Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belinski (Vissarion Grigorievitch) (suite)

De ses réflexions philosophiques appliquées à la littérature, Belinski est naturellement conduit à dégager une esthétique. Pour lui, l’art est reproduction de la nature et puise à la même source que la science : la réalité, l’un et l’autre ne se distinguent que dans leurs formes de perception et d’expression, l’art procédant par images là où la science opère par concepts. Belinski est à l’origine de l’« école naturelle » russe, dont son introduction au recueil Physiologie de Pétersbourg (1845) constitua une sorte de manifeste. Il y insiste sur la nécessité de développer le mode de représentation critique de la réalité inauguré par Gogol, et de répondre aux besoins de la société contemporaine en élargissant géographiquement et socialement le domaine de la vie nationale susceptible d’une représentation artistique. Il est ainsi le théoricien et le fondateur de l’esthétique et de la critique réalistes russes. Sous son impulsion, des écrivains aussi divers que Nekrassov, Grigorovitch, Tourgueniev, Saltykov se trouvent rapprochés par leur volonté commune d’œuvrer « dans la ligne de Gogol ».

Belinski jouit de son vivant d’un prestige considérable. Il était l’écrivain vedette des Annales de la patrie et du Contemporain. Tout le monde, même les slavophiles avec qui il était en guerre, attendait avec impatience, s’arrachait les numéros des revues où paraissaient ses articles. Il eut une influence énorme sur la jeunesse intellectuelle de son temps et sur la génération suivante, dont il fut véritablement le maître à penser. Après une éclipse gui débute vers 1890 et correspond à la période d’activité des symbolistes puis des formalistes, Belinski fut remis en honneur à partir de 1930 par la critique soviétique, qui trouve chez lui les bases du réalisme socialiste.

A. G.

 S. A. Vengerov, l’Époque de Belinski (en russe, Petersbourg, 1905). / N. O. Lerner, Belinski (Berlin, 1922). / A. Lavretski, l’Esthétique de Belinski (en russe, Moscou, 1959). / V. S. Netchaïeva, Belinski, vie et œuvre (en russe, Moscou et Leningrad, 1961-1967 ; 2 vol.). / I. Ambrogio, Belinskij e la teoria del realismo (Rome, 1963).

Bell (Alexander Graham)

Inventeur et physicien américain, d’origine écossaise (Édimbourg 1847 - Baddeck, Canada, 1922).


Son grand-père a été professeur d’élocution à Londres et son père, maître de diction à Édimbourg, a inventé un « langage visible » pour les sourds-muets. Le jeune Alexander Graham ne tarde pas à suivre la vocation familiale.

Abandonnant les études musicales, il commence sa médecine. En 1867, il devient l’assistant de son père, apprenant à parler à des sourds-muets et donnant des cours de diction dans plusieurs écoles. Tout en s’instruisant en anatomie et en physiologie, il lit Helmholtz, dont les recherches sur les ondes sonores le passionnent. En 1870, il est menacé de tuberculose, maladie qui a déjà enlevé deux de ses frères. Aussi sa famille émigre-t-elle au Canada, où le jeune homme se rétablit.

Enseignant le « langage visible » à des maîtres pour sourds-muets, près de Boston, il ouvre, en 1872, une classe spéciale de physiologie vocale à l’université de cette ville. Il accepte alors de s’occuper d’une riche jeune fille devenue sourde à l’âge de quatre ans. L’amour qu’il éprouve pour cette jeune infirme, qui deviendra sa femme en 1877, l’incite à poursuivre les recherches qu’il a entreprises dans le dessein d’aider les sourds-muets et qui aboutiront en 1876 à une tout autre invention : celle du téléphone. Les démonstrations qu’il en fait à l’exposition de Philadelphie obtiennent un très vif succès. Avant la fin de l’année, une liaison par fil télégraphique est réussie à 230 km de distance. La fortune sourit à Bell, mais, aussitôt, la priorité de son invention est contestée, en particulier par Elisha Gray (1855-1901) qui a pris un brevet le même jour que lui, mais qui sera débouté pour vice de forme.

En 1880, l’Académie des sciences française lui attribue le prix Volta et il en consacre le montant à la fondation à Washington du Volta Laboratory, qu’il dotera richement plus tard pour en faire une fondation consacrée aux recherches sur la surdité. Il met alors au point le gramophone qui, grâce à l’enregistrement sur cire, marque un progrès considérable sur le phonographe d’Edison.

En 1881, lors de l’attentat contre le président Garfield, Graham Bell utilise pour le traitement de l’illustre victime une autre de ses inventions constituée par un dispositif à écouteurs téléphoniques pour la détection des balles et autres objets métalliques logés dans le corps.

Devenu citoyen américain, il acquiert pourtant dans l’île canadienne du Cap-Breton (Nouvelle-Écosse) une propriété dans laquelle il séjournera longuement pendant les 35 dernières années de sa vie et où il mourra. Il y dispose de laboratoires où, au hasard de son inspiration, il fait nombre d’inventions : l’hydroptère ou hydrofoil, une installation pour le dessalage de l’eau de mer, des dispositifs stabilisateurs pour aéroplanes (en collaboration avec Langley), etc. Son éclectisme s’était manifesté auparavant à Washington avec des recherches portant sur le photophone, avec lequel on transmet la parole sans fil, au moyen d’un faisceau de lumière ; le radiophone, pour percevoir en forme de sons le passage d’un corps opaque dans le faisceau de lumière qui éclaire une plaque au sélénium ; la réfrigération par air frais ; voire l’élevage des moutons par une méthode sélective qui permettait des mises bas multiples une fois sur deux...

Fondateur de la revue Science, il fut également l’un des promoteurs de la célèbre National Geographic Society qu’il présida de 1898 à 1903.

L’invention du téléphone

Bell commence par réaliser un « télégraphe harmonique » : au moyen d’électro-aimants il obtient qu’un diapason reproduise le son d’un autre qui vibre au bout opposé du fil. Puis, sans le moindre succès, il remplace les diapasons par des lamelles aimantées. Un jour, lorsque son assistant Watson arrache une lamelle qui s’était collée à l’électro-aimant, Bell, qui se trouve dans la pièce contiguë, entend un crépitement à l’autre bout du fil. Mis ainsi sur la voie d’une solution, dès le lendemain il réussit la transmission de paroles qui, certes, sont encore inintelligibles. Il remplace alors les lamelles par un microphone à liquide : la membrane vibrante porte en son centre un fil métallique qui plonge dans une solution d’acide sulfurique. Les vibrations sonores, en soulevant et en abaissant le fil dans le liquide, provoquent des vibrations identiques de la membrane à l’autre bout du fil.

Le 10 mars 1876, ayant renversé de l’acide sur ses vêtements au cours d’une expérience, il appelle Watson. Celui-ci accourt avec d’autant plus d’empressement qu’il a entendu l’appel par... téléphone.

J. D.