Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

café-concert (suite)

Pendant la Révolution, les musicos prospérèrent, sans que le programme offert aux spectateurs corresponde toujours au label de qualité. C’est ainsi qu’on vit s’ouvrir le café des Arts, le café National, le café Yon, le café Godet, où l’on chantait des chansons d’actualité, le café Turc, décoré dans le goût ottoman. Chez Ramponneau, plutôt guinguette que musico, on chantait surtout des chansons à boire. Napoléon Ier fit fermer certains de ces cafés, où l’on s’occupait un peu trop de politique. Cependant, en 1813, le théâtre Montansier (actuellement théâtre du Palais-Royal) se transforma en café chantant, et, pour renflouer des affaires peu brillantes, le tenancier invita les consommateurs à remplacer les artistes. On peut considérer ce café comme l’une des premières goguettes. Durant les Cent-Jours, au café Montansier, repaire des bonapartistes, on chansonna les Bourbons. Au retour de Louis XVIII, des gardes du corps envahirent le café et le mirent au pillage.

Les cafés chantants réapparurent sous la monarchie de Juillet, pour connaître leur apogée sous le second Empire. La période comprise entre la chute de Napoléon Ier et l’avènement de son neveu avait plutôt consacré les goguettes. Après le 2-Décembre, celles-ci étant pratiquement interdites, le public chercha d’autres distractions et se précipita au café-concert, qui devint « l’Opéra du peuple et sa Comédie-Française » (E. Héros).

En marge des grands établissements où se produisaient les vedettes de la chanson s’ouvrirent dans les quartiers de petites salles appelées beuglants, parce que les chanteurs avaient l’habitude de « beugler » leurs chansons.

Cependant, le café-concert connut à la fin du siècle une crise manifeste. Si certains « grands » montaient des revues, d’autres faisaient appel à des attractions d’un goût parfois douteux : Marguerite Duclerc, qui avait pris en 1896 la direction du concert des Décadents, montrait un pendu aux spectateurs, tandis que le « pétomane » triomphait sur la scène du Moulin-Rouge. Certains cafés-concerts s’étant transformés dès l’apparition du music-hall* (Alhambra, Folies-Bergère, Folies-Bobino, Moulin-Rouge), leur succès estompa celui du vieux caf’ conc’.

Le café-concert ne résistera pas au cinéma. En mai 1949, au Saint-Yves, à Saint-Germain-des-Prés, Romi essaiera de faire revivre le café-concert authentique ; malgré une excellente affiche et l’enthousiasme de la critique, cette expérience restera sans lendemain.


Les cafés-concerts de Paris


L’Eldorado, la Scala, le Grand Concert parisien

En tête des plus célèbres cafés-concerts viennent l’Eldorado et la Scala. Situés l’un en face de l’autre, ils se livrèrent une guerre acharnée avant de passer sous la même direction.

• L’Eldorado est construit en 1858 sur l’emplacement du manège Pellier. Après une rapide faillite, le fonds est vendu en 1860. L’Eldo’ végète jusqu’en 1861, date à laquelle, sous l’impulsion de Lorge, il devient le premier café-concert de Paris. Il est surnommé la « pépinière des vedettes » et la « Comédie-Française de la chanson ». C’est Lorge qui, à l’Eldo’, crée la véritable formule du café-concert. En 1867, il commence par supprimer la « corbeille », qui obligeait les jeunes artistes de la troupe à demeurer assises en rond sur la scène pendant que se déroulaient les tours de chant de leurs camarades. Cette même année, il engage Cornélie, tragédienne en rupture de Comédie-Française. Elle récite les imprécations de Camille et le songe d’Athalie en robe du soir. Devant le succès remporté, Lorge obtient alors la levée de l’interdiction faite aux artistes du café-concert de porter un costume « qui tendrait à empiéter sur le domaine des théâtres », de mimer, de parler ou de venir en scène avec un accessoire.

La Scala ayant engagé les hostilités, l’Eldo’ essaie, sans grand succès, de se reconvertir en théâtre d’opérette. En 1896, les directeurs de la Scala (M. et Mme Allemand) prennent la direction de l’Eldo’ et lui donnent une nouvelle impulsion.

Le passage sur la scène de l’Eldo’ constituant une véritable consécration, tous les artistes du café-concert y ont défilé. Thérésa, qui y avait chanté dès 1863, y donna sa représentation d’adieu. Judic (Anna Marie-Louise Damiens [1849-1911]) y débuta en 1868, ainsi que Milly Meyer. Libert y créa le genre gommeux, et Paulus y resta sept ans. Sous la direction Allemand, on eut la révélation de Dranem (Armand Ménard [1869-1935]), qui venait de « faire un malheur » au Divan japonais. Maurice Chevalier y fit ses débuts de vedette.

• La Scala, édifiée en 1878 sur l’emplacement du concert du Cheval-Blanc, voulait s’adresser à un public « chic », alors que celui de l’Eldorado était populaire. Ainsi, en 1900, Mayol, passant simultanément dans les deux cafés-concerts, devait changer son tour de chant pour les différents publics des deux établissements. Dès son ouverture, la Scala entama la lutte contre son voisin. En 1879, Paulus fut le premier transfuge de l’Eldo’. Bruant (v. chansonnier) débuta à la Scala. Mais c’est à partir de 1884, sous la direction de M. et Mme Allemand, que ce café-concert devint incontestablement le premier de Paris.

En 1905, une revue, Paris fin de sexe, avec girls, décors, éclairages, dans le style du music-hall, révolutionna complètement l’esthétique du caf’ conc’. En 1910, la direction artistique de la Scala étant confiée au chansonnier Fursy (Henri Dreyfus [1866-1929]), celui-ci fit alterner les tours de chant avec les revues d’esprit montmartrois. Transformée en théâtre du Vaudeville, la Scala se consacra à l’opérette avant de revenir en 1934 au théâtre chantant. En 1936, elle fut remplacée par un cinéma.

• Le Grand Concert parisien, tout d’abord café Guillon, bâti dès 1739 sur un terrain ayant appartenu aux Filles de Dieu, devenu café chantant en 1867, prend en 1881 le nom de Concert parisien, sous la direction de Régnier, dit Kosmydor, surnom que lui valait un vinaigre de toilette qu’il avait lancé. Régnier faisait alterner les tours de chant avec les pièces en un acte. C’est ainsi qu’en 1885 on crée au Concert parisien Gibier de potence, une des premières œuvres de Georges Feydeau. En 1889, un ancien maître nageur, Musleck, s’improvise directeur. Il est bientôt au bord de la faillite, quand Yvette Guilbert lui propose son concours, afin de renflouer son établissement. En 1894, Yvette l’ayant quitté, il préfère vendre son fonds à Saint-Yves Corrard, dit Dorfeuil, qui engage un débutant, Félix Mayol. Devenu célèbre, ce dernier rachète le Concert parisien, fait aménager l’entrée principale, rue de l’Echiquier, et lui donne son nom, qu’il a conservé tout en devenant music-hall.