Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yamamoto Isoroku (suite)

N’ayant pu éviter la guerre, il mettra le maximum de chances de son côté. D’une part, il soumet la flotte combinée à un entraînement intensif, notamment pour l’emploi des porte-avions ; d’autre part, il préconise la destruction par surprise de la flotte américaine du Pacifique avant qu’elle ne puisse se renforcer. C’est la préparation de l’attaque de Pearl Harbor (Hawaii), dont la réalisation semble à beaucoup pleine de risques. La réussite, le 7 décembre 1941, est éclatante, et, pendant dix-huit mois, Yamamoto conduira avec succès les opérations de la flotte combinée. La série impressionnante de ses victoires, notamment la destruction des cuirassés britanniques Repulse et Prince of Wales, ainsi que la prodigieuse extension de la domination japonaise dans le Pacifique lui valent un immense prestige. À bord de son navire-amiral, le cuirassé Yamato, le plus puissant navire de bataille de l’époque (72 000 t pleine charge, 9 canons de 460 mm envoyant à 40 km des obus de 1 350 kg, vitesse de 28 nœuds, équipage de 3 300 hommes), Yamamoto devient une sorte d’idole nationale. Ses avis ne sont pourtant pas suivis : le Japon disperse ses forces dans l’est et le sud du Pacifique, et les Américains, tirant la leçon de leur défaite, portent leur effort sur les porte-avions et réalisent même un bombardement surprise sur Tōkyō le 18 avril 1942. Après ce raid des bombardiers du général J. H. Doolittle (né en 1896), Yamamoto est persuadé que, s’il n’anéantit pas la flotte américaine en 1942, la guerre est perdue. Il obtient donc le 5 mai l’autorisation du quartier général impérial d’attaquer les Midway pour y attirer la flotte adverse et l’y détruire, comme autrefois la flotte russe à Tsushima. Il est déjà trop tard : au cours de la bataille des Midway du 3 au 5 juin 1942, le Japon perd tous les porte-avions qu’il a engagés, et Yamamoto doit donner l’ordre de retraite. C’est le tournant de la guerre dans le Pacifique, dont les Américains entament la reconquête. Comme le carburant nécessaire à une nouvelle action navale lui est ensuite refusé, Yamamoto prépare une contre-offensive de l’aéronavale pour repousser les attaques américaines. C’est au cours d’une liaison qu’il effectue le 18 avril 1943 entre Rabaul et Bougainville que son avion est abattu par les Américains. Ces derniers ont, en effet, intercepté le message donnant le plan de vol du déplacement de l’amiral, dont l’exactitude est légendaire. Ils peuvent donc réussir l’opération avec des « Lightning » partis de Guadalcanal et munis de réservoirs supplémentaires. Le corps de Yamamoto, retrouvé en pleine forêt, est brûlé solennellement ; ses cendres, ramenées à Tōkyō, sont inhumées le 5 juin 1943 en grande pompe au parc de Hibiya. Comme le proclame son successeur, l’amiral Koga Mineichi, « il n’y avait qu’un Yamamoto, personne ne peut le remplacer et sa perte est pour nous un coup insupportable ». Bien qu’il l’eût prévu, Yamamoto ne connut pas la défaite de son pays, mais celui-ci, malgré le désastre final, conserve un souvenir impérissable de son « dieu de la mer » et des victoires qu’il a remportées.

F. de B.

➙ Guerre mondiale (Seconde).

Yang-tseu-kiang

En pinyin Yangzijiang, fleuve de Chine.


Le Yangzijiang, ou Changjiang (Tch’ang-kiang), a une longueur de 5 980 km et un bassin de 1 830 000 km2 : c’est un des plus grands fleuves du monde. Son débit moyen, de 30 000 m3/s en aval de Datong (Ta-t’ong), en fait un des plus puissants fleuves du monde. Navigable sur plus de 3 000 km et accessible aux bateaux de mer jusqu’au Wuhan (Wou-han), le Yangzijiang est la plus belle voie fluviale du globe et aussi l’une des plus utilisées : Shanghai (Changhai*) lui doit sa fortune.

Le Yangzijiang naît dans les montagnes du Sichuan (Sseu-tch’ouan) ; il traverse le Bassin rouge, où il reçoit de très gros affluents (Min, Jialing [Kialing]). Il se fraye ensuite un chemin difficile et célèbre à travers la masse calcaire des Wushan (Wou-chan) : sur près de 650 km entre Chongqing (Tch’ong-k’ing) et Yichang (Yi-tch’ang), son cours compte vingt-cinq rapides et trois gorges, dont celle de Yichang, où il n’a parfois pas plus de 200 m de large ; en aval de Yichang, le fleuve débouche dans la cuvette du Hubei (Hou-pei), lieu d’une confluence hydrologique : par l’intermédiaire du lac Dongting (Tong-t’ing), il reçoit les eaux du Yuanjiang (Yuan-kiang) et du Xiang (Siang), et il est lui-même rejoint à Wuhan par son plus grand affluent, le Han, long de plus de 1 000 km ; après Jiukiang (Kieou-kiang) et après avoir reçu, par l’intermédiaire du lac Poyang (P’o-yang), les eaux du Gan (Kan), il affronte, de nouveau, des difficultés qui dureront jusqu’à Nankin : il lui faut traverser une série de défilés. À Nankin, où il n’a que 600 m de large (alors qu’il en avait 1 800 à Wuhan), il pénètre dans le delta qu’il a construit, où il se termine par un estuaire fortement remonté et déblayé par la marée : le marnage atteint 4,80 m à Wusong (Wou-song) en période de grande marée.

Le Yangzijiang a un régime assez simple, parce qu’essentiellement pluvial. Il a des hautes eaux d’été, en période de mousson, et des basses eaux d’hiver. La fonte des neiges sur les montagnes du Sichuan ne produit, en aval de Yichang, qu’une montée limitée des eaux en avril. Par contre, les grandes pluies de mousson provoquent une montée très forte des eaux, encore que régulière et prévisible avec un premier maximum en juillet et un second maximum, le plus important, en septembre. À Yichang, l’amplitude moyenne est de 9 m ; elle est de 6 m à Wuhan. Le lac Dongting joue un rôle de régulateur en emmagasinant pendant plusieurs mois une part des hautes eaux du fleuve. En aval de Nankin, dans le delta, l’amplitude diminue beaucoup : 3,70 m à Zhenjiang (Tchen-kiang), 0,90 m à Wusong. Le Yangzijiang est moins chargé que les fleuves de la Chine septentrionale, et notamment que le Huanghe (Houang-ho), mais il ne mérite tout de même pas le nom de fleuve Bleu qui lui fut donné par les navigateurs européens. Sa force de transport est suffisante pour qu’il entraîne une grande partie de ses alluvions jusqu’à son embouchure et qu’il garde un lit fortement incisé. En dépit de la marée, les alluvions déposées dans l’estuaire ont construit l’île de Chongming (Tch’ong-ming), émergée en 620 et qui couvre 715 km2.