Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

Le mahāyāna, considérant qu’un grand nombre d’êtres peut aspirer au salut, peuple l’univers d’une multitude de bouddhas simultanés et surtout de bodhisattvas (êtres qui ont franchi plusieurs degrés dans la perfection et qui sont destinés à devenir bouddhas). Il conçoit la sainteté non comme un idéal individuel de perfection, mais comme une carrière visant à entraîner les autres créatures vers le salut.

Le mahāyāna, qui s’est surtout développé dans le nord de l’Inde (d’où il gagnera le Tibet, la Chine et le Japon), a donné un immense essor à la philosophie et à la dialectique indiennes ainsi qu’à toute une mythologie proche de celle du panthéon brahmanique.

Cette mythologie, repoussant à l’arrière-plan le Bouddha historique, se concentre sur les bodhisattvas Maitreya, Mañjuśrī, Avalokiteśvara, etc., voire des divinités féminines auxiliatrices, les Tārā.

Les écoles mahāyāniques sont mieux connues que les écoles anciennes en raison de leur effort de propagande : l’école des madhyamika, fondée par Nāgārjuna (fin du ier s. ou début du iie s. apr. J.-C.), et celle des vijnānavādin ou des yogācārin (« qui pratiquent le yoga »), fondée par Asaṅga, sont parmi les plus célèbres.


Le tantrisme

Le tantrisme est moins une doctrine qu’un mode de doctrine, superposant des éléments bouddhiques et brahmaniques. Tout en enseignant la dévotion à cinq bouddhas « vainqueurs » et aux bodhisattvas, il donne une grande importance à la mystique de « l’énergie » féminine (Tārā bouddhique, Śakti śivaïte).

Le tantrisme, qui prend forme au vie s. de notre ère avec un ensemble de texte, les tantra, se distingue du bouddhisme traditionnel par ses méthodes propres dans la réalisation des rapports entre l’homme et l’univers. Ces méthodes ressortissent au yoga (« le fait de lier, d’atteler »), qui amène au contrôle des organes et du psychisme. Le tantrisme est mêlé aussi de magie et de cosmogonie ; son rituel, souvent fantastique, est fondé sur des rites ésotériques, la méditation et l’iconolâtrie.

Le tantrisme, qui influence le développement du bouddhisme en Asie du Sud-Est, se développe surtout au Bengale, d’où les invasions musulmanes le chassent au xiiie s., puis au Népal et au Tibet.


L’expansion du bouddhisme

Le bouddhisme indien reçoit une impulsion nouvelle du fait de la conversion de l’empereur Aśoka* (v. 250 av. J.-C.). Dès lors, son expansion est favorisée par des missions tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Empire. C’est du règne d’Aśoka que date l’introduction du bouddhisme à Ceylan*. Kaniṣka, monté sur le trône vers 145 apr. J.-C., pratique la même politique qu’Aśoka : sous son règne, un concile bouddhique se serait tenu au Cachemire*.

Au début de notre ère, le bouddhisme est introduit en Chine* par la route du Turkestan oriental. Déjà il a atteint la frange orientale du monde hellénistique et s’est étendu en Asie centrale.

L’apogée du bouddhisme indien se situe durant le règne de la dynastie Gupta (ive-ve s. apr. J.-C.). Jusqu’à la fin du règne d’Harsạ de Kanauj († 647), les sectes du mahāyāna s’épanouissent en même temps que l’hindouisme classique. Des lieux saints comme Nālandā et Gayā sont des centres très fréquentés de pèlerinage et de pensée.

Le bouddhisme s’installe au Viêt-nam*, dans la presqu’île indochinoise et la presqu’île malaise à partir du iiie s. av. J.-C., en Corée en 372, en Insulinde au ve s., au Japon au vie s., au Tibet au viie s.

Parallèlement à sa diffusion en Asie, il subit dans sa patrie d’origine, l’Inde, un déclin irrémédiable, qui est dû notamment au foisonnement des sectes face à un hindouisme vigoureux, aux bouleversements consécutifs à la disparition des Gupta et surtout à l’avance de l’islām.

En 1941, pour l’ensemble du continent indien, on ne comptait que 232 000 bouddhistes, mais, vingt ans plus tard, pour l’Union indienne seulement, il y en avait plus de trois millions. Cet accroissement massif est dû à la propagande menée dans les classes défavorisées par Bhimrao Ramji Ambedkar (1893-1956) au cours des années qui suivirent l’indépendance et après la commémoration du 2 500e anniversaire du Bouddha, célébré en Inde avec éclat (1956-57).

P. P.


Le bouddhisme japonais

Le bouddhisme japonais appartient pour l’essentiel aux philosophies religieuses des sectes du mahāyāna, lequel est parfois appelé « bouddhisme du Nord ». Cependant, le bouddhisme japonais diffère assez fortement des formes de bouddhisme élaborées sur le continent asiatique, tant dans ses conceptions de la philosophie que dans la représentation qu’il donne des divinités et des « forces » vénérées par ses nombreuses sectes et « écoles ». Ces dernières, après l’effort de syncrétisation fourni à partir du début du ixe s., attribuent aux images traditionnelles venues de l’Inde, par le truchement de l’Asie centrale, de la Chine et de la Corée, des valeurs quelque peu différentes de celles qu’elles avaient à l’origine. Les religieux des diverses sectes importées de Chine ou qui se créent par la suite au Japon ainsi que leurs fidèles conçoivent la divinité et son cortège divin de manières fort diverses. Une fois de plus confronté à un autre peuple et à un autre folklore, le bouddhisme prend au Japon des formes tout à fait particulières.

La plupart des formes, souvent théoriques, des diverses divinités du bouddhisme japonais se trouvent représentées sur des maṇḍala (en japonais mandara), ou « diagrammes cosmologiques », ainsi que les formes divines peu courantes et, pour la plupart, non représentées au Japon, qui sont décrites dans toutes sortes de textes bouddhiques (sūtra en sanskrit et kyō en japonais) indiens, tibétains, chinois ou japonais. Les représentations du bouddhisme japonais relèvent en grande partie (surtout à partir du ixe s.) de la tradition du bouddhisme ésotérique. Nombre d’entre elles se trouvent rassemblées dans les deux grands maṇḍala de la secte shingon (Ryōka mandara ou « maṇḍala des Deux-Mondes ») : le Kongōkai mandara (Vajradhātu maṇḍala, du « Monde de l’esprit ») et le Daihitaizōshō mandara (ou Taizō-kai mandara), correspondant au Mahākaruṇāgarbha maṇḍala (Garbhadhātu maṇḍala, du « Monde des manifestations »). Les divinités n’appartenant pas à ces deux maṇḍala majeurs participent soit de la tradition du bouddhisme ancien (nous entendons par là celui des écoles introduites au Japon antérieurement au ixe s.), dans lequel on trouve déjà certains éléments ésotériques — on parle à ce sujet de komikkyō, ou « ésotérisme ancien » —, soit à des formes du bouddhisme ésotérique (amidisme, zen, etc.), soit encore du bouddhisme populaire, très souvent syncrétique et mêlé de shintō.