Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yang-tseu-kiang (suite)

Le Yangzijiang, malgré l’allure assez régulière de son régime, est dangereux par ses crues, qui peuvent être énormes. L’amplitude maximale observée à Yichang a été de 13,10 m (de 0,10 à 13,20 m). Le débit aurait atteint 75 000 m3/s à Wuhan entre juillet et septembre 1931, 93 000 m3/s à Datong en 1954. Ces débits de crue sont très supérieurs à la capacité du lit ; de là le risque des inondations particulièrement redoutables au Hubei. En amont, où le fleuve, comme ses affluents, est torrentiel, l’ampleur de la crue peut être énorme : elle atteint 20 m à Chongqing, où les eaux montent de 8 m en vingt-quatre heures ; mais elle s’écoule rapidement en dépit des gorges et des rapides d’aval. Dans la cuvette lacustre du Hubei, par contre, semée d’étangs, de méandres abandonnés, de faux bras, la pente du fleuve devient très faible (14 mm par kilomètre à Wuhan), et l’écoulement est lent ; il l’est d’autant plus que le fleuve se resserre à l’aval pour traverser les défilés du Anhui (Ngan-houei) et d’autant plus encore que le lac Poyang, à l’entrée de ces défilés, est gonflé par la crue du Gan et joue le rôle de bouchon. Or, il peut arriver, en outre, qu’il y ait coïncidence d’une crue du Yangzijiang, qui apporte du Sichuan des « eaux rouges », d’une crue du Han, qui apporte des « eaux jaunes, et d’une crue des rivières affluentes du lac Dongting, Yuanjiang et Xiang (« eaux claires »), de sorte que ce lac ne joue plus son rôle régulateur : l’inondation de 1931 aurait fait 135 000 morts. En 1935, les digues du Han furent rompues en 114 endroits, et il y eut 80 000 morts. Ces digues et celles qui ferment le Yangzijiang sur sa rive sud étaient insuffisantes. De grands travaux ont été réalisés de 1952 à 1956 : un barrage a été construit à Taipingkou (T’ai-p’ing-k’eou), un réservoir de 920 km2 a été aménagé en 75 jours par 300 000 hommes à Shashi (Cha-che) [le réservoir, emmagasinant une partie des eaux de crue (8 000 m3/s), à sec en hiver et livré à l’agriculture, sauva Wuhan lors de la grande crue de 1956] ; un barrage de dérivation a été édifié sur le Han à Dujiatai (Tou-kia-t’ai), cependant que les cours du Fujiang (Fou-kiang) et du Huanshui (Houan-Chouei) étaient corrigés et rejoignaient directement le Yangzijiang en aval de Wuhan ; 300 000 bassins ont été creusés dans les régions montagneuses ; enfin, un énorme barrage réservoir est en construction (ou achevé ?) sur le Han à 1 km en aval du confluent de la Tang (T’ang). D’ores et déjà, le Han est dompté. Les risques sont bien moindres en aval, dans le delta : l’ampleur des crues diminue et, en dépit d’une pente très faible (1 mm par kilomètre), le lit est profondément incisé (plus de 40 m).

Le Yangzijiang est une magnifique voie navigable. La navigation est possible de Yibin (Yi-pin) au confluent du Min en amont du Bassin rouge, jusqu’à la mer. Toutefois, la traversée des « Gorges » entre Chongqing et Yichang est très difficile : autrefois, la descente était très dangereuse et la montée n’était possible que par halage à bras d’hommes et était donc très longue ; aujourd’hui, des bateaux à faible tirant d’eau (2 m) mais puissants franchissent les gorges. En aval de Yichang, à 1 600 km de la mer, il n’y a plus de difficultés. La navigation maritime, avec des navires de 10 000 à 15 000 t, atteint Wuhan* et donne une très grande activité portuaire à cette ville ainsi qu’aux ports situés en aval. Mais le débouché de cette navigation est finalement Changhai, sur le dernier affluent du fleuve, le Huangpu (Houang-p’ou).

Le Yangzijiang est aussi, surtout en aval du lac Poyang, le lieu d’une pêche très active et très variée, pratiquée par des pêcheurs professionnels et portant surtout sur des poissons migrateurs, qui, nés notamment dans le lac Poyang, descendent le fleuve au début du mois de mai.

J. D.

➙ Changhai / Kiang-sou / Wou-han.

Yeats (William Butler)

Écrivain irlandais (Sandymount, près de Dublin, 1865 - Roquebrune-Cap-Martin 1939).



Introduction

Le début du xxe s. voit se lever en Irlande une véritable renaissance littéraire. Elle réalise l’ambition du mouvement « Jeune-Irlande » : ranimer la fierté nationale pour son passé littéraire et historique. Déjà, dès la fin du xixe s., sir Samuel Ferguson et Standish James O’Grady exaltent les grandes heures de l’épopée légendaire (Lays of the Western Gael, 1865 ; Congal, 1872 ; Deirdre, 1880) et de l’histoire ancienne du pays (History of Ireland : the Heroic Period, 1878-1880 ; Early Bardic Literature, 1879). Avec le xxe s. naissant éclate vraiment le « Celtic Revival ». Temps merveilleux de « tous les Olympiens » acharnés à briser les entraves du matérialisme victorien. Plongée avide dans la mythologie celte et le folklore du terroir. Recherche inlassable du support d’une langue spécifiquement irlandaise. Au cœur de cette fièvre, un homme : William Butler Yeats, qui pousse George Moore à s’intéresser au parler paysan, le « brogue », qui envoie J. M. Synge* aux îles d’Aran pour y trouver sa voie ; Yeats, marquant de sa forte personnalité Douglas Hyde, Frank O’Connor, George William Russell (Æ)... Amoureux sans espoir de la belle et ardente nationaliste Maud Gonne, inspiratrice de « A Woman Homer Sung », de « Words », de « No Second Troy »... et dont il fait le symbole de la patrie dans Cathleen ni Houlihan (1902) ; forçant pour lui plaire son côté patriote et qui, s’il accepte une pension du gouvernement (1910), se réserve le droit aux activités politiques. Membre du Sénat irlandais (1922), prix Nobel de littérature en 1923 (à l’origine de The Bounty of Sweden, 1925), Yeats prend vite une stature nationale. Il multiplie ses activités. À côté de son œuvre poétique et théâtrale, il écrit des essais (Ideas of Good and Evil, 1903 ; The Cutting of an Agate, 1912 ; Per Amica Silentia Lunae, 1918), des ouvrages autobiographiques (Rêveries over Childhood and Youth, 1915 ; Autobiographies, 1926 ; The Trembling of the Veil, 1922 ; Dramatis Personae, 1936). Ressuscitant le vieux fonds du terroir (Fairy and Folk Tales of the Irish Peasantry, 1888 ; The Celtic Twilight [le Crépuscule celtique], 1893...), réunissant de la poésie (A Book of Irish Verse, 1895 ; The Oxford Book of Modern Verse, 1936), publiant les Poetics Works of William Blake (1893) ou les Poems and Translations de Synge (1909), entreprenant une sorte de magazine littéraire, On the Boiler (1939), il ne connaît aucun repos. Tournées de conférences (notamment en Amérique en 1903), travaux de traductions (même de l’indien), émissions littéraires (BBC, 1936-37). Et surtout il développe la vie culturelle irlandaise. Participant à la fondation de l’Irish National Literary Society (1892), il rencontre en 1896 lady Isabella Augusta Gregory et, avec elle, constamment associée à son œuvre de promotion culturelle, il fonde l’Irish National Theatre Society, installée dans l’Abbey Theatre (1904), tandis qu’en 1932 il organise l’Irish Academy of Letters.