Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Brest (suite)

La rade offre dans la Penfeld un abri sûr dont Anglais et Espagnols essaient à plusieurs reprises de s’emparer durant les guerres de religion. Protéger cette rade, la doter d’un arsenal, y implanter les éléments d’une puissance navale, c’est le programme que propose Richelieu devant l’Assemblée des notables (1631) et que Colbert fait exécuter par l’ingénieur Louis Nicolas de Clerville à partir de 1667. Sous Louis XIV, Brest voit successivement les amiraux Duquesne et Tourville y commander de vastes flottes. Vauban, à la tête de forces terrestres, repousse le débarquement anglais de 1694 à Camaret. À la fin du xviie s., un certain déclin s’amorce en raison de la pénurie financière. Entre 1713 et 1720, la Penfeld s’envase et la base périclite. Il faudra la guerre de 1744 pour relancer les travaux et voir de nouveau des armements navals appareiller de Brest contre les Anglais. À partir de 1765, Choiseul rénove la marine française, et c’est à Brest que se formeront les grandes flottes de la guerre d’Amérique entre 1778 et 1783. La Révolution à ses débuts connaît des troubles sérieux dans la marine, mais, en 1793, Jean Bon Saint-André y rétablit l’ordre, et le combat de juin 1794 montre que les Français ont encore bonne figure en face de la Royal Navy. En 1799, l’amiral Bruix arme à Brest une flotte de plus de trente vaisseaux et appareille en dépit du sévère blocus anglais qui, jusqu’en 1805, sera pour la base atlantique une véritable calamité. La flotte de l’amiral Ganteaume (1755-1818) ne sortira pas lors de la mise à exécution du plan de 1805 pour rejoindre Villeneuve ; celui-ci ayant rallié Cadix, il ne sera plus question pour nos forces de se rassembler devant Boulogne pour seconder le passage de la flottille en Angleterre.

Brest se relève sous la Restauration et la monarchie de Juillet. En 1830, l’École navale s’installe à bord de l’Orion en rade ; sous le second Empire, le port voit s’accomplir le passage de la voile à la vapeur, et, en 1865, le chemin de fer relie Brest à Paris. Entre 1871 et 1914, les constructions navales vont bon train, et, à partir de 1917, le rôle de Brest, où transiteront 600 000 soldats du général Pershing, sera déterminant dans l’afflux en Europe des troupes américaines. En 1923, le croiseur Duguay-Trouin y est lancé, marquant le départ de la Marine de G. Leygues, et c’est à Brest, où, en 1936, est inaugurée une nouvelle École navale, que sont achevés en 1937 et 1940 les cuirassés Dunkerque et Richelieu.

L’occupation de la ville par les Allemands le 10 juin 1940 est le début d’un calvaire qui durera quatre ans. Sans cesse bombardée par les Anglais, Brest offre à sa libération, le 18 septembre 1944, un spectacle de complète désolation. La rade abri, encombrée d’épaves, ne peut accueillir que de petites unités, et il est un instant question de reconstituer l’ensemble de la base et de l’arsenal hors de Brest. Mais les autorités navales et municipales s’attellent à la reconstruction de l’ensemble portuaire et urbain. Tenant compte de la capacité de destruction des engins nucléaires, une partie de l’arsenal est aménagée dans les alvéoles creusés sous le roc. Ainsi sont enterrées les pompes des bassins et une centrale électrique sous le plateau du Portzic. Le port de commerce est agrandi et il est même envisagé de faire de Brest le havre européen des pétroliers géants. Le projet est abandonné, mais la constitution dans la base, depuis 1968, de la force de sous-marins nucléaires stratégiques a pour la ville d’heureuses conséquences. Dans l’arsenal s’affirme la vocation de construction neuve de Brest. Sa renaissance a été marquée par la réalisation de 84 000 tonneaux de navires de commerce allant du cargo de 4 700 t au paquebot Antilles de 20 300 t. Le programme naval d’après guerre débute en 1951, tandis que les premiers escorteurs d’escadre sortent en 1954 et que, dans le bassin de Laninon, le porte-avions Clemenceau de 22 000 t est mis en chantier.

M. M. et A. L.


Le paysage urbain

La structure urbaine présente deux aspects essentiels : le front de mer, bande étroite du littoral envahie par les activités portuaires (arsenal et port militaire de Laninon à l’ouest, port de commerce et zone industrielle à l’est) ; les plateaux ont fixé l’axe est-ouest, parallèle au littoral, de la ville, de part et d’autre de la rivière qu’enjambent trois ponts, dont le pont levant de Recouvrance. Une enfilade de rues caractérise cet axe principal, mal relié à la zone portuaire en raison des accidents de terrain. La ville se présente suivant une structure digitée dans trois directions : vers l’est (quartier de Saint-Marc), vers l’ouest (quartier de Saint-Pierre-Quilbignon) et vers le nord (quartier de Lambézellec).

Une ville de structure quadrangulaire a remplacé l’ancienne cité intra-muros complètement détruite, exception faite du vieux château qui domine le port. Des jardins occupent la place des anciens remparts. Ce nouveau centre urbain groupe une grande partie des activités tertiaires, chambre de commerce, sous-préfecture, banques, commerces de la rue de Siam, etc. Il est prolongé par le quartier de l’église Saint-Martin, caractérisé par ses vieux immeubles de quelques étages sans charme ni confort, traversé par la rue Jean-Jaurès. Sur la rive droite, nettement séparé par les ateliers de l’arsenal qui coupent la ville en deux, Recouvrance, quartier reconstruit, contraste avec Saint-Pierre-Quilbignon, village absorbé par la ville.

Les zones industrielles et portuaires créent des ruptures dans le tissu urbain : le littoral avec ses quais d’armement et d’escadre à l’ouest, ses cales de radoub et ses entrepôts à l’est ; au-delà, sur le plateau de Kergonan, une vaste zone industrielle où se sont implantés de petites entreprises, des entrepôts, des ateliers ; puis, au nord de Lambézellec, la brasserie, et à l’ouest, l’usine de la C. S. F.

Les grands ensembles d’immeubles collectifs côtoient la forme d’habitat traditionnel de maisons individuelles. La Z. U. P., au nord de l’agglomération, groupe 7 500 logements pour 35 000 personnes. Une nouvelle extension est prévue de l’autre côté de la Z. U. P., sur la rive droite cette fois. Les zones des baraques (le Polygone) n’ont pas totalement disparu. Brest se présente comme une ville assez peu structurée, marquée par des accidents topographiques et des contraintes militaires.