Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bosnie-Herzégovine (suite)

La capitale de la République, Sarajevo, qui dépasse 200 000 habitants, symbolise le développement de la Bosnie. La ville de l’islām, juchée sur des hauteurs, devient un site touristique, avec sa čaršija, sa medersa, son caravansérail et ses mosquées. La ville autrichienne, le long de la rivière Miljacka, a été complétée vers l’aval par des ensembles résidentiels. Une troisième ville, industrielle, abrite de nouvelles entreprises, de taille moyenne (cuir, textile, montage de voitures de marque N. S. U. à Vogošće, fabrication d’aciers spéciaux à Ilidža). Enfin, le tourisme de passage, en direction des plages adriatiques, n’est pas négligeable et peut être très développé.

A. B.


L’histoire


Le Moyen Âge

La Bosnie, dénommée d’après la rivière Bosna, est au Néolithique le centre de l’importante culture de Butmir ; peu pénétrée par les Grecs, progressivement colonisée par Rome à partir du iiie s. av. J.-C., elle fait partie de l’Empire romain, puis de l’Empire byzantin. Après l’arrivée des Slaves au vie s., elle semble n’avoir eu qu’assez tardivement une organisation étatique. Cependant, sous la suzeraineté, souvent assez nominale, de la Hongrie entre 1138 et 1463 (avec de 1165 à 1180 un intermède byzantin), elle va s’affirmer en tant qu’État : à la fin du xiie s. sous le ban Kulin, au xive s. avec Etienne II Kotromanić (1322-1353) et son neveu Tvrtko Ier Kotromanić (1353-1391).

Poursuivant l’extension territoriale entreprise par son prédécesseur, en particulier vers la Dalmatie et la Serbie, Tvrtko Ier fait de la Bosnie le principal État de l’époque dans les régions yougoslaves, les Croates étant soumis à la Hongrie et la Serbie étant déjà affaiblie par les Turcs ; il se fait couronner roi en 1377. L’activité minière, l’artisanat et le commerce connaissent une grande expansion. Mais, après la mort de Tvrtko, une période d’anarchie commence. L’histoire de la Bosnie au Moyen Âge est en effet marquée par la lutte des grands féodaux contre le pouvoir central, lutte qui s’exprime en particulier dans le domaine religieux, le souverain étant souvent catholique, tandis que les féodaux soutiennent l’Église bosniaque. En effet, il s’est formé en Bosnie une Église originale — vraisemblablement apparentée à l’hérésie manichéenne bogomile — et qui, semble-t-il, ne perçoit pas de dîme, n’est pas propriétaire de terres et ne siège pas dans les diètes du royaume. Cette Église est persécutée à l’instigation du pape, qui suscite contre elle des croisades et qui est soutenu le plus souvent dans son action par le souverain, forcé d’accepter le rite latin.

Les dissensions des féodaux et les persécutions religieuses facilitent la conquête de la Bosnie par les Turcs : ceux-ci y commencent leurs incursions surtout après leur victoire de Kosovo (1389) sur les Serbes, d’ailleurs assistés par la Bosnie. Malgré les efforts d’opposition de Tvrtko II (1421-1443) et d’Etienne Tomas (1443-1461), la Bosnie, qui paie tribut aux Turcs depuis 1435, est conquise par Mehmed II en 1463 ; les forteresses se livrent sans grande résistance, et le souverain d’alors, Etienne V Tomašević, est fait prisonnier et tué. Pour enrayer l’avance turque, la Hongrie forme dans le nord de la Bosnie les deux marches frontières de Srebrenica et de Jajce, qui sont conquises à leur tour par les Turcs respectivement en 1512 et 1528. L’Herzégovine, dont le nom Herceg a pour origine le titre allemand de « Herzog » (duc) et qui a été constituée en une unité politique indépendante au milieu du xve s. par le grand féodal Etienne Vukčić, est occupée en 1482.


La Bosnie turque

Jusqu’en 1878, la Bosnie dépend directement des Turcs. La population, lasse des persécutions religieuses, se convertit en masse à l’islām, de même qu’une large partie des féodaux, qui gardent ainsi leurs terres. Comme partout dans l’Empire ottoman, le système des spahiluks (fiefs militaires non héréditaires) est introduit. Du point de vue administratif, un pachalik (pašaluk) de Bosnie est établi en 1580, comprenant aussi la Slavonie et des régions dalmates. Mais, à la suite du recul de l’Empire ottoman après la guerre austro-turque de 1683 à 1699 — le prince Eugène de Savoie fait alors une incursion jusqu’au cœur de la Bosnie —, le pachalik acquiert à peu près les frontières actuelles de la république de Bosnie-Herzégovine et devient une province turque périphérique face à l’Autriche : on y crée des kapetanije (unités territoriales militaires spécifiques).

Aux xviiie et xixe s., les féodaux de Bosnie, y compris ceux qui sont venus de Slavonie et de Dalmatie après 1699, transforment de plus en plus leurs spahiluks en propriétés héréditaires, aggravant ainsi le sort des paysans ; ils s’efforcent aussi d’être plus indépendants du pouvoir central.

Au xixe s., pour rétablir l’ordre, la Porte entreprend des réformes : suppression des kapetanije en 1835, égalité civile prévue par l’hatti şerif de Gülhane en 1839, essai de réforme des rapports agraires en 1848, 1859 et 1876, réforme de l’artisanat en 1851, création d’un conseil régional en 1866. Cependant, la mise en application de ces mesures se heurte à l’opposition des grands féodaux : ceux-ci réclament également l’autonomie pour la Bosnie et, au cours de la première moitié du xixe s., provoqueront diverses rébellions (en particulier celle de Husein-kapetan Gradaščević en 1831), qui ne seront définitivement matées qu’en 1851 par la campagne d’Ömer pacha, envoyé par le sultan.

D’autre part, ces réformes n’améliorent pas la situation de la population, qui se soulève plusieurs fois (1834 et 1857-58), parfois avec l’aide du Monténégro, lorsque le mouvement touche l’Herzégovine. L’écrasement brutal d’une de ces révoltes, en 1875, provoque l’intervention contre la Turquie du Monténégro et de la Serbie, puis celle de la Russie.

Le traité de San Stefano, signé entre la Turquie vaincue et la Russie en 1878, prévoit l’autonomie pour la Bosnie ; mais il est révisé la même année au congrès de Berlin, qui attribue l’administration de la Bosnie-Herzégovine à l’Autriche tout en maintenant la suzeraineté turque. Préoccupée par l’irrédentisme serbe, profitant de la faiblesse russe après 1905, l’Autriche va annexer complètement la Bosnie en 1908.