Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

blindé (suite)

Lancés sur des « axes » sans souci d’alignement ou d’occupation du terrain, les blindés cisaillent très profondément le dispositif adverse. La tâche des Panzer est facilitée par l’aviation et par les défauts du dispositif allié, mais la décision de Hitler d’attaquer sur Sedan supprimait aux Panzer toute rencontre d’ensemble avec les blindés français, partis en majorité chercher l’adversaire dans les plaines de Belgique. Le 22 juin 1941, la Wehrmacht pénètre en Russie avec près de 8 000 chars. Les forces blindées de l’U. R. S. S., nombreuses mais disparates, possèdent déjà un char moyen moderne, très fortement armé, le « T 34 », dont la silhouette, trop vulnérable, devra être améliorée. Maintenant que leurs Panzer se heurtent à des matériels équivalant aux leurs, les Allemands doivent, eux aussi, accentuer leurs efforts. Le système du « frein de bouche » permet d’enfermer dans d’étroites tourelles des pièces d’artillerie puissantes à vitesse initiale élevée. C’est le moment (1942-43) où la Wehrmacht doit envoyer en Afrique du Nord son nouveau char, le « Panther », affronter les chars moyens de fabrication anglaise ou américaine (« Churchill » et « Sherman »). Mais des renforcements de l’armement et du blindage des « Kw III » et « Kw IV » se traduisent par une forte aggravation du poids : le char moyen va peser 22 t, et le lourd de 28 à 32 t.


Progrès de l’arme antichar

Dès 1918, les Allemands emploient un lourd et peu efficace fusil antichar de 13 mm, auquel succèdent, pendant la Seconde Guerre mondiale, de véritables canons antichars tractés à obus perforants, tels l’excellent 47 mm français de 1939, le 57 américain ou les 75 et 88 allemands. Ces matériels, de plus en plus lourds, sont complétés, dès 1942, par des canons sans recul et par des lance-roquettes : le bazooka américain, qui tire à 60 m un projectile autopropulsé de 75 mm à charge creuse, et le Panzerfaust allemand (d’une portée de 20 m). Ce dernier sera suivi, en 1944, du Panzerschreck, petit canon à projectile empenné également à charge creuse. Simultanément, les Américains mettent en service le tank-destroyer (« T. D. M. 10 »), canon automoteur de 76,2 à obus perforants d’une vitesse initiale de 725 m/s. Monté sur une carcasse de « Sherman », le « T. D. » (dont les homologues soviétiques sont les blindés d’artillerie de type « S. U. ») était toutefois moins puissant que ses adversaires, chars ou chasseurs de chars allemands (les projectiles de 88 mm du « Jagd Panther » étaient animés d’une vitesse initiale de 1 000 ou même de 1 150 m/s). Ainsi, le blindé tendait-il à devenir lui-même la meilleure arme antichar. À la fin du conflit, la menace de ses coups au but, jointe à celle des roquettes des chasseurs bombardiers, s’était substituée au martelage d’artillerie, que craignaient tant les chars au cours des campagnes précédentes.


La compétition des blindés

La guerre germano-soviétique a sensiblement modifié l’emploi des blindés : pour des champs de tir immenses et dépourvus de route, il fallut rechercher des canons tirant loin, donc plus puissants, tout en évitant un poids excessif qui enliserait les chars en tout terrain. Pour parer les coups, ceux-ci ont joué sur la mobilité, l’autonomie (allant jusqu’à 300 km grâce à des moteurs Diesel) et le profil de leur silhouette. En 1944, les Russes y sont remarquablement parvenus avec le nouveau « T 34 », doté d’un canon de 85, comme avec le « J. Staline III Brochet » (canon de 122), dont l’avant dépassait 100 mm de blindage. Avec leur « Panther » et leur « Tigre », les Allemands suivirent une évolution analogue, mais, quand ils voulurent remédier à la vulnérabilité par un renforcement du blindage, ils tombèrent dans l’écueil du char très lourd avec le remarquable « Tigre Royal » de 69 t, dont la pression unitaire au sol de 1,9 k/cm2 était le double de celle qui est normalement admise.

Le débarquement allié de Normandie, précédé par une ligne de chars amphibies, est bientôt mené par 5 000 chars moyens, et les divisions blindées d’Eisenhower, équipées en majorité du fameux « Sherman » — construit à 50 000 exemplaires (types « A 1 » à « A 4 ») par les États-Unis —, joueront comme leurs homologues, les armées et corps blindés soviétiques, un rôle déterminant dans la défaite du IIIe Reich.


Potentiel blindé et industrie de guerre

Un tel essor des blindés exigea un développement considérable de l’infrastructure industrielle des belligérants. Le char est un matériel coûteux : son emploi demande un approvisionnement constant en pièces de rechange, en carburant et en munitions ; sa vie est assez courte (de 3 000 à 4 000 km) et dépend notamment de l’existence d’un réseau ferroviaire pour son transport en dehors des zones de combat. En 1944, l’industrie anglaise, épuisée, assurait avec peine la fourniture de ses matériels d’armement, et, en 1945, l’Allemagne sera incapable de maintenir le potentiel de ses divisions blindées. Pour tous les belligérants, celles-ci sont en effet de plus en plus exigeantes en matériel, car, à côté du char, s’est développée toute une gamme d’engins blindés (automoteurs, automitrailleuses, blindés de servitude) qui l’accompagne au combat. Pour faciliter la fabrication, les Américains réaliseront de véritables « systèmes de matériels » en utilisant des châssis, des moteurs et des trains de roulement identiques pour des engins à destinations différentes. Aussi, avec 130 000 blindés, arrivent-ils en tête de la production de tous les belligérants, suivis par l’U. R. S. S. (env. 100 000), l’Allemagne (env. 50 000) et la Grande-Bretagne (30 000).

Les grandes unités blindées

Le 30 mai 1933, le général Weygand signait la décision créant la première grande unité blindée : la « division légère mécanique » (D. L. M.). Au nombre de trois, elles constitueront en 1940 le corps de cavalerie. Les D. L. M. comprennent chacune une brigade à deux régiments de chars (160 « Somua » et « H 39 »), un régiment d’automitrailleuses et un régiment de dragons portés. En mai 1940, la France dispose, en outre, de quatre divisions cuirassées (D. Cr), rassemblant chacune 150 chars en quatre bataillons (deux de « B », et deux de « R 35 »), et un bataillon de chasseurs portés appuyés, comme la D. L. M., par de l’artillerie tractée. De leur côté, les Allemands engageront alors dix Panzerdivisionen groupées en corps blindés pour l’action en profondeur. À côté d’une brigade de fusiliers portés, chacune aligne de 250 à 300 chars. (Ce chiffre sera ramené à 180 pour augmenter le nombre des Panzer.) L’armée rouge constitue, elle aussi, de puissants corps et armées blindés, tandis que les Anglais préfèrent la formule de brigades homogènes, les unes blindées (à trois régiments de chars), les autres portées (à trois bataillons d’infanterie). Aux États-Unis, le général Chaffee fait prévaloir, au contraire, l’organisation de Combat Command, rassemblant chacun un bataillon de chars, un bataillon de fusiliers et un groupe de canons automoteurs. Ce groupement inter-armes caractérise la division blindée américaine de 1944-45, qui, avec trois Combat Command, dispose de 3 800 véhicules, dont plus de 600 blindés. Les servitudes logistiques et les exigences de la guerre nucléaire ont conduit désormais à une formule intermédiaire qui est adoptée en 1960-1970 dans la plupart des grandes unités de type mécanisé ou blindé.