Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

ballet (suite)

Marqué par l’opposition de deux styles (Taglioni et Elssler) ou par leur fusion (Grisi), le ballet romantique lègue à la danse une technique parfaite, une esthétique nouvelle. La ligne du corps plus allongée, les bras plus souples, l’arabesque posée et définie se conjuguent avec une légèreté, une élévation, une amplitude et une aisance totale du mouvement jusqu’alors inconnues. Le « ballet blanc » porte pourtant en lui les germes de son propre mal. Il périra de ce qui l’a fait triompher : ses étoiles. Musique, danse, décors sont issus de leurs exigences, voire de leurs caprices. La nouvelle génération ne connaît plus la même faveur, figée dans des œuvres aux thèmes peu renouvelés. Seuls vont subsister Coppélia (1870) d’Arthur Saint-Léon, Sylvia (1876) et les Deux Pigeons (1886) de Louis Mérante. De France et d’Italie, les meilleurs éléments convergent vers la Russie, où une nouvelle école de ballet formera à la fin du xixe s. et au début du xxe s. les plus grands artistes du ballet moderne.


La période postromantique

L’Opéra de Paris, qui a déjà reçu de nombreuses danseuses étrangères (Sofia Fuoco, Caroline Rosati, Amalia Ferraris, etc.), continue à en accueillir (Rita Sangalli, Rosita Mauri, Julia Subra ; Carlotta Zambelli [1877-1968], qui, engagée en 1894, dansera jusqu’en 1934, et, devenue professeur, exercera une influence profonde). Les Françaises sont peu représentées (Marie Sanlaville, Léontine Beaugrand). Le danseur retrouve peu à peu son ancienne importance avec Albert Aveline et Léo Staats, élève de Mérante. Certaines prouesses qui étaient autrefois l’apanage des « grands » sont devenues la base même d’un art rigoureux où la fusion des écoles italienne et française fait apparaître un travail des pieds exemplaire, allié à des ports de bras d’une rare élégance. Mais cet art vivant s’enlise dans le conformisme musical et pictural que lui distille l’Opéra. Le renouveau viendra de Russie.


Le ballet moderne

La venue à Paris, puis à Saint-Pétersbourg de la danseuse américaine Isadora Duncan suscite des mouvements divers : sa « danse libre », en tunique et pieds nus, souvent improvisée, influencera sans aucun doute Michel Fokine*. Les Ballets* russes, qui se produisent pendant vingt ans, orientent le ballet vers de nouveaux horizons. Peu après leur arrivée à Paris (1909), plusieurs compagnies se constituent, telle celle d’Anna Pavlova*, qui fait de nombreuses tournées internationales jusqu’en 1929. Ida Rubinstein (1885-1960), riche mécène, consacre son activité, à partir de 1921, à monter des spectacles de ballet, s’assurant le concours de peintres, de musiciens, de chorégraphes et de librettistes en renom. Les Ballets suédois de Jean Börlin et Rolf de Maré vont, de 1920 à 1925, parcourir le monde, prodiguant leurs nouveautés et leurs hardiesses (les Mariés de la tour Eiffel, 1921).

Après la mort de Diaghilev (1929), les Ballets russes de Monte-Carlo et les Ballets russes du colonel W. de Basil poursuivent son œuvre. En Allemagne, Kurt Jooss (né en 1901) se livre à de nombreuses recherches : avec son théâtre de danse, il présente la Table verte (1932). En Grande-Bretagne, Marie Rambert fonde la plus ancienne troupe de ballet (le Ballet Rambert), tandis que Ninette De Valois est l’instigatrice du Sadler’s Wells Ballet, qui devient, par charte royale, en 1956, le Royal Ballet de Grande-Bretagne. À l’Opéra de Paris, Serge Lifar* (né en 1905) remplace Balanchine* (né en 1904), malade, au poste de chorégraphe où celui-ci avait été appelé (1929). Définitivement engagé (1930), il va présider aux destinées chorégraphiques de l’Opéra jusqu’en 1945, puis de 1947 à 1958, portant à son apogée le style néo-classique dont il est le créateur. En U. R. S. S., après les tentatives avant-gardistes des années 1920, on revient aux traditions de l’ancien ballet impérial. Le public manifeste son goût pour le ballet traditionnel et pour le ballet d’inspiration populaire. Aux États-Unis, la tournée des Ballets russes de Monte-Carlo et l’arrivée de Balanchine à New York (1933) déterminent le premier véritable intérêt pour la danse. Le Danemark voit son ballet résister à toutes les influences et conserver intacte la tradition de Bournonville. Harald Lander (1905-1971) sera, de 1931 à 1951, un maître de ballet très apprécié. Après son départ, Vera Volkova (1904-1975), disciple de Vaganova (1879-1951), modifiera le style du ballet danois.


Le ballet contemporain

Après la Seconde Guerre mondiale, le ballet connaît un véritable renouveau. De jeunes artistes s’imposent dès 1945, et les jeunes compagnies expriment dans leurs tentatives audacieuses les préoccupations d’une génération inquiète. En France, les Ballets des Champs-Élysées sont créés en 1945. Roland Petit* fonde sa compagnie, les Ballets de Paris (1948). Le marquis de Cuevas (1885-1961) crée son Grand Ballet (1947) à Monte-Carlo. Son œuvre survivra grâce au Grand Ballet classique de France, à partir de 1963. Aux États-Unis, après l’impulsion donnée par Lucia Chase, Balanchine fonde la Ballet Society, qui devient le New York City Ballet en 1948. En Angleterre, Anton Dolin anime le London’s Festival Ballet (1950). Janine Charrat et ses ballets, qui prendront le nom de Ballet de France en 1955, débutent en 1951. La même année est créé le Ballet national canadien. En 1954, Robert Joffrey monte sa propre troupe à New York ; J. Robbins prend la tête des Ballets USA en 1958, et, en 1959, la compagnie d’Alvin Ailey voit le jour. En 1959 naît le Nederlands Dans Theater et en 1961 se constitue le « Het » (Het Nationale Ballet) à Amsterdam.

L’art chorégraphique, qui pendant de longues années ne passionna réellement qu’un public restreint d’initiés, tend à s’incorporer aux spectacles contemporains. L’audience du ballet s’élargit grâce à de nouvelles initiatives et à la diffusion que lui assurent la télévision et les festivals de danse et de musique. Les innovations chorégraphiques et les mises en scène de Maurice Béjart*, fondateur du Ballet du xxe siècle, soulèvent de nombreuses controverses (le Sacre du printemps et la Damnation de Faust), mais l’intérêt qu’elles suscitent est la preuve d’une évolution certaine. Les ballets de Michel Descombey, créés à l’Opéra (Pour Piccolo et Mandoline, 1963), les reprises et les créations de Michel Rayne à l’Opéra-Comique (Casse-Noisette, le Prisonnier du Caucase en 1965), la réhabilitation de son corps de ballet sont des réussites qui témoignent d’une nouvelle vitalité. La décentralisation artistique a permis à des chorégraphes et à des maîtres de ballet comme Joseph Lazzini (Marseille), Jean Combes (Strasbourg), Françoise Adret (Nice), Léone Mail (Bordeaux) de donner leur mesure et d’associer le public à leurs efforts. À l’Opéra de Hambourg, Peter Van Dijk, danseur étoile et chorégraphe, donne au ballet allemand une compagnie de grande classe, tandis que s’affirment les troupes de Stuttgart, de Munich et de Berlin-Ouest. En U. R. S. S., où le ballet est un art national, l’Institut chorégraphique de Moscou forme des danseurs et des maîtres de ballet qui animent ensuite les opéras de toutes les fédérations. Les troupes du Bolchoï et du Kirov sont applaudies dans le monde entier, ainsi que l’Ensemble folklorique d’Igor Moïsseïev. Alwin Nikolais fonde le Dance Theatre en 1951. Les années 1962, 1964 et 1967 marquent la fondation de la Paul Taylor Dance Company, du Harkness Ballet et du New Ballet Rambert. Les dernières-nées des troupes françaises sont le Ballet-Théâtre contemporain (1967), le Théâtre français de la danse, les Ballets Félix Blaska (1969) et le Théâtre du Silence (1972). L’Opéra de Paris (Claire Motte, Jacqueline Rayet, Christiane Vlassi, Nanon Thibon, Noella Pontois, Wilfride Piollet, Dominique Khalfouni, Attilio Labis, Cyril Atanassoff, Georges Piletta, Michael Denard...), en dépit de la crise qu’il traverse, dispose d’un des meilleurs corps de ballet actuels.