Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

café-concert (suite)

Les cafés-concerts des Champs-Élysées

L’été voyait s’ouvrir certains établissements de plein air aux Champs-Élysées, qu’Anatole France a décrit avec lyrisme : « C’est le palais d’Armide, dans la fraîcheur du soir ! Quel rafraîchissement de l’âme et du corps ! Quel bain de volupté pour un commis qui sort de son magasin, pour un clerc d’avoué, ou pour un employé de ministère ! »

• L’Alcazar d’hiver, malgré une décoration mauresque, ne parvient à attirer le grand public que durant la courte période où Thérésa en est la vedette. Durant la belle saison, sa succursale des Champs-Élysées, l’Alcazar d’été, connaît plus de succès : ouvert en 1861 sur l’emplacement du café Morel, il continuera à fonctionner jusqu’en 1930. Tout d’abord, la troupe se compose d’un seul artiste, Fleury, qui, tour à tour costumé en paysanne, en chiffonnier, en nourrice, etc., se contente de gratter tant bien que mal d’une guitare pour tout orchestre. Bientôt, les artistes de l’Alcazar d’hiver viennent chanter dans la succursale durant la belle saison. Ce café-concert jouit alors d’une vague de snobisme et devient le rendez-vous des cocodès.

C’est à l’Alcazar d’été que Paulus, au milieu d’un enthousiasme indescriptible, crée En revenant de la revue.

Dès 1869, l’Alcazar d’été oriente ses programmes vers une formule proche de celle du music-hall, en faisant une large place aux attractions. En 1898, cette formule s’accentue avec des revues à grand spectacle. En 1906, Cornuché (futur animateur de Deauville) prend la direction de l’Alcazar d’été et monte une revue, Vive Paris, dont Fragson (Victor Léon Philippe Pot dit Harry Fragson [1869-1913]) est la vedette. C’est ainsi que l’Alcazar réussit à se maintenir, alors que les autres cafés-concerts ont sombré.

• Les Ambassadeurs sont d’abord un simple café, construit vers 1764 sur les Champs-Élysées. En 1840, une troupe de musiciens comportant un vielleux s’y fait entendre. En 1849, ce café devient un véritable café-concert et prend le nom d’ « Ambassadeurs », à cause de la proximité de l’hôtel Crillon, où descendent les ambassadeurs étrangers. 1 200 personnes peuvent venir applaudir le spectacle. En 1850, un auteur, Ernest Bourget, et deux compositeurs, Paul Henrion et Victor Parizot, venus prendre le café aux Ambassadeurs, refusent d’en payer le prix au garçon : « Vous jouez nos chansons, et vous ne payez rien, dirent-ils, pourquoi devrions-nous payer notre café ? » À la suite d’un procès qui leur donne gain de cause, ils fondent le Syndicat des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, qui est transformé l’année suivante en « société » (S. A. C. E. M.).

En 1867, Ducarre prend la direction des Ambass’, transforme la décoration de la salle et l’augmente d’un balcon, où il est chic de venir dîner. Après une direction Pinard, qui monte des revues déshabillées, Chauveau et Cornuché rendent les Ambassadeurs à la chanson. Mais, en 1923, Oscar Dufrenne puis Edmond Sayag transforment le vieux café-concert en music-hall.

• Le pavillon de l’Horloge était situé sur les Champs-Élysées, en face du restaurant Ledoyen. Il était le plus élégant des cafés-concerts d’été, orné de fleurs et de glaces. Inauguré en 1855, il passa sous de nombreuses directions jusqu’en 1892, date à laquelle Oller, alors directeur du Moulin-Rouge, le transforma en Jardin de Paris. Cet établissement connut alors un grand succès de snobisme : les entrées coûtaient 5 francs, tandis que partout ailleurs elles coûtaient 1 ou 2 francs. Le spectacle de café-concert présentait en général des artistes à leurs débuts et se terminait par le numéro de Max-Dearly (Lucien Max Rolland [1874-1943]). Ensuite, le quadrille du Moulin-Rouge descendait de Montmartre pour terminer la soirée. Fermé en 1914, le Jardin de Paris a été démoli.

• À côté de ces grands cafés-concerts, d’autres connurent leur instant de célébrité. À l’Estaminet lyrique débute Darcier, l’auteur de la Tour Saint-Jacques. Le concert Béranger se spécialise dans les romances (en particulier de Loïsa Puget). Au café Moka, on admire surtout les charmes de la propriétaire, la belle madame Mathieu, tandis que le Grand Concert des arts fait circuler un certain Brice, « géant professionnel », ce qui fait surnommer l’établissement café du Géant. Thérésa et Jules Pacra (1833-1915) y débutèrent. Ce café fut détruit par un incendie en 1863 et son propriétaire racheta le fonds du Palais chinois, dont il fit Ba-ta-clan et où il donna des spectacles de café-concert jusqu’en 1892, année où Paulus en prend la direction et amène l’établissement au bord de la faillite. Repris par Gaston Habrekorn, Ba-ta-clan a été transformé en music-hall par Mme Rasimi en 1913.

Au Petit Casino débute Damia, « frisée au petit fer, couverte de faux bijoux et portant une robe rouge à franges d’or » (Jacques Charles). À la Cigale, fondée en 1887 sur l’emplacement du Bal de la Boule-Noire, le directeur, Armand Flateau, donne à ses programmes une formule concert-music-hall (1894), où le tour de chant voisine avec des revues et des vaudevilles. En 1925, Max Viterbo crée la Fourmi dans le hall, tandis que le sous-sol est transformé en dancing. L’Européen, fondé en 1872, ne devait son titre qu’à la proximité du quartier de l’Europe, sa clientèle étant surtout montmartroise. Reconverti plusieurs fois en théâtre, cet établissement, même sous l’étiquette music-hall, qui a été la sienne à partir de 1923, maintint les traditions du café-concert jusqu’en 1948. Max-Dearly y débuta en 1891.

Tout d’abord Grand Concert de l’Époque, le Concert Pacra est dirigé en 1899 par Bruant. Ernest Pacra lui succède et baptise la salle Chansonnia. Ses spectacles sont composés de pièces en un acte et de tours de chant. En 1925, à la mort de Pacra, sa veuve lui succède et appelle alors la salle Concert Pacra en hommage à Jules et Ernest Pacra, vedettes du café-concert. Malgré l’appellation music-hall, le Concert Pacra a conservé le genre du café-concert, réservant la plus large place à la chanson, pour la plus grande joie d’un public très populaire. Le café de la Chanson, modeste beuglant, se transforme en Divan japonais en 1888 et devient, sous la direction du marchand d’olives Jehan Sarrazin, l’un des meilleurs cafés-concerts de Paris. Ensuite, sous le nom de concert Lisbonne (du nom de l’un de ses directeurs), on y représente des spectacles précurseurs du strip-tease. Redevenu Divan japonais en 1895, on y applaudit les débuts de Dranem.