Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berne (suite)

À la mort du dernier des Zähringen, en 1218, Berne devint ville impériale ; commença alors son existence de cité indépendante. Berne eut bientôt à se défendre contre les puissantes familles princières qui convoitaient l’héritage des Zähringen. Elle prit pied peu à peu sur les terres avoisinantes, acquérant ou conquérant les territoires qui devaient assurer sa subsistance et garantir son indépendance. Assiégée en 1288 par Rodolphe de Habsbourg, elle triompha de lui à la Schosshalde et remporta une autre victoire, sur Fribourg-en-Brisgau, en 1298. Heureuse dans la guerre, elle le fut aussi dans ses alliances. La victoire décisive de Laupen (1339), où, pour la première fois, les Bernois combattirent aux côtés des troupes de la Suisse primitive, fit de Berne le pilier de la « Confédération occidentale » ; la fraternité d’armes fut scellée le 6 mars 1353 par l’alliance perpétuelle. Berne devint alors canton suisse.

Centre d’un territoire déjà fortement peuplé au xiie s., avec une agriculture et des industries florissantes, la ville développa une activité commerciale intense. Les artisans recherchaient volontiers la sécurité et les avantages d’un marché profitable et s’associèrent en corporations, qui, par opposition à d’autres villes suisses, ne jouèrent à Berne aucun rôle politique. Les principales industries étaient le travail du cuir, la fabrication des toiles et des lainages, articles qui donnèrent lieu, dès le xve s., à un important commerce d’exportation.

La conquête de l’Argovie (1415) et du pays de Vaud (1536), les combats contre Zurich, le Valais, la Savoie et les ducs de Bourgogne et de Milan assurèrent pendant deux siècles l’indépendance absolue et une stabilité remarquable à la république unie et puissante de Berne. En 1528, au moment de sa plus grande puissance, la ville adopta la Réforme et acquit ainsi également l’autorité absolue en matière de foi. Démocratique à son origine, le gouvernement bernois devint de plus en plus aristocratique, et, au xvie s., la souveraineté passa à un petit nombre d’anciennes familles, dites « régnantes », qui, seules, avaient accès aux charges publiques. Plusieurs tentatives de la part des opprimés pour recouvrer leurs anciens droits échouèrent (guerre des paysans en 1653, révolte du pays de Vaud en 1723, conjuration de Samuel Henzi [1701-1749] en 1749).

En 1798, la république aristocratique tomba sous les coups des armées françaises ; l’Argovie et le pays de Vaud se déclarèrent indépendants. En 1814, l’aristocratie bernoise retrouva une partie de ses privilèges politiques et reçut au congrès de Vienne le Jura bernois, ancienne possession de l’évêque de Bâle, en compensation des territoires perdus. Mais le principe de la souveraineté populaire devait finalement triompher avec la Constitution de 1831 ; la campagne, autrefois sujette, fut incorporée à la république, et les révisions constitutionnelles de 1846 et de 1893 étendirent les droits des citoyens, donnant à l’État bernois son caractère démocratique actuel.

Depuis 1950, la Constitution bernoise reconnaît l’existence de deux peuples dans le canton, celui du vieux Berne et celui du Jura bernois. Cependant, des tendances d’indépendance pour le Jura se font jour actuellement et exigeront une décision de la part du peuple souverain. La Constitution fédérale de septembre 1848 fixa le siège du gouvernement suisse à Berne, qui devint ainsi « ville fédérale » et domicile des représentants des puissances étrangères ainsi que des institutions internationales : Union postale universelle (U. P. U.), Office central des transports internationaux par chemins de fer.

Berne n’a pas négligé les arts, les lettres et les sciences. Il n’est qu’à citer les noms de Niklaus Manuel, nommé N. M. Deutsch (1484-1530), peintre, poète et homme d’État, et d’Albrecht von Haller (1708-1777), savant universel, poète, philosophe, médecin, homme d’État et critique littéraire, qui fut le véritable inspirateur de son temps. Dès le xvie s., la ville avait une académie, qui, en 1834, devint université. Elle possède aussi d’excellentes bibliothèques (entre autres la Bibliothèque nationale suisse), un conservatoire de musique, de nombreuses écoles et plusieurs musées, dont celui des Beaux-Arts.

H. O.


Le développement spatial

Vers le milieu du xixe s., Berne n’était encore qu’une cité de moyenne importance, qui n’avait guère franchi les limites de ses enceintes médiévales. La population ne se chiffrait alors qu’à 27 500 habitants. L’expansion de Berne dans la seconde moitié du xixe s., qui entraîna la démolition des remparts, caractérise assez bien l’essor général de la Confédération helvétique. De larges rues, les allées bordées d’arbres donnent à Berne un cachet original. On s’attaque au plus grand obstacle : relier l’« Altstadt » aux quartiers nouveaux par la construction d’une série de ponts jetés sur l’Aar. L’arrivée de la première ligne ferrée, en 1858, en provenance d’Olten, nécessita la construction du viaduc par-dessus la vallée du Worblenbach. La ville fut reliée par chemin de fer à Thoune en 1859, à Bienne et à Lucerne en 1864, à Neuchâtel en 1901. Le canton de Berne finança la construction du chemin de fer du Lötschberg, de Thoune à Brigue, ouvrant à la cité la route des Alpes et contrôlant le Simplon. Berne devint ainsi une gare importante, dont le tourisme dans l’Oberland bernois devait rapidement profiter.


Les activités urbaines

L’industrialisation gagne la ville vers le milieu du xixe s. Les abondantes ressources en eau sont un facteur favorable. Cependant, les quartiers exclusivement industriels sont absents. Les activités industrielles sont localisées dans les quartiers nouveaux, si bien que la ville ne passe point pour un centre industriel. Les statistiques permettent de rectifier cette impression superficielle que peut avoir le touriste traversant la ville. Des initiatives individuelles, la possibilité de disposer de capitaux locaux, le fait qu’à partir de 1848 Berne devient capitale fédérale sont à la base de l’essor industriel (Eisenwerke Muesmatte [métallurgie], filature de Wylerfeld, fabrique de tricot de Marzili, usines d’appareillage, fabriques d’armes, de meubles, de chocolat).