grava d’abord des dessins faits à Florence : les Gobbi, personnages imaginaires grotesques, les Balli di Sfessania, danses des caractères de la commedia dell’arte. Les Gueux se situent dans le courant réaliste du début du xviie s., très marqué aux Pays-Bas où Callot fit un voyage pour dessiner le Siège de Breda (il vint aussi en France dessiner ceux de La Rochelle et Saint-Martin-de-Ré). Les Misères et malheurs de la guerre, œuvre aujourd’hui la plus connue de Callot, dépassent le simple naturalisme par leur puissance évocatrice : ce sont des images aiguës et denses de la Lorraine mise à sac pendant la guerre de Trente Ans ; l’ensemble comprend sept petites planches gravées en 1632 et dix-huit grandes de l’année suivante.

Callot est original par son double aspect : sens de l’objectivité et de la précision dans les gravures, puissance de l’imagination plus nette dans les dessins, où l’opposition est également plus marquée entre les ombres et les lumières ; mais, en général, son goût de la simplicité, de l’économie des moyens en fait un annonciateur du classicisme.

E. P.

 E. Meaume, Recherches sur la vie et l’œuvre de J. Callot (Renouard, 1860 ; 2 vol.). / J. Lieure, Jacques Callot (Éd. de la G. B. A., 1924-1927 ; 5 vol.). / D. Ternois, l’Art de Jacques Callot (F. de Nobele, 1962). / G. Sadoul, Jacques Callot, miroir de son temps (Gallimard, 1969).

Calonne (Charles Alexandre de)

Homme d’État français (Douai 1734 - Paris 1802).


Fils du premier président au parlement de Douai, Calonne est l’élève des jésuites. Tour à tour avocat en 1754, procureur général en 1759, il se fait connaître en instruisant l’affaire qui oppose le parlement de Rennes au gouvernement royal et à son représentant, La Chalotais. Maître des requêtes puis intendant (à Metz en 1766 ; à Lille en 1778), il montre des qualités d’administrateur. Grâce au comte d’Artois, aux Polignac, à Vergennes et à Marie-Antoinette, il devient contrôleur général des finances en 1783.

Les caisses royales sont presque vides. Durant trois ans, Calonne applique une politique de grands travaux destinée à revivifier l’économie française mais aussi à rétablir la confiance dans l’État pour permettre le succès d’emprunts nouveaux. En fait, le déficit est augmenté de 100 millions. En 1787, la banqueroute menace.

Développer la production pour accroître les recettes de l’État, rénover les finances mais en associant à cette œuvre les sujets du roi, telles sont les idées fondamentales du programme qu’il soumet à Louis XVI. On y retrouve la marque de Vauban et des physiocrates. Une assemblée des notables spécialement convoquée devait approuver ce plan.

Relever les finances de l’État, c’est d’abord supprimer le déficit et éteindre la dette. Pour parvenir au premier but, il faut réformer la fiscalité : l’unité et l’égalité en seront les principes. Sur le plan régional : certains impôts indirects seront étendus à toute la France. Sur le plan social : la terre est source principale de richesse — du moins Calonne le croit-il comme la plupart de ses contemporains —, aussi l’impôt sera-t-il une « subvention territoriale », un impôt prélevé sur la production agricole de tous les domaines, qu’ils appartiennent à l’ordre du clergé, de la noblesse ou du tiers état. Proportionnel au revenu, il sera, faute d’un cadastre, en nature.

Pour l’extinction de la dette, le domaine royal sera aliéné ; une banque nationale destinée à soutenir le gouvernement sera créée.