Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bultmann (Rudolf) (suite)

Pour atteindre son but, il va mettre au service d’une théologie d’intention « orthodoxe » tous les moyens que lui offre la méthode historico-critique d’origine « libérale » : ainsi, la critique rigoureuse des textes du Nouveau Testament, considérés comme des documents historiques quelconques, sert-elle de base à son entreprise de reformulation d’un « kérygme », message nettement christologique adapté à l’homme moderne. Sa rigueur scientifique doit éveiller le respect et l’attention de ses contemporains et leur permettre d’être interpellés par un message redevenu compréhensible, car seul le compréhensible est croyable, mais la foi n’est pas au bout de la compréhension : elle est une décision existentielle que seul rend possible un acte de Dieu, intervenant de l’extérieur par le moyen de la Parole prêchée.

Tandis que K. Barth* se place surtout du point de vue du prédicateur et se pose la question du sens de son entreprise, visant à exprimer la Parole de Dieu en langage humain, Bultmann est du côté de l’auditeur, se demandant à quelles conditions il peut commencer à entendre non plus les formules traditionnelles forgées par les siècles et séparées de l’homme contemporain par une immense « distance culturelle » (Ricœur), mais un message directement en prise sur l’actualité psychoscientifique du citoyen des pays développés.

Ce souci majeur, incontestablement plus missionnaire qu’apologétique, conduit le théologien de Marburg à prôner et à effectuer lui-même une radicale « démythologisation » des textes néo-testamentaires, c’est-à-dire à tenter d’en retrouver la vérité permanente, voilée par une expression mythique transitoire.

La théologie de Bultmann est donc marquée par un souci anthropologique dominant. Mais, s’il s’agit à plus d’un titre d’une réduction, il ne saurait être question, du moins au départ, d’une dévaluation de la théologie. Pour Bultmann, la théologie anthropocentrique vise l’homme global, c’est-à-dire en situation devant la Parole du Seigneur ; elle est reconnaissance de l’intervention souveraine par laquelle Dieu, prenant possession de l’homme, le constitue comme être s’étant enfin compris et assumé soi-même. À l’homme « en dehors de la foi », qui met sa confiance dans les sécurités charnelles, Bultmann oppose l’homme « sous la foi », enraciné dans l’invisible.

La forme de cette existence nouvelle, eschatologique, est l’ouverture à l’autre, l’amour du prochain, qui est désintéressé et délibérément non possessif. Encore une fois, cela n’est pas naturellement possible à l’homme : c’est le signe et le fruit de l’action passée et actuelle de Dieu, et c’est ainsi que l’Évangile se distingue radicalement de tous les existentialismes philosophiques, qui sont de nature légaliste.

Bultmann est à l’origine d’un universel mouvement de recherche herméneutique (science de l’interprétation actuelle de textes antiques), jalonné par les noms des Allemands Emil Fuchs, Gerhard Ebeling, etc., des Américains P. Van Buren, Th. Altizer, W. Hamilton, etc., des Français Paul Ricœur, André Malet, etc., et vulgarisé par l’évêque anglican John Arthur T. Robinson.

Les limites et les failles de l’œuvre bultmannienne sont patentes : d’une part, Bultmann postule un homme moderne qui serait une pure conscience rationnelle et ignore la complexité des angoisses et des pulsions qui agitent les plus grandes intelligences ; d’autre part, plus attentif à la synchronie qu’à la diachronie, il dévalue ou ignore l’importance spirituelle de l’histoire et de la tradition. Il y a chez lui des relents de marcionisme et, partant, une dangereuse spiritualisation et de la personne de Jésus et de l’existence individuelle : l’incarnation lui paraît être le mythe par excellence, et il laisse volontairement dans l’obscurité la question cardinale de l’identité entre Jésus le serviteur souffrant et le Seigneur eschatologique.

Surtout, Bultmann ignore la dimension collective de l’humanité et ne s’intéresse qu’à son aspect personnel : privé de racines historiques et détaché des « relations longues » qui font de lui un être qui ne peut se comprendre lui-même que comme partie de l’aventure d’un tout, l’« homme moderne » bultmannien est une pure abstraction sans existence historique ni politique. Tout entier centré sur la décision personnelle, Bultmann, de confession luthérienne, n’arrive pas à aller au-delà de l’interrogation originelle du Réformateur.

G. C.

➙ Protestantisme / Théologie protestante.

 R. Marlé, Bultmann et l’interprétation du Nouveau Testament (Aubier, 1956 ; 2e éd., 1966) ; Bultmann et la foi chrétienne (Aubier, 1967). / A. Malet, Mythos et Logos, la pensée de Rudolf Bultmann (Labor et Fides, Genève, 1963) ; Bultmann et la mort de Dieu (Seghers, 1968). / W. Schmithals, Die Theologie Rudolf Bultmanns (Tübingen, 1966). / G. Cottier et coll., Comprendre Bultmann (Éd. du Seuil, 1970).

Bunsen (Robert Wilhelm)

Physicien allemand (Göttingen 1811 - Heidelberg 1899).


Robert Bunsen fait dans sa ville natale des études qu’il complète à Paris, à Berlin et à Vienne. En 1836, il succède à Friedrich Wöhler comme professeur de chimie à l’Institut polytechnique de Kassel. Puis il occupe une chaire successivement aux universités de Marburg en 1838, de Breslau en 1851 et enfin de Heidelberg en 1852. À Breslau, il rencontre G. R. Kirchhoff*, qui va devenir son collaborateur et son ami, et qui le rejoindra à Heidelberg.

Il débute par des recherches de chimie ; il isole le cacodyle en 1840 et perd un œil au cours de ce travail. S’attaquant ensuite à l’électrochimie, il crée en 1843 une pile électrique employant l’acide nitrique comme dépolarisant. Puis il entreprend d’obtenir divers métaux, le magnésium en 1851, le chrome en 1854, par électrolyse de leurs chlorures. De 1855 à 1863, il exécute, en collaboration avec son élève sir Henry Enfield Roscoe (1833-1915), une série d’expériences sur les actions chimiques de la lumière.