Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

L’introduction du bouddhisme au Japon

Vers 538 de notre ère (certains préféreraient la date de 552), le roi de Kudara (du royaume de Paikche en Corée) envoya au souverain du Yamato (alors établi à Asuka, dans la préfecture actuelle de Nara) une lettre dans laquelle il exposait l’excellence des principes du bouddhisme et demandait de l’aide contre son trop entreprenant voisin, le royaume de Silla. Avec cette lettre, que présentait une délégation de lettrés et de religieux bouddhistes, se trouvaient plusieurs rouleaux des Saintes Écritures (rédigées en chinois), une image en bronze du Bouddha, peut-être d’autres en bois, des bannières et divers objets de culte... Ainsi, le bouddhisme pénétra-t-il, officiellement du moins, dans les îles japonaises. En fait, il est probable que des bribes de cette doctrine philosophique y avaient fait leur apparition bien avant cette date, apportées par des réfugiés coréens et des Japonais revenus du protectorat sur l’État de Mimana en Corée. Mais, manquant de soutien officiel, cette nouvelle religion n’avait pu se propager et ne comptait probablement que fort peu de fidèles en 538.

Certains clans locaux se convertirent à la foi nouvelle, y voyant un facteur de progrès capable de les aider à supplanter leurs rivaux, et commencèrent à utiliser le savoir et le talent des religieux, des artistes et des artisans revenus nombreux de Corée après que le Mimana eut échappé définitivement (en 562) aux souverains du Yamato.

Mais d’autres s’opposèrent farouchement à l’adoption du bouddhisme en tant que religion d’État, et deux partis se formèrent bientôt, plongeant le pays, déjà déchiré par les luttes d’influence opposant les clans entre eux, dans une confusion encore plus grande. Les uns, dirigés par le clan des Nakatomi, auquel appartenaient les prêtres shintō qui officiaient à la Cour, étaient de farouches partisans de la religion indigène, le shintō, tandis que les autres, à la tête desquels se trouvait le clan des Soga dirigé par le Premier ministre Iname, se montraient partisans des réformes « à la chinoise » et de l’adoption du bouddhisme. D’âpres luttes s’ensuivirent, qui se terminèrent en 587 par la destruction des clans tenant du shintō. La Cour se convertit alors au bouddhisme, ainsi qu’un certain nombre de familles nobles.

Un fils de l’empereur Yōmei, le prince Umayado, devenu régent, devait devenir célèbre sous le nom de Shōtoku Taishi. Fervent bouddhiste, Shōtoku établit fermement sa religion à la Cour. Les autres clans se rallièrent alors de plus en plus nombreux et commencèrent d’embrasser la nouvelle religion — tout au moins de façon formelle. Les relations avec la Chine et la Corée de Silla furent renouées, et de nombreux missionnaires coréens traversèrent les détroits. Le prince Shōtoku recommanda alors le bouddhisme dans sa « Constitution en dix-sept articles » (Jūshichijō-no-Kempō), la première du Japon (probablement rédigée après sa mort en 622), en ces termes : « Vénérez de tout cœur les trois trésors que sont le Bouddha, le dharma (la loi bouddhique) et le saṅgha (la communauté des moines), car dans ceux-ci se trouvent la vie idéale et la sagesse de la nation. »

Le peuple japonais, encore quelque peu méfiant à l’égard du bouddhisme, au fur et à mesure des réformes apportées par l’esprit de cette nouvelle religion, commença d’y porter de l’intérêt. À partir de 607, Shōtoku envoya en Chine plusieurs missions qui devaient rapporter les connaissances astronomiques, architecturales et administratives de l’époque des Sui (Souei [581-618]), ainsi que des œuvres littéraires et religieuses.

C’est ainsi qu’arrivèrent au Japon un grand nombre de textes bouddhiques ainsi, d’ailleurs, que nombre de pratiques taoïstes et de maximes confucéennes. Le prince-régent lui-même se voua à la propagation du bouddhisme et écrivit des commentaires fort savants sur trois sūtra importants (Saddharmapuṇḍarīka sūtra, Hokke-kyō, Sūṭra du lotus de la Bonne Loi ; Vimalakīrti sūtra, Yuima-kyō, Discussions de Vimalakīrtī sur la Doctrine ; Śrīmālā sūtra, Shōmangyō), lesquels illustraient la doctrine du salut et pouvaient ainsi fournir à son peuple les fondements d’une éthique. Enfin, il fit ériger plusieurs temples par des architectes venus de Corée, temples dont certains demeurent encore, comme ceux du Hōryū-ji, près de Nara, et du Shitennō-ji, à Ōsaka, qui sont les témoins les plus admirables du génie de son gouvernement. Il multiplia également les fondations pieuses. À sa mort, en 622, si l’on ajoute foi aux dires du Nihongi (chronique historique rédigée en 720), il y avait au Japon 46 temples, 816 religieux et 569 religieuses... La promulgation, en 645, du code de l’ère Taika, code administratif calqué sur le modèle chinois, faisait une large part au bouddhisme. Par sa ferveur, l’empereur Tenchi (661-671) contribua encore à sa propagation dans les provinces. À cette époque, on ne pouvait encore parler de sectes au Japon. Le bouddhisme consistait alors, pour une bonne part, en adoration ou vénération de reliques (shari) et n’était pas tenu, en ce qui concerne ses applications pratiques, pour très différent du shintō : « Il était surtout apprécié pour ses pouvoirs magiques et de protection, particulièrement dans la prévention et la guérison des maladies » (E. W. Saunders). À la Cour, des sūtra étaient lus afin de faire tomber la pluie, et les pratiques bouddhiques étaient souvent mêlées à des pratiques appartenant à des croyances populaires et au shintō.

Cependant, on continuait d’élever des temples pour abriter les saintes images de Shaka (le bouddha Śākyamuni), de Miroku (Maitreya, le bouddha du futur), de Kannon Bosatsu (Avalokiteśvara, le bodhisattva de miséricorde), de Yakushi Nyorai (Bhaiṣajyaguru, le bouddha-médecin des âmes et du corps), d’Amida Nyorai (Amitābha, le bouddha de l’au-delà), etc., et les moines commençaient à approfondir les diverses doctrines bouddhiques en étudiant les manuscrits religieux rapportés de Chine et de Corée.