Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Borel (Émile) (suite)

En théorie des probabilités, il a étendu l’étude de la probabilité du cas d’un nombre fini d’épreuves au cas d’une infinité dénombrable d’épreuves. Il est aussi le pionnier de la théorie des jeux stratégiques développée ensuite, mais indépendamment, par Johann von Neumann (1903-1957). Ses recherches dans ce domaine ont donné naissance à un Traité du calcul des probabilités et de ses applications en quatre tomes, publié en collaboration, et à une collection de monographies.

J. I.

 M. Fréchet, la Vie et l’œuvre d’Émile Borel (Genève, 1965).

Borges (Jorge Luis)

Écrivain argentin (Buenos Aires 1899).


Dans un de ses contes les plus connus, Borges imagine une bibliothèque immense qui contiendrait « tout ce qu’il est possible d’exprimer, dans toutes les langues. Tout ». Dans d’autres contes, il accumule les références bibliographiques, au demeurant souvent fictives. C’est que Borges est un homme de bibliothèques : il passe sa jeunesse dans celle de son père, « aux innombrables livres anglais », puis il est plus tard employé dans une bibliothèque municipale de Buenos Aires ; il est aujourd’hui directeur de la Nationale.

Son éducation a été celle d’un fils de la bonne bourgeoisie : une éducation à l’européenne, confiée à des gouvernantes françaises ou anglaises qui lui ont appris leur langue parallèlement à l’espagnol. Aussi, lorsqu’en 1914 sa famille part pour la Suisse, l’Europe a-t-elle déjà mis son empreinte sur l’esprit du jeune Jorge Luis, qui passe à Genève son baccalauréat français, apprend l’allemand et donne carrière à son insatiable curiosité intellectuelle. Agé de vingt ans, Borges se rend à Madrid, à une époque où la vie littéraire d’avant-garde se trouve marquée par la création récente d’un mouvement poétique voisin de notre dadaïsme : l’ultraïsme. Avec l’enthousiasme de son âge, il se lance alors dans l’aventure du vers libre, de la métaphore choc, de la phrase sans ponctuation avant de retourner, en 1921, dans sa ville natale, où il va chercher à acclimater ce nouvel « isme » à travers d’innombrables plaquettes, manifestes et autres revues éphémères... Erreur de jeunesse déclarera plus tard l’écrivain. 1923 voit paraître son premier recueil de vers, Ferveur de Buenos Aires, où il chante les bas quartiers de la capitale, le Río de La Plata, les mauvais garçons, les danseurs de tango aux cheveux pommadés. Il publie encore deux recueils lyriques, Lune d’en face (1925) et Cahiers de San Martin (1929), avant de s’éloigner de la poésie pour se tourner vers la prose et se consacrer à l’essai. Paraissent alors ses premiers textes critiques (Enquêtes, 1925), une étude sur les problèmes du langage (la Langue des Argentins, 1928), son Histoire de l’éternité (1936) et son Histoire de l’infamie (1935), qui inaugure son œuvre de conteur, celle à qui il doit sa consécration définitive avec Fictions (1944) et l’Aleph (1949). Professeur de littérature anglo-saxonne à l’université de Buenos Aires depuis 1956, conférencier international, Borges est revenu à la poésie, mais son activité littéraire reste réduite du fait d’une cécité presque totale.

Borges appartient à cette race d’écrivains qui ne se complaisent qu’aux jeux de l’esprit et de l’imagination. Nulle préoccupation sociale, aucun engagement politique — ces deux constantes des lettres hispano-américaines actuelles — dans ses essais, dans ses contes. Se situant même à l’opposé d’un homme de lettres engagé, Borges a pour credo que « l’irréalité est la condition de l’art ». D’où, baignant son œuvre de conteur, cette atmosphère fantastique, mais d’un fantastique qui donnerait l’illusion de la réalité à force de logique interne, de lucidité dans l’analyse des situations, de rigueur mathématique (l’écrivain, comme Poe, à qui il fait souvent songer, n’a-t-il pas touché au genre policier dans Six Problèmes pour don Isidro Parodi ? — écrit en collaboration avec A. Bioy Casares) ; le fantastique de Borges est en effet d’ordre purement intellectuel. Dans Enquêtes, l’auteur déclare qu’il a tendance à « estimer les idées religieuses et philosophiques pour leur valeur esthétique et même pour ce qu’elles renferment de singulier et de merveilleux ». C’est dire que, chez lui, l’art et la métaphysique se confondent. Esprit sceptique, Borges se penche sur le destin de l’homme, égaré dans un monde chaotique semblable à un labyrinthe — une des images clefs de l’écrivain —, et tente de résoudre l’angoissant problème du temps en niant son déroulement linéaire pour miser sur la notion de l’éternel retour des choses. Comme il a créé son propre univers métaphysique, il s’est forgé un langage dont il a atteint la parfaite maîtrise : merveille de précision, de rigueur avec un soupçon de baroque qu’il doit sans doute à son héritage hispanique.

Bien que révélé en France dès 1925 par Valery Larbaud, Borges ne s’est imposé que tardivement sur la scène littéraire mondiale, en recevant en 1961 le Prix international des éditeurs, partagé avec Samuel Beckett. Mais, aujourd’hui, son nom est familier à tout un public amateur d’érudition (même si celle-ci frise parfois la mystification) et pour qui « l’étrangeté est une partie intégrante du beau », comme disait Baudelaire de Poe.

J.-P. V.

➙ Fantastique (littérature) / Hispano-américain (domaine littéraire).

 Borges (Cahiers de l’Herne, 1964). / A. Jurado, Genio y figura de Jorge Luis Borges (Buenos Aires, 1964). / G. Charbonnier, Entretiens avec Jorge Luis Borges (Gallimard, 1967). / E. Rodríguez Monegal, Borges par lui-même (trad. de l’espagnol, Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1970). / G. Sucre, Jorge-Luis Borges (trad. de l’espagnol, Seghers, 1971).

Borgia

Famille originaire d’Aragon (Borja), qui joua un rôle important au xve et au xvie s. en Italie.


Sa fortune débute avec l’élection à la papauté d’Alonso (1378-1458), archevêque de Valence, qui règne de 1455 à 1458 sous le nom de Calixte III. Son népotisme abusif renforce la situation de sa famille en Italie ; une de ses sœurs, Isabella, a deux fils, Pedro Luis et Rodrigo.

Pedro Luis (v. 1432-1458) est fait par son oncle, le pape, capitaine général de l’Église, duc de Spolète, châtelain de Saint-Ange, préfet de Rome et gouverneur du patrimoine de Saint-Pierre (1456-57).

Rodrigo (1431-1503) est fait par Calixte III cardinal à vingt-cinq ans. Une carrière particulièrement brillante le conduira jusqu’au souverain pontificat, qu’il assumera sous le nom d’Alexandre VI*, de 1492 à 1503.

Quand il est élu pape, le cardinal Rodrigo Borgia a déjà eu plusieurs enfants de différentes femmes.

De mère inconnue est né Pier Luigi (v. 1463 - Civitavecchia 1488), légitimé en 1481 ; ayant vaillamment combattu les Mores en Espagne, il est créé duc de Gandía par les Rois Catholiques, mais il meurt prématurément.

De Vannozza Cattanei, le futur Alexandre VI a eu quatre enfants, tous légitimés : Cesare, Giovanni, Lucrezia, Jofré.

Giovanni (v. 1474 - Rome 1497) hérite de son frère naturel Pier Luigi le titre de duc de Gandía (titre qui ne s’éteindra qu’en 1748). Son assassinat mystérieux, après qu’il a reçu les fiefs de Bénévent, de Terracine et de Pontecorvo, est attribué aux Orsini, puis à son frère Cesare.