Yamamoto Isoroku (suite)
N’ayant pu éviter la guerre, il mettra le maximum de chances de son côté. D’une part, il soumet la flotte combinée à un entraînement intensif, notamment pour l’emploi des porte-avions ; d’autre part, il préconise la destruction par surprise de la flotte américaine du Pacifique avant qu’elle ne puisse se renforcer. C’est la préparation de l’attaque de Pearl Harbor (Hawaii), dont la réalisation semble à beaucoup pleine de risques. La réussite, le 7 décembre 1941, est éclatante, et, pendant dix-huit mois, Yamamoto conduira avec succès les opérations de la flotte combinée. La série impressionnante de ses victoires, notamment la destruction des cuirassés britanniques Repulse et Prince of Wales, ainsi que la prodigieuse extension de la domination japonaise dans le Pacifique lui valent un immense prestige. À bord de son navire-amiral, le cuirassé Yamato, le plus puissant navire de bataille de l’époque (72 000 t pleine charge, 9 canons de 460 mm envoyant à 40 km des obus de 1 350 kg, vitesse de 28 nœuds, équipage de 3 300 hommes), Yamamoto devient une sorte d’idole nationale. Ses avis ne sont pourtant pas suivis : le Japon disperse ses forces dans l’est et le sud du Pacifique, et les Américains, tirant la leçon de leur défaite, portent leur effort sur les porte-avions et réalisent même un bombardement surprise sur Tōkyō le 18 avril 1942. Après ce raid des bombardiers du général J. H. Doolittle (né en 1896), Yamamoto est persuadé que, s’il n’anéantit pas la flotte américaine en 1942, la guerre est perdue. Il obtient donc le 5 mai l’autorisation du quartier général impérial d’attaquer les Midway pour y attirer la flotte adverse et l’y détruire, comme autrefois la flotte russe à Tsushima. Il est déjà trop tard : au cours de la bataille des Midway du 3 au 5 juin 1942, le Japon perd tous les porte-avions qu’il a engagés, et Yamamoto doit donner l’ordre de retraite. C’est le tournant de la guerre dans le Pacifique, dont les Américains entament la reconquête. Comme le carburant nécessaire à une nouvelle action navale lui est ensuite refusé, Yamamoto prépare une contre-offensive de l’aéronavale pour repousser les attaques américaines. C’est au cours d’une liaison qu’il effectue le 18 avril 1943 entre Rabaul et Bougainville que son avion est abattu par les Américains. Ces derniers ont, en effet, intercepté le message donnant le plan de vol du déplacement de l’amiral, dont l’exactitude est légendaire. Ils peuvent donc réussir l’opération avec des « Lightning » partis de Guadalcanal et munis de réservoirs supplémentaires. Le corps de Yamamoto, retrouvé en pleine forêt, est brûlé solennellement ; ses cendres, ramenées à Tōkyō, sont inhumées le 5 juin 1943 en grande pompe au parc de Hibiya. Comme le proclame son successeur, l’amiral Koga Mineichi, « il n’y avait qu’un Yamamoto, personne ne peut le remplacer et sa perte est pour nous un coup insupportable ». Bien qu’il l’eût prévu, Yamamoto ne connut pas la défaite de son pays, mais celui-ci, malgré le désastre final, conserve un souvenir impérissable de son « dieu de la mer » et des victoires qu’il a remportées.
F. de B.
➙ Guerre mondiale (Seconde).