Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Caligula (suite)

On peut expliquer l’expédition de Germanie, racontée traditionnellement comme une promenade militaire caricaturale : la rapidité de Caligula courant vers le Rhin devait décapiter le complot militaire ourdi par le légat Gaetulicus. Autre expédition avortée : le projet de débarquement en Bretagne : selon Suétone, Caligula, renonçant à son projet, aurait donné aux soldats l’ordre de ramasser des coquillages (musculi) sur la plage : interprétation désobligeante de l’enlèvement de machines de guerre ou d’embarcations (musculi également).

Maintes mesures politiques sont inspirées par le caprice du despote, de l’empereur. Caligula remplace les procurateurs de Judée par un roi (Agrippa) et découpe dans les conquêtes de Rome des royaumes pour des princes thraces de ses amis. Il reproche aux juifs de ne pas mettre sa statue dans leurs synagogues. Il fait mettre à mort le dernier roi de Mauritanie, Ptolémée, et annexe son pays, où se produit un grave soulèvement. Les Romains aussi conspirent. Après l’échec des complots de Cornelius Lentulus Gaetulicus, en 39, et de Papenius, en 40, celui de 41, où s’illustre le tribun des prétoriens Cassius Chaerea, réussit à débarrasser Rome d’un tyran dont le joug avait fini par devenir intolérable.

R. H.

 H. Sachs, Bubi Caligula (Vienne, 1930 ; 2e éd., 1932). / J. P. V. Balsdon, The Emperor Gaïus Caligula (Oxford, 1934 ; 2e éd., Londres, 1965). / E. Köberlein, Caligula une die ägyptischen Kulte (Meisenheim, 1962). / R. Auguet, Caligula ou le Pouvoir à vingt ans (Payot, 1975).

Călinescu (George)

Historien et écrivain roumain (Bucarest 1899 - id. 1965).


Il passe les premières années de son enfance à Botoşani et à Iaşi, puis étudie au lycée et à la faculté des lettres et de philosophie de Bucarest. Après un séjour à Rome, où il publie des travaux concernant les rapports italo-roumains (Alcuni missionari cattolici nella Moldavia nei secoli XVII-XVIII, 1925), il remplit jusqu’en 1935 les fonctions de professeur d’italien à Bucarest, tout en collaborant par des poèmes, des chroniques et des articles d’histoire littéraire à plusieurs revues. En 1933, il devient directeur de la revue Viaţa românească. Après avoir passé son doctorat ès lettres (1937) avec une thèse sur les œuvres posthumes de Mihai Eminescu, il est nommé maître de conférences de littérature et d’esthétique à l’université de Iaşi (1938). Établi en cette ville, il y fonde en 1939 l’hebdomadaire de critique et d’information littéraire Jurnalul literar ; interdit par la censure en 1940 pour ses prises de position démocratiques, le journal réapparaîtra à Bucarest en 1947. Pendant la guerre, Călinescu collabore à la revue Vremea, signant une suggestive « Chronique du Misanthrope », avant de prendre la direction des journaux Tribuna poporului (1944-45) et Naţiunea (1946-1948), et de l’hebdomadaire littéraire Lumea (1945-46). Professeur d’histoire de la littérature roumaine moderne à l’université de Bucarest (1945), il est élu en 1946 à la Grande Assemblée nationale. En 1948, il devient membre de l’Académie roumaine, et on lui confie la responsabilité de l’Institut de critique littéraire et de folklore, qui porte aujourd’hui son nom.

Esprit d’une remarquable mobilité intellectuelle, Călinescu est l’un des écrivains les plus intéressants et les plus marquants de la Roumanie contemporaine. Il débute en 1923 comme traducteur avec une remarquable version roumaine du livre de Giovanni Papini, Un uomo finito. En 1926, il fait ses débuts en poésie dans Universul literar (l’Univers littéraire), dirigé alors par Perpessicius. Ses vers, réunis dans les volumes Poezii (Poésies, 1937) et Lauda lucrurilor (l’Éloge des objets, 1963), reprennent des motifs classiques et mythologiques dans une perspective enrichie de l’expérience du lyrisme moderne. Historien de la littérature, il s’impose par d’excellentes études consacrées au plus grand poète romantique roumain, Viaţa lui Mihai Eminescu (la Vie de Mihai Eminescu, 1932) et Opera lui Mihai Eminescu (l’Œuvre de Mihai Eminescu, 1934-1936), où par de nombreuses références à la civilisation roumaine et européenne il fixe les éléments fondamentaux de la pensée de l’écrivain. Il publie, en 1938, Viaţa lui Ion Creangă (la Vie de Ion Creangă) et, après la guerre, des monographies consacrées au prosateur Nicolae Filimon (1959) et aux poètes Grigori Alexandrescu (1962) et Vasile Alecsandri (1965). Istoria literaturii române de la origini pînă în prezent (l’Histoire de la littérature roumaine des origines à nos jours, 1941), ouvrage de dimensions monumentales, place le développement des lettres roumaines dans le contexte de la littérature universelle et s’attache plus particulièrement aux œuvres et aux auteurs modernes et contemporains. Călinescu fait la synthèse de ses opinions sur la poésie moderne dans ses Principii de estetica (Principes d’esthétique, 1939) ; son adhésion au classicisme, considéré comme une expression des valeurs artistiques permanentes et de la soif humaine de beauté, s’exprime dans son étude Sensul clasicismului (le Sens du classicisme, 1946).

Ses débuts de romancier sont marqués par Cartea nunţii (le Livre du mariage, 1933), où il transpose dans le monde moderne la pastorale de Daphnis et Chloé de Longus, mais il est surtout l’auteur d’Enigma Otiliei (l’Énigme d’Otilia, 1938), peinture réaliste des milieux bourgeois de Bucarest au début de notre siècle. Bietul Ioanide (le Pauvre Ioanide, 1953) décrit avec ironie le monde des universitaires d’avant la Seconde Guerre mondiale, et Scrinul negru (la Commode noire, 1960) trace le chemin de l’artiste, qui va de l’apolitisme à l’action civique dans la société socialiste. L’art de Călinescu, appliqué en particulier à la vie citadine, consiste dans son habileté à crayonner des caractères et des situations, utilisant, selon le cas, l’anecdote, le sondage psychologique, le débat intérieur, le geste révélateur qui traduisent par-delà son observation aiguë des êtres et des choses sa connaissance profonde et intuitive de la vie.

T. B.

 P. Constantinescu, Écrits, t. II (en roumain, Bucarest, 1967). / Al. Piru, Panorama de la décennie littéraire roumaine 1940-1950 (en roumain, Bucarest, 1968). / Ş. Cioculescu, Variétés critiques (en roumain, Bucarest, 1968).