Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

blindé (suite)

L’évolution des blindés depuis 1945

La part déterminante qui revenait aux divisions blindées dans la défaite de la Wehrmacht en 1945 semblait consacrer la valeur irremplaçable du char de combat. Celle-ci allait pourtant être remise en cause par la révélation brutale de l’explosion atomique d’Hiroshima, trop rapidement identifiée par certains à une primauté définitive du feu sur la manœuvre. Cette remise en cause du principe même du char s’appuyait en outre sur les performances accrues d’un armement antichar de plus en plus varié : qu’il provienne d’une roquette d’avion, d’une charge creuse, d’un cocktail Molotov ou bientôt d’un missile (type « SS 10 »), le projectile n’avait-il pas progressé plus vite que la cuirasse ?

En 1945, pourtant, aucun problème de construction ne se pose aux armées victorieuses : Américains et Soviétiques sont assez riches, les uns en « Sherman » et « Pershing », les autres en « T 34 », pour en doter durant plusieurs années les armées renaissantes de leurs Alliés. Études et controverses se donnent libre cours et opposent notamment les partisans du char lourd (type « Staline III »), seul capable à leurs yeux de tenir son rôle dans l’attaque, à ceux de chars légers plus mobiles (« Chaffee M 24 », « AMX 13 »), répondant mieux à l’impératif de dispersion imposé par le feu atomique. Les Français, qui ont l’avantage de repartir à zéro, mettent à l’étude des matériels de conception originale, qui aboutiront en 1950 à l’engin blindé de reconnaissance (E. B. R.), au char « AMX 13 » et à un prototype de char de 50 t armé d’un canon de 100 ou de 120, qui ne sera pas adopté.


1949-1950, pacte de l’Atlantique Nord et guerre de Corée

La conclusion du pacte de l’Atlantique Nord (1949), suivie du déclenchement en Corée (1950) d’un conflit qui mettra en œuvre pendant trois ans des armes exclusivement classiques, allait brutalement reposer en termes concrets le problème des blindés. Alors que, face à la menace soviétique, les Américains aidaient par le Programme d’aide militaire le réarmement de leurs partenaires atlantiques, ils devaient s’engager en Corée avec leurs chars « Pershing » et « Chaffee » de 1945, qui se révélaient nettement insuffisants. C’est pour les relayer au combat qu’est lancée la série, plusieurs fois améliorée, des chars « Patton », qui seront eux-mêmes distribués aux forces atlantiques. La guerre de Corée, qui avait imposé aux États-Unis la fabrication rapide de 10 000 chars, prouvait la valeur persistante du char lourd. Mais, bien que le combat fût demeuré constamment classique, la menace de l’arme nucléaire avait plané sur ce conflit au moment même où le monopole atomique américain venait de prendre fin avec la réalisation des bombes nucléaire (1949) et thermonucléaire (1953) soviétiques.


Chars et guerre atomique

1953, c’est aussi la date du premier canon atomique américain, qui inaugure l’emploi tactique de l’arme nucléaire. Deux ans plus tard ont lieu aux États-Unis les premières expériences du comportement des blindés sous le feu nucléaire. Celles-ci s’avèrent nettement concluantes. Il est prouvé, en effet, que tout blindage même léger permet à un véhicule (s’il est bien clos) de se déplacer en zone contaminée. Il constitue d’autre part une protection appréciable contre le rayonnement thermique et même contre la radio-activité (100 mm d’acier ne laissent passer que 15 p. 100 du rayonnement incident) ; vis-à-vis de l’effet de souffle, la résistance d’un blindé est, en gros, proportionnelle à son tonnage. Ainsi, la menace désormais généralisée d’un combat nucléaire se traduisait par une revalorisation du blindé et même par une généralisation de son emploi. En effet, si le char proprement dit, dénommé aujourd’hui char de bataille, constitue l’arme par excellence destinée à exploiter aussitôt l’effet d’un tir nucléaire tactique, son action doit être préparée, entourée et protégée par d’autres armes auxquelles seul l’engin blindé procure la rapidité et la protection exigée par le combat atomique.


Blindés et mécanisés

Cela explique le développement, depuis 1960, de formations dites mécanisées, qui, autour des régiments de chars, constituent les grandes unités de toutes les armées modernes : division française type 1967, division de fusiliers motorisés soviétique, divisions mécanisée et blindée américaines, unités de grenadiers blindés de la Bundeswehr.

Ces formations mécanisées sont équipées d’une gamme de matériels blindés encore très divers, à base de chars légers (« AMX » français) ou de chasseurs de chars (« Jagdpanzer » allemand, « PT 76 » et « PT 85 » soviétiques), dont certains portent des missiles du type « SS 11 », de véhicules blindés et amphibies transportant des équipes de fantassins (« V. T. T. » et « AMX 10 » français, « V. C. I. 67 » et « B. T. R. 50 » soviétiques, « M 113 » et « M 114 » américains, « Marder » allemand, etc.), enfin de véhicules spécialisés (antiaérien, poseur de ponts, sanitaire, du génie, de dépannage, de commandement, etc.). Si toute cette gamme de matériels demeure dans la classe des blindés légers ou moyens (de 10 à 20 t), les chars de bataille entrés en service entre 1950 et 1960 sont en général des chars lourds, comme le « T 10 » soviétique (successeur du « Staline III »), le « M 60 » américain (à moteur Diesel), les « Centurion » et « Chieftain » anglais. Mais les servitudes qu’entraînent des véhicules de 50 à 60 t ont conduit de nombreuses nations à développer depuis 1955 la gamme des chars moyens de 30 à 40 t : « T 54 » et « T 62 » soviétiques, « AMX 30 » français, « Léopard » allemand, « S » suédois, « Pz 58 » et « Pz 61 » suisses. En 1965, les Américains réalisent avec le « M 60 A1 E1 » le premier char armé d’un canon de 152 lance-missiles (« Shillelagh »), qui, grâce à l’emploi de blindages légers d’aluminium, pourra être monté en 1967 sur un char léger aérotransportable à moteur polycarburant, le « Sheridan ».