Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belgrade (suite)

Population et population active

La ville de Belgrade comprend 13 communes, dont Stari Grad, la « vieille ville », centre historique, et Novi Beograd, la ville nouvelle. Six communes ont plus de 80 000 habitants chacune (Stari Grad est la plus peuplée, avec 96 000 hab.), deux communes ont moins de 25 000 habitants. La population agricole représente moins du dixième de la population active dans 6 communes, mais plus de 60 p. 100 dans 4 autres. Au total, la « ville » (grad) comprenant ces 13 communes (opština) compte plus de 850 000 habitants inégalement répartis sur un peu plus de 2 400 km2, soit une densité de l’ordre de 350 habitants au kilomètre carré. L’agglomération de caractère urbain compte environ 600 000 habitants. La population active de la ville comprend 301 000 personnes, dont 81 000 travaillent dans l’industrie ; 28 000 dans la construction ; 30 000 dans les communications et les transports ; 48 000 dans le commerce ; 44 000 dans les services culturels ; 28 000 dans les services administratifs, sociaux et d’État.

A. B.


L’histoire de la ville

Créée par des Celtes au ive s. av. J.-C., la ville de Singidunum devient un centre important sous la domination romaine, mais sera ruinée au début du viie s. par les Avars et les Slaves, ces derniers s’y implantant. On ne reparle d’elle qu’au ixe s., sous le nom slave de Belgrade. Forteresse frontière disputée alors par les Bulgares, les Byzantins, les Hongrois, Belgrade est aux Serbes de 1284 à 1319 et au début du xve s. : elle devient alors, pour la première fois, capitale de l’État serbe ; elle connaît un grand essor.

Reprise par la Hongrie en 1427, Belgrade représente un « rempart de la chrétienté » face aux Turcs, qui s’étendent dans les Balkans ; mais, après l’échec des sièges de 1440 et de 1456, ils s’emparent de la ville en 1521. Ville d’aspect oriental, aux populations diverses, Belgrade est, pendant 150 ans, un grand centre commercial du nord de la Turquie d’Europe. Après le repli de la Turquie sur la Save et le Danube (1699), Belgrade redevient forteresse frontière, objet de luttes destructrices entre les Turcs et les Autrichiens, qui l’occupent en particulier de 1718 à 1739, développant les fortifications et les édifices « européens ». De 1806 à 1813, Belgrade est le centre de la Serbie en révolte contre la Turquie ; reprise momentanément par celle-ci, elle fait partie, en 1815, de la principauté serbe qui se forme. Pôle d’une forte immigration, ville modernisée, Belgrade s’affirme, au cours du xixe s., comme la capitale politique, culturelle et économique de la Serbie autonome (1839), puis indépendante (1878), la citadelle encore gardée par les Turcs ayant été libérée en 1867.

Après la Première Guerre mondiale, durant laquelle l’Autriche l’occupe, Belgrade, enfin unie aux régions yougoslaves au nord de la Save et du Danube, est promue au rang de capitale dans le royaume des Serbes, Croates et Slovènes formé en 1918 (Yougoslavie en 1929). L’attaque soudaine et meurtrière de l’aviation allemande, le 6 avril 1941, marque le commencement d’une nouvelle occupation. Libérée en octobre 1944 par les partisans avec l’aide de l’Armée rouge, Belgrade devient le siège des institutions fédérales de l’État socialiste yougoslave formé en 1945, en même temps que le centre de la république de Serbie.

M. P. C.

➙ Serbie / Yougoslavie.

 D. Popović, Belgrade à travers les siècles (en serbo-croate, Belgrade, 1964). / J. Kalić-Mijušković, Belgrade au Moyen Âge (en serbo-croate, Belgrade, 1967).

Belinski (Vissarion Grigorievitch)

Critique littéraire et publiciste russe (Sveaborg, auj. Suomenlinna, près d’Helsinki, 1811 - Saint-Pétersbourg 1848).


Fils d’un médecin de la marine qui exerça ensuite à la campagne, Belinski passa ses années d’enfance dans des conditions matérielles difficiles. La pauvreté qu’il connut alors le poursuivra toute sa vie, brisera sa santé en l’obligeant à un travail acharné et causera sa mort prématurée. Attiré très tôt par la littérature, il entre en 1829 à la faculté des lettres de l’université de Moscou, mais s’en voit exclu en 1832 « pour incapacité » : il a échoué à l’examen de passage, pour raison de santé. Il est déjà l’auteur de Dmitri Kalinine, drame contre le servage où, partant de la réalité au contact de laquelle il s’est trouvé dans sa jeunesse, il fait écho au Voyage de Pétersbourg à Moscou (1790) de Radichtchev ainsi qu’à l’idéal des révolutionnaires du 26 (14 vieux style) décembre 1825, les décabristes, dont l’un des objectifs était l’abolition du servage. À son tour, Belinski stigmatise « ces serpents, ces crocodiles et ces tigres qui se nourrissent des os et de la chair de leur prochain ». De ce jeune auteur au tempérament fougueux et généreux — « Vissarione furioso » pour ses camarades —, les autorités universitaires préfèrent se débarrasser.

À la recherche de moyens d’existence, Belinski se met à travailler, en 1833, pour la revue de Nadejdine le Télescope. Dès 1834, il a trouvé son style. Dans ses « Rêveries littéraires », grand article dont la publication s’échelonne dans les livraisons de septembre à décembre du supplément à la revue, il offre un tour d’horizon de la littérature russe, où les œuvres qu’il analyse donnent le départ à des développements philosophiques. Désormais, quatorze années durant, qu’il étudie les classiques russes du siècle précédent, comme Derjavine ou ses contemporains (Pouchkine, Lermontov et Gogol notamment), qu’il apprécie dans son ensemble la production littéraire de l’année écoulée ou se tourne vers les maîtres de l’Occident (Shakespeare, Goethe), la littérature est le terrain où Belinski, s’attachant particulièrement au problème de la destinée et de la dignité de la personne, recherche la vérité sur l’homme dans le cadre d’une conception générale du monde.

Dans cette quête, il se tourne d’abord vers l’idéalisme allemand, très en faveur parmi les jeunes intellectuels du cercle de Stankevitch, qu’il fréquente. Il combine, dans ses « Rêveries littéraires », la cosmologie de Schelling et la morale esthétique de Schiller. Puis, en 1835, il rencontre Bakounine et, par son intermédiaire, découvre Fichte et Hegel. C’est l’époque de sa réconciliation avec la réalité russe existante, conséquence de la conclusion à laquelle il est arrivé que « la vie idéale est la vie réelle, alors que la vie dite réelle n’est que mirage, vide et néant ». Mais c’est là une position idéologique transitoire. Au mois d’octobre 1839, Belinski s’installe à Saint-Pétersbourg. Séparé du cercle de Stankevitch, il devient plus indépendant : sans renoncer à la dialectique hégélienne — il ne s’en départira jamais — et passionné de questions sociales revenues au premier plan de ses préoccupations, il tourne alors le dos à l’idéalisme et, s’inspirant de Feuerbach, se rallie définitivement aux thèses matérialistes et aux idées démocratiques.